"Ma demande de pardon, je la réitère car je regrette ma recherche de plaisir sexuel dans des gestes condamnables", a déclaré l'ancien prêtre Bernard Preynat, après le verdict, vendredi 17 janvier 2020, à Lyon | © Keystone
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Procès: au moins huit ans de prison requis contre l’ex-Père Preynat

La procureure de la République a requis, le 17 janvier 2020, une peine de prison de 8 ans minimum contre Bernard Preynat, l’ancien prêtre accusé d’agressions sexuelles sur mineurs. La justice rendra sa décision le 16 mars prochain.

Le 17 janvier, lors du cinquième et dernier jour du procès devant le tribunal correctionnel de Lyon, la procureure Dominique Sauves a réclamé au moins huit années de prison ferme contre le prévenu. Ce dossier «stupéfiant, grave, effrayant, mérite une réponse pénale ferme qui ne peut s’arrêter au bénéfice de l’âge», a lancé la magistrate. Le tribunal correctionnel de Lyon a mis en délibéré sa décision. Bernard Preynat sera fixé sur son sort le 16 mars.

L’ex-curé de 74 ans était jugé cette semaine pour avoir abusé de jeunes scouts pendant une vingtaine d’années. Lui qui avait déjà été «réduit à l’état laïc» (déchu de sa qualité de prêtre) l’été dernier à l’issue de son procès canonique, encourt 10 ans d’emprisonnement. Ses victimes étaient âgées de 7 à 15 ans à l’époque des faits. Sur les 35 recensées par l’instruction, seules dix d’entre elles ont pu se constituer parties civiles, car pour elles, les faits n’étaient pas prescrits. Les 25 autres n’ont pas pu bénéficier d’un procès, car la hiérarchie de Bernard Preynat ne l’a pas dénoncé en 2010.

Le Cardinal Barbarin, supérieur hiérarchique de Bernard Preynat, dont le procès en appel pour non dénonciation d’abus sexuels s’est tenu en novembre dernier, attend quant à lui la décision de la Cour, fixée au 30 janvier prochain. 

Aveux glaçants

Depuis le début du procès, Bernard Preynat a maladroitement demandé pardon mais en minimisant souvent les faits, détaillés à la barre par neuf de ses victimes. S’il a eu du mal à évoquer précisément les faits, il a fait des aveux glaçants et a reconnu quasiment une victime par jour pendant les camps scouts. «Sur la période, cela fait entre 3’000 et 4’000, vous êtes en train de juger un dossier à mille agressions sexuelles près, quand une seule suffit à briser la vie d’un homme», s’est indigné jeudi 16 janvier au tribunal Maître Jean Boudot, avocat d’une victime.

La question de la prescription, est revenue dans les échanges de ce dernier jour de procès. Du fait du changement des délais de prescription, «on a aujourd’hui une génération d’enfants à la barre alors que l’on sait qu’il y en a trois en vérité», a insisté Me Steyer, avocate de l’association La voix de l’enfant. 

Le silence de l’Eglise

Les parties civiles se sont aussi attachées à mettre en exergue le silence, coupable aux yeux de certaines victimes, de l’Eglise. Déjà, le 15 janvier, Bernard Preynat a soutenu n’avoir jamais été interrogé par ses supérieurs sur le détail de ses agressions. À la question «Vous estimez que l’Eglise a une responsabilité?», sa réponse se veut sans appel: «Je ne veux pas accuser l’Eglise». Pourtant, il déplace maintes fois, la culpabilité sur ses supérieurs qui ne lui ont jamais donné, selon ses mots accusateurs, «les moyens d’en sortir».

Durant quatre jours, la cour a tenté de sonder la personnalité de l’ancien aumônier scout. Tour à tour effacé, manipulateur, dominant, Bernard Preynat expose une personnalité qualifiée de «perverse» dans son expertise psychiatrique. Le religieux, très dynamique et charismatique, faisait alors l’admiration des parents du diocèse qui lui confiaient leurs enfants.

Une famille avait dénoncé ses abus en 1991 au cardinal Decourtray, l’archevêque de Lyon à l’époque, et Preynat avait été déplacé dans la Loire après une mise à l’écart de six mois. Il a pu y poursuivre son ministère pendant 24 ans, y compris au contact d’enfants. Aucune autre agression n’a été mise au jour par la suite, le prévenu assurant n’en avoir commis aucune. 

Omerta enfin brisée

Ce n’est qu’en 2015 que plusieurs anciens scouts ont brisé l’omerta de l’Eglise en portant plainte contre Bernard Preynat, permettant la tenue de ce procès, des dizaines d’années après les faits. 

Cofondateur de l’association de victimes La Parole libéré, François Devaux, qui s’est porté partie civile, n’a pas voulu commenter les réquisitions de la procureure, mais il a jugé devant la presse ce procès «brillant par l’esprit de communion et la dignité qui s’en est dégagée».  Il a permis, selon lui, de montrer «la reconstruction des victimes, même trente ans après». A ce titre, le procès «a une vertu pour la justice, la société, l’Eglise», a-t-il dit. (cath.ch/lacr/ag/cp)

«Ma demande de pardon, je la réitère car je regrette ma recherche de plaisir sexuel dans des gestes condamnables», a déclaré l'ancien prêtre Bernard Preynat, après le verdict, vendredi 17 janvier 2020, à Lyon | © Keystone
18 janvier 2020 | 01:05
par Carole Pirker
Temps de lecture : env. 3  min.
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