L'ex-Père Preynat, accusé d'agressions sexuelles sur mineurs, dans la salle d'audience, au premier jour du procès au tribunal correctionnel de Lyon, le 14 janvier 2020   | © KEYSTONE/MAXPPP/Maxime JEGAT
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Procès Preynat: «Je ne réalisais pas la gravité de mes actes»

Le procès de l’ex-Père Preynat a débuté le 14 janvier 2020 au tribunal correctionnel de Lyon. Il est inculpé d’atteintes sexuelles sur dix enfants de 7 à 15 ans, entre 1986 et 1990, alors qu’il était aumônier scout dans la région de Lyon. L’accusé reconnaît les faits et risque jusqu’à dix ans de prison.

Après un report, le 13 janvier, lié au mouvement de grève des avocats et un nouveau mouvement de protestation des avocats du barreau de Lyon, l’audience du procès de Bernard Preynat a démarré mardi 14 janvier vers 9h30, devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Lyon. Elle est consacrée ce jour à l’évocation des faits, l’audition des victimes et l’interrogatoire du prévenu. Réduit à l’état laïc au terme de son procès canonique l’été dernier, l’ex-prêtre encourt jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. 

Dans une salle d’audience comble, quinze parties civiles ont fait face à l’ex-Père Bernard Preynat, dont dix victimes dont les faits ne sont pas prescrits (sur les 35 recensées par l’instruction), et cinq associations dédiées à la protection de l’enfance. Le diocèse de Lyon était représenté par Mgr Emmanuel Gobilliard. Dans le public, les familles des victimes et des proches ainsi que des chrétiens du diocèse de Lyon. 

À la barre, le prévenu a reconnu sa culpabilité et réitéré ses demandes de pardon aux victimes. Il a aussi dessiné sa ligne de défense: «Je ne me rendais pas compte de la gravité de mes actes, je savais qu’ils étaient interdits et condamnables mais je ne pensais pas du tout aux conséquences de ces actes sur les victimes. Pour moi, c’était des gestes de tendresse dans lesquels je trouvais un certain plaisir, il m’a fallu du temps pour comprendre que c’était mal sur le plan moral et condamnable».

«C’était un secret entre nous»

Cofondateur de l’association La Parole libéré, qui soutient les victimes du Père Bernard Preynat et dont l’action a permis la tenue de ce procès, François Devaux a été la première victime auditionnée. La présidente Anne-Sophie Martinet a lu son témoignage, racontant le «câlin» d’une quinzaine de minutes de Bernard Preynat, en 1990, qui l’a embrassé sur la bouche et lui a dit que «c’était notre secret entre nous». 

«Un enfant de dix ans, quand il vit ça, il ne sait pas ce qu’il se passe», a-t-il expliqué à la barre. Il ne connait pas la sexualité. On fait faire tout ce qu’on veut à un gamin, il suffit d’avoir une aura, une forme d’autorité». En rentrant chez lui, le jeune garçon dit à son frère: «Je suis le préféré du Père Preynat, il m’a embrassé sur la bouche». 

«Ce moment est le plus dur que j’ai vécu depuis le début de la procédure», François Devaux, victime et cofondateur de l’association La Parole libérée.

 

Bernard Preynat a reconnu l’agression commise sur lui, mais il n’a reconnu que ce qui est le moins incriminant: caresses sur les jambes, pas les baisers sur la bouche, ni les caresses sur le sexe. Répondant aux question de Me Doyez, l’avocat de Bernard Preynat, François Devaux a confié que «le moment que je vis là, c’est le plus dur de ce que j’ai vécu depuis le début de la procédure».

Une adolescence très perturbée

Le quadragénaire a détaillé pour la première fois ce que fut son adolescence, après que ses parents l’ont retiré des scouts: une scolarité catastrophique, une rébellion contre ses parents et contre toute forme d’autorité et une tentative de suicide, dont il n’avait jamais parlé. «Pourtant, dit-il, je fais partie de ceux qui ont eu de la chance, de ceux que la famille a soutenu». Ses parents, qui l’ont écouté et cru, sont en effet ceux qui ont dénoncé Bernard Preynat au diocèse de Lyon en 1990.

Le tribunal a ensuite examiné la situation de Matthieu Farcot, victime des agissements de Bernard Preynat entre 1988 et 1991, entre 8 et 11 ans, pour lesquels il a porté plainte en 2016. Sa situation familiale était bien différente de celle de François Devaux: un père décédé et une mère très fragilisée, que l’ancien prêtre avait même aidée. À la mort de son père, quand il était enfant, a-t-il raconté-t à la barre, il a d’abord nié qu’il se soit passé quelque chose. Il n’a surtout jamais réussi à en parler à sa mère, décédée en 1994. 

«La tétanie est une sensation que j’ai ressentie et qui m’est restée», Matthieu Farcot, victime du Père Preynat

La tétanie

La présidente a lu son témoignage, relatant des caresses sous le pantalon, sous le slip même, à plusieurs reprises, à l’Eglise ou en camp, dans sa tente. «On a parlé de tétanie, c’est une sensation que j’ai ressentie et qui m’est restée», a déclaré Matthieu Farcot. À la barre, Bernard Preynat s’est souvenu «l’avoir beaucoup caressé», mais a contesté tout attouchement sur le sexe. Me Jean Boudot, avocat de Matthieu Farcot, s’est penché sur la conscience qu’avait à l’époque Bernard Preynat de ses actes: «Puisque vous vous cachiez, vous l’aviez, cette conscience aussi à l’époque!». Ce dernier a répliqué: «Si j’avais senti le moindre rejet de sa part, je me serais arrêté».

La journée du 15 janvier sera consacrée à l’examen de la personnalité du prévenu. Le procès se poursuit jusqu’au 17 janvier (cath.ch/lacr/ag/cp)

L'ex-Père Preynat, accusé d'agressions sexuelles sur mineurs, dans la salle d'audience, au premier jour du procès au tribunal correctionnel de Lyon, le 14 janvier 2020 | © KEYSTONE/MAXPPP/Maxime JEGAT
14 janvier 2020 | 17:06
par Carole Pirker
Temps de lecture : env. 4  min.
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