Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a nommé un avocat non chrétien pour mener une enquête interne suite aux accusations d'un prêtre relayées par le quotidien alémanique Tages Anzeiger | © B. Hallet
Suisse

Mgr Morerod: «Je veux savoir ce qui s'est passé»

Par Sylvia Stam/Kath.ch, traduction et adaptation Bernard Hallet

Selon un article paru dans le Tages-Anzeiger le 28 décembre 2019, un prêtre d’origine africaine (N.) accuse un prêtre (F.) du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg de harcèlement sexuel envers lui-même et d’autres personnes, entre 2008 et 2011. Kath.ch a confronté Mgr Charles Morerod, évêque de LGF, à ces accusations.

Sylvia Stam: Quand et comment avez-vous appris les accusations portées par le prêtre N. contre F.
Mgr Charles Morerod: Je l’ai appris dans une lettre de N. le 29 octobre dernier.

D’après les articles de journaux, vous avez contacté la police. Pour quelle raison?
D’abord, j’ai dit à N. d’aller lui-même à la police. Comme il ne l’a pas fait, j’ai donné sa lettre à la police . Il y porte deux accusations contre F.: vers la fin de son séjour au séminaire, N. vivait dans la même maison que F et a affirmé qu’il avait vécu avec d’autres ecclésiastiques dans une atmosphère «homoérotique». N. se sentait oppressé par cela.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement? S’agit-il d’actes sexuels?
N. a dit à la police qu’il n’avait pas été témoin d’actes sexuels, comme je l’ai appris d’un policier. 

Et la deuxième accusation?
N. continue en disant qu’un jeune drogué vivait dans la même maison que F. et qu’il y avait probablement quelque chose entre les deux hommes. Ce dernier m’a dit qu’à l’époque la police lui avait demandé si le garçon drogué pouvait vivre dans sa maison. La police savait qu’il y avait une chambre pour les pèlerins, et ne savait pas où emmener ce garçon qui avait 20 ans à l’époque, et donc était majeur.

La police enquête actuellement sur ces deux cas. Y a-t-il déjà des résultats?
La police m’a dit aujourd’hui qu’il n’y a plus d’enquête et que j’avais le droit de parler à toutes les personnes concernées et de lancer une enquête interne.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Il y a des aspects de ces accusations qui ne sont pas pertinents d’un point de vue pénal, mais il y a des aspects qui sont pertinents en vertu du droit canonique. L’atmosphère «homoérotique», par exemple. Dans ce cas, vous devez parler à toutes les personnes concernées et leur demander comment elles l’ont vécu et si cela avait vraiment pu être un problème pour le séminariste N.. Lorsque j’entends de telles accusations, je suis obligé, en tant qu’évêque, d’enquêter sur cette question.

Vous avez demandé à un avocat externe de mener cette enquête.
J’ai trouvé un avocat non chrétien de Genève qui enquête maintenant sur cette affaire, en vertu du droit canonique. Il n’a aucun lien avec l’Eglise. Cela le rend indépendant dans son enquête.

Les faits décrits auraient eu lieu entre 2008 et 2011. Pourquoi pensez-vous que N. les a rendues publiques?
N. n’a jamais rien dit sur ces accusations au cours des 11 dernières années. Cependant, il y a toujours eu des difficultés avec ce prêtre dans les paroisses dont il avait la charge. Je l’ai déjà transféré une fois, car de nombreux paroisisens se sont plaints de son autoritarisme. J’ai confronté N. à ces accusations et je l’ai encouragé à se former dans le domaine des relations interpersonnelles. Plus précisément, je lui ai suggéré un institut au Canada qui, je le sais, offre des cours de travail relationnel dans un contexte pastoral.

Pensez-vous que N. a parlé à la presse dans un esprit de vengeance?
Il a peur de perdre son emploi. Les paroissiens disent qu’il a un enfant. Je ne sais pas si cela est vrai, mais il est avec la même femme africaine depuis des années, qui est sa cousine, dit-il. Et cette femme a un enfant. J’ai suggéré qu’il fasse un test de paternité. N. a refusé avec véhémence.

N. est toujours prêtre dans votre diocèse?
Oui et il s’assure méticuleusement que j’agis exactement selon le droit canonique.

F. est-il toujours en fonction ou est-il suspendu pendant l’enquête?
Oui, il est toujours en fonction. Pour le suspendre, il faut tout d’abord une enquête préliminaire. Si quelque chose en ressort, alors je devrai le suspendre.

L’article du journal suggère que F. a également eu une relation sexuelle avec l’évêque auxiliaire du diocèse Mgr Alain de Raemy. Comment répondez-vous à cette allégation?
F., Mgr Alain De Raemy et un troisième prêtre, qui est mort depuis, sont de vieux amis depuis plus de 30 ans. C’est bien connu. Ils me disent qu’ils n’ont pas de relations sexuelles, et je les crois. Alain de Raemy lui-même a reçu un courriel de N. avec ces accusations et m’en a parlé. Quand j’ai informé F. des accusations, il a vraiment été très surpris. Dans l’enquête interne, l’avocat devra parler à toutes les personnes mentionnées afin d’enquêter sur la façon dont elles ont vécu cette amitié.

Quelles sont les prochaines étapes pour vous?
Je veux savoir ce qui s’est passé. J’ai donné à l’avocat tous les documents. Si quelque chose d’inapproprié est arrivé, je dois agir. Il me semble que N. a des intérêts personnels. Mais la présomption d’innocence s’applique à tous.

Le Tages-Anzeiger met les accusations de N. en relation avec le retard dans l’élection d’un nouvel évêque de Coire. Mgr De Raemy est censé être un candidat potentiel. Que pensez-vous de cela?
Je suis convaincu qu’Alain de Raemy ne sera pas évêque de Coire.

Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion?
(rires) Parce que j’ai d’autres informations. J’ai été consulté, j’ai vu une liste sans le nom d’Alain de Raemy. Bien sûr, je n’ai pas le droit de dire quels noms étaient sur la liste. Mais je ne sais pas si cette liste est toujours à jour. (cath.ch/kath.ch/sys/bh)

Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a nommé un avocat non chrétien pour mener une enquête interne suite aux accusations d'un prêtre relayées par le quotidien alémanique Tages Anzeiger | © B. Hallet
28 décembre 2019 | 21:17
par Rédaction
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