Caricaturiste: ne pas ignorer le contexte religieux de la terreur
De sobres hommages ont été rendus le 7 janvier en France aux victimes des attaques qui ont notamment visé le magazine satirique Charlie Hebdo. «Riss», son rédacteur en chef critique sévèrement la manière dont l’attentat contre sa rédaction a été traité il y a cinq ans.
De sobres hommages ont été rendus le 7 janvier à Paris aux victimes des attaques à Charlie Hebdo, à Montrouge et à l’Hyper Cacher. Celles-ci ont marqué le début d’une vague d’attentats djihadistes, qui ont fait plus de 250 morts en France, encouragée par les appels du groupe Etat islamique. La dernière victime de ce bilan est décédée le 3 janvier dernier, après une attaque au couteau à Villejuif.
Une centaine de personnes s’est rassemblée devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, rue Nicolas-Appert. En 2015, au même endroit et à la même heure jour pour jour, les frères Saïd et Chérif Kouachi tuaient onze personnes, dont huit membres de la rédaction, avant de prendre la fuite en criant «On a vengé le prophète Mohamed», qui avait été caricaturé dans le journal satirique. Parmi les victimes, les dessinateurs Cabu, Charb, Tignous et Wolinski.
Rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Laurent «Riss» Sourisseau, 53 ans, a l’impression que «les gens ont voulu oublier le contexte de l’extrémisme religieux parce que c’est un sujet assez inconfortable», a-t-il déclaré au quotidien «die Welt», dans son édition du 6 janvier. Selon lui, cette dimension politique s’est rapidement effacée: «En gros, tout le monde était content qu’on n’ait plus à parler des caricatures et de la liberté d’expression.»
«L’attitude d’évitement des intellectuels de gauche»
Le caricaturiste n’hésite pas à accuser les intellectuels de gauche, en France, de pratiquer une attitude d’évitement. Ils «n’aiment pas parler de religion et certainement pas d’islam. C’est comme dans les années 50, quand les intellectuels de gauche étaient aveugles face au stalinisme. «La situation est complexe, parce que les populistes en Europe profitent de la situation, a-t-il concédé. Ils ont fait en sorte «que les gens confondent l’islam et l’islamisme».
Ce n’est pas une solution de dissimuler certains problèmes: «Il existe des sociétés parallèles. Quiconque ne veut pas voir ça est passible de poursuites». Celui qui critique les «aspects de l’islam» est rapidement considéré comme raciste ou islamophobe, a expliqué «Riss»: «Ça ne peut pas continuer comme ça.» Le problème du jihadisme continuera d’occuper les sociétés occidentales. Quant aux Français partis au djihad, il souligne l’incohérence de la position occidentale officielle: «Nous ne savons pas comment traiter avec les djihadistes, s’ils doivent revenir et les condamner ici, ou non.»
Monde sans mythe
Concernant l’attitude de la rédaction de Charlie Hebdo, le rédacteur en chef a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un athéisme purement religieux mais aussi politique. «Avec notre esprit critique, nous attaquons tous les modèles religieux, politiques et économiques qui nous sont proposés», a dit «Riss». «Je veux vivre dans un monde sans mythe!» (cath.ch/kath.ch/ag/kna/cp)