«Privés de célébrations, nous pouvons vivre l’essentiel»
Comment vivre sa foi, en ce temps de carême caractérisé par l’impossibilité de participer aux célébrations eucharistiques communautaires? Face à l’urgence actuelle, Azzolino Chiappini, ancien recteur de la Faculté de théologie de Lugano, invite à voir la lumière que donne la foi en Jésus Christ.
«Nous ne pouvons pas fermer les yeux, ni jouer avec les mots. La situation est grave, difficile. Nous sommes dans l’obscurité». Dans sa réflexion sur l’interruption historique des célébrations eucharistiques publiques, Azzolino Chiappini, ancien recteur de la faculté de théologie de Lugano, ne s’arrête toutefois pas au simple constat des difficultés actuelles. Au contraire, il met en exergue la force et la lumière que donne la foi dans une période d’épreuve.
«Si la foi a de la force, si la Parole du Seigneur est crédible, si la prière de l’Église a un sens, dans cette obscurité, la lumière est possible», poursuit le théologien tessinois, aux racines grisonnes.
En esprit et vérité
«Pour le croyant, il est en effet difficile de penser et de vivre sans la célébration de la liturgie, qui est le ›sommet et la source’ de la vie chrétienne. Et c’est précisément de cela qu’il semble que nous soyons privés. Mais il y a des mots, des suggestions, des signes, qui nous font voir une lumière».
Dans un élan d’espérance, le professeur émérite rappelle que le premier dimanche où les chrétiens suisses ont été privés de la célébration de l’Eucharistie, la liturgie de la Parole présentait la célèbre rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Un passage biblique particulièrement parlant en ces temps d’urgence.
Privés de célébrations, nous pouvons expérimenter l’essentiel : la rencontre avec le Père ‘en esprit et en vérité’.
Azzolino Chiappini
«La Samaritaine pose la question du lieu de culte, relève le théologien suisse italien. La réponse de Jésus est décisive : non seulement pour cette époque, mais pour tous les temps. »L’heure vient – et c’est celle-ci – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité». Ces paroles prononcées par Jésus sont pour nous, pour moi, maintenant : il est l’heure.
Relation à Dieu renforcée
Pour l’ancien vicaire général du diocèse de Lugano, la privation de la célébration communautaire, qui pour le chrétien est une expérience de foi fondamentale, n’empêche pas de vivre une relation à Dieu à la fois différente et renforcée. Au contraire.
«Privés de célébrations, nous pouvons vivre et expérimenter l’essentiel : la rencontre avec le Père ›en esprit et en vérité’, c’est-à-dire dans la partie la plus vraie et la plus profonde de nous-mêmes, notre cœur», précise Azzolino Chiappini, pour qui les rites liturgiques restent fondamentaux.
«Les signes sacramentels sont nécessaires pour chacun d’entre nous, créatures composées non seulement de l’âme et de l’esprit, mais aussi du corps. Elles sont nécessaires et doivent (ou devraient) également donner la dimension de beauté à la prière».
Aux sources de la foi
Cependant, il souligne que dans l’actuelle situation d’urgence, le chrétien «peut survivre, même suffisamment bien», sans célébrations communautaires; ceci, en puisant surtout aux textes bibliques, ainsi qu’à la longue Tradition de l’Eglise. Il rappelle, en effet, qu’une telle situation s’est souvent produite au cours de l’histoire, en particulier durant les périodes de persecution.
«Dans sa lettre de Pâques, Saint Athanase parle de la joie de la fête et du désir du cœur chrétien. Il affirme qu’une telle expérience est toujours possible, et pas seulement à l’occasion du grand jour, le plus important de l’année: ›La grâce de la célébration festive ne se limite pas à un seul moment, et son rayon lumineux ne s’éteint pas au coucher du soleil, mais reste toujours disponible pour l’esprit de ceux qui le désirent. Elle exerce une force continue sur ceux dont l’esprit est déjà éclairé, et jour et nuit ils méditent les Saintes Écritures’», affirme le prêtre tessinois, citant le célèbre évêque d’Alexandrie.
Pas de prière authentique sans engagement
Selon Azzolino Chiappini, les chrétiens peuvent donc vivre de la puissance de Pâques et de la grâce du dimanche, en dépit de l’impossibilité de se rassembler en communauté.
«De là vient le soutien et la possibilité de retrouver l’espoir, même dans l’épreuve. Le manque temporaire de célébrations pourrait nous faire ainsi découvrir et mieux comprendre le don extraordinaire que nous avons dans la célébration de l’Eucharistie, que nous vivons peut-être trop souvent dans l’habitude et la superficialité».
Le théologien invite finalement à se rappeler que les médias peuvent jouer un rôle important dans cette période, en soutenant la foi et la prière.
«L’attention continue à Dieu ›en esprit et en vérité’ et la disponibilité continue pour ceux qui ont besoin d’aide, c’est ce que nous pouvons vivre maintenant. Le temps de l’épreuve nous offre surtout davantage d’occasions d’être fidèles au grand devoir dont Jésus se souvient : la proximité, le service, à toute souffrance des autres. Il n’y a pas de prière ou de célébration authentique sans cet engagement», conclut le théologien tessinois. (cath.ch/catt.ch/dp)