L'opération «réparons l'Eglise» se poursuit
L’opération «réparons l’Eglise» lancée en France, il y a un an, par le quotidien La Croix et le magazine Le Pèlerin se poursuit avec la parution, le 5 février 2020, sous forme de livre, de la synthèse des quelque 5’000 réponses à la consultation. En réaction à la crise des abus sexuels, les questions et les efforts portent surtout sur la lutte contre le cléricalisme.
Dans la foulée d’une série de révélations d’abus sexuels et spirituels dans l’Église et de la lettre au peuple de Dieu du pape François du 20 août 2018, La Croix et Le Pèlerin avaient lancé, en mars 2019, une consultation en ligne. La synthèse de cette enquête a fait l’objet d’une publication sous forme d’un petit livre de 128 pages.
Une large prise de conscience
Un an plus tard, la sidération a cédé la place à une prise de conscience assez large. «Il n’y a plus de remise en cause des faits d’abus sexuels, du moins chez les personnes en responsabilité : on a franchi une étape», estime le père Paul-Antoine Drouin, vicaire général du Mans.
Dans de nombreuses régions ou diocèses des journées de formation ont été organisées sur la gestion des abus sexuels. Sœur Véronique Margron, religieuse dominicaine et présidente de la Conférence des religieux et religieuses en France (Corref), a donné une cinquantaine de conférences en dix-huit mois, attirant jusqu’à 600 personnes dans des villes comme Vannes, Annecy ou Saint-Étienne. «Je n’ai jamais vu autant de monde!» raconte-t-elle, se réjouissant de cet ‘élan’».
À l’échelle paroissiale, de nombreuses soirées de partage ont permis à des fidèles de parler – parfois pour la première fois – d’abus subis. L’appel à témoignages de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE)a été relayé.
Lutter contre le cléricalisme
Mais au-delà des abus sexuels, c’est contre le ‘cléricalisme’ qu’une partie des catholiques entend désormais lutter. Le lien direct entre abus d’autorité et abus sexuels, fait par le pape François dans sa lettre au peuple de Dieu a agi pour beaucoup comme un détonateur.
« Il y a longtemps eu une chape de plomb sur cette question de la place des laïcs dans l’Église: depuis le pontificat de Jean-Paul II ces dossiers étaient très verrouillés, et préoccupaient essentiellement des chrétiens à la marge de l’institution», explique la sociologue Céline Béraud. «Aujourd’hui, ils touchent des catholiques intégrés, qui n’avaient jamais été contestataires.» «C’est surtout nous, les femmes, qui devons sortir du silence», estime pour sa part Isabelle Roy, membre de CVX Loire Océan,
L’efficacité de l’action
Si les initiatives sont nombreuses, «l’élan» ne touche pas pour autant toute l’Église de France. Pour le Père Julien Dupont, vicaire épiscopal du diocèse de Poitiers, «chacun campe un peu plus sur sa planète». «Plusieurs catholiques convaincus n’ont pas changé leurs pratiques ni leur regard vis-à-vis des prêtres», assure-t-il.
Surtout, la difficulté à laquelle se heurtent de nombreux catholiques est celle de l’efficacité de leur action. Que faire de plus, en effet, que se documenter et échanger à quelques-uns? «Je repars souvent de mes conférences avec un sentiment d’inquiétude : pourvu que tous ces gens ne désespèrent pas de ne pas trouver de levier d’action!» confie Véronique Margron. «Institutionnellement, ce levier n’existe pas. Dans l’Église catholique, on ne remonte pas de la base vers le sommet.»Des évolutions sont toutefois perceptibles. Les diocèses, par exemple, font davantage confiance à des professionnels laïcs pour les aider sur ces questions. (cath.ch/cx/mp)
Réparons l’Église, Paris, 2020, 128 p. Bayard