L'étoile de Bethléem interroge science et foi
Cristina Vonzun/catt.ch, traduction et adaptation Davide Pesenti
Au dessus de chaque crèche trône l’étoile de Bethléem. Mais qu’était le célèbre phénomène astronomique qui, selon l’Evangile de Mathieu, guida des savants de l’Orient jusqu’en Palestine? Le frère Guy Consolmagno, directeur de l’Observatoire astronomique du Vatican, donne un éclairage à ce signe céleste qui continue de questionner la science.
Parmi les exégètes et les historiens, l’historicité du récit évangélique de l’étoile des mages est discutée (Mt 2, 1-16). Pour certains, il s’agit d’une comète; pour d’autres, d’une grande étoile. D’autres encore identifient le phénomène apparu dans le ciel de la Palestine en l’an 7 avant Jésus-Christ avec une triple conjonctions extraordinaire entre les planètes Jupiter, Saturne et Mars dans la constellation des Poissons.
Le mystère sur la nature du signe cosmique qui accompagna la naissance de Jésus demeure aujourd’hui encore bel et bien caché. C’est le cas aussi à l’Observatoire astronomique du Vatican. Le centre de recherche romain a été fondé en 1891, alors que les astronomes jésuites examinaient scientifiquement la voûte céleste depuis au moins deux siècles.
Aujourd’hui, une équipe internationale composée de plusieurs scientifiques y travaille. Parmi eux, le jésuite américain Guy Consolmagno qui dirige l’Observatoire depuis 2015. Frère Guy a étudié astrophysique au prestigieux MIT de Boston. En 2000, l’Union astronomique internationale l’a récompensé pour son activité dans le domaine en donnant son nom à un astéroïde : 4567 Consolmagno, également connu sous le nom de «Little Gun».
L’histoire l’étoile de Bethléem a été composée afin de signifier le sens universel de la naissance du Christ. La science a toutefois formulé différentes hypothèses astronomiques sur l’étoile décrite dans l’Evangile de Mathieu. Quel rapport y a-t-il entre ces deux approches?
Les Évangiles sont beaucoup plus intéressés à nous parler de Jésus qu’à nous enseigner l’astronomie. On ne sait pas ce que les mages ont réellement vu. Certaines hypothèses vont dans le sens d’une comète, d’une nova ou d’une supernova.
Il y a aussi ceux qui considèrent une conjonction de planètes particulièrement brillante. En fait, dans nos enregistrements de la période coïncidant avec la naissance de Jésus, aucun fait non équivoque n’est apparu. Mais ceux-ci ne sont pas entièrement exhaustifs et il y a d’autres indices notés par les astronomes chinois qui pourraient être pris en considération.
En effet, il y a plusieurs conjonctions possibles des planètes Saturne et Jupiter ou de Jupiter avec l’étoile Regulus. Toutefois, elles ne sont pas si inhabituelles. Il est donc difficile de les considérer comme un événement tel qu’il attirerait le regard de ces experts du ciel de l’Orient, qu’étaient les mages.
Et puis, il y a la théorie de l’astronome Michael Molnar…
C’est une théorie suggestive qui considère que «l’étoile de l’Est» peut être une conjonction de planètes se levant avec le soleil, un soi-disant «lever héliaque». Cette théorie rappelle que le 17 avril de l’an 6 avant l’ère chrétienne, les planètes Vénus, Saturne, Jupiter et la Lune se sont toutes levées juste avant le Soleil, rejointes immédiatement après par Mars et Mercure, au centre de la constellation du Bélier.
Michael Molnar émet l’hypothèse que cela aurait pu signifier, pour les experts de l’époque, la naissance d’un roi, quelque part près de la Syrie. Dans ce cas, cependant, seul un astronome très compétent aurait été capable de calculer les positions de ces planètes et d’en déduire une signification.
Il n’y a pas de consensus parmi les astronomes ou les historiens à ce sujet. Chaque théorie a ses fervents partisans et ses adversaires.
En Christ, Dieu s’est fait homme dans ce monde. L’hypothèse de la cosmologie moderne suppose qu’aucun lieu dans l’espace-temps n’est spécial ou privilégié. Comment expliquer cette possible préférence de Dieu pour un monde particulier, le nôtre ?
Dieu nous rencontre dans notre univers, là où nous vivons, à un moment et un endroit précis. Le fait que l’Incarnation ait eu lieu dans un lieu et un temps donnés est en soi déjà un événement extraordinaire.
Mais l’Évangile de Saint Jean nous rappelle «qu’au commencement était le Verbe» (Jn 1). La seconde personne de la Trinité était là, elle était au commencement, avant même que la création n’ait lieu.
Cette Parole pourrait-elle être «dite» en d’autres lieux et d’autres temps, dans d’autres langues ? Qui pourrait le savoir? Je ne peux pas imaginer que quelqu’un puisse fixer des limites à Dieu….
Le prix Nobel de physique 2019 a été décerné à trois astrophysiciens, dont deux suisses : Michel Mayor et Didier Queloz, récompensés pour avoir découvert en 1995 la première exoplanète. S’il y avait de la vie et de la vie intelligente sur d’autres planètes, que signifierait cette découverte pour la foi chrétienne ?
La signification cosmique de la vie intelligente découverte sur une autre planète ne serait pas très différente de la découverte de la vie intelligente sur un autre continent sur Terre, comme ce fut le cas – par exemple – avec la découverte de l’Amérique. Ce serait merveilleux de pouvoir partager nos expériences les uns avec les autres, liées à la connaissance de Dieu.
Cela dit, je ne m’attends pas à ce qu’une telle rencontre ait lieu dans un avenir proche et raisonnablement proche !
«Dieu, lit-on dans la Bible, a créé l’homme à son image«. Quel est le sens de cette expression, à la lumière de l’hypothèse de la vie intelligente sur d’autres planètes ?
Cette question a trouvé réponse en un autre temps chez saint Thomas d’Aquin. L’image et la ressemblance n’ont rien à voir avec le nombre de tentacules hypothétiques qui pourraient avoir des êtres intelligents sur une autre planète !
Elle doit plutôt être recherchée dans l’intellect et le libre arbitre, dans la capacité de prendre conscience de sa propre existence, de l’existence des autres et de celle de Dieu. Cette ressemblance est notamment liée à la liberté de choisir, d’aimer les autres ou de retenir cet amour.
Dans les Évangiles, nous rencontrons aussi l’annonce du futur retour du Christ. C’était un message historiquement très ressenti par les premières communautés chrétiennes. Mais quel sens cosmique ce retour du Christ pourrait-il avoir ?
C’est un merveilleux mystère auquel il faut réfléchir ! Dieu qui est surnaturel, est aussi en dehors du temps et de l’espace. Alors, demandons-nous : que signifie vraiment «la fin des temps» du point de vue de Dieu ?
Toutes ces choses merveilleuses pour lesquelles nous prions et que nous contemplons… Nous, les scientifiques, devant l’immensité du cosmos, nous nous posons des questions comme celle-ci. Mais nous sommes aussi conscients que ce n’est pas la science qui peut donner de réponse à celle-ci, mais seulement la foi. (cath.ch/catt.ch/cv/dp)