De plus en plus de personnes quittent les Eglises traditionnelles (Pixabay.com)
Suisse

Augmentation des sorties d'Eglise: une fatalité?

Les sorties de l’Eglise catholique ont atteint un niveau record dans le canton de Fribourg en 2018. Pour tenter de contenir l’hémorragie, une commission spéciale a été créée. Le sociologue des religions Jörg Stolz estime toutefois que les Eglises n’ont que peu de marge de manœuvre face à ce phénomène.

1007 personnes sont sorties de l’Eglise catholique dans le canton de Fribourg en 2018. Un chiffre presque deux fois plus élevé qu’en 2014. Une tendance à la hausse qui se confirme également dans les autres cantons du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), d’après les dernières statistiques disponibles.

Et un constat qui s’étend également au-delà des frontières suisses. «Les sorties d’Eglises sont un phénomène de fond dans toute la zone occidentale», souligne Jörg Stolz, professeur de sociologie des religions à l’Université de Lausanne. «A une certaine époque, l’on pensait que les Etats-Unis faisaient figure d’exception, mais les dernières données confirment que la situation y est la même qu’en Europe ou qu’en Australie».

A la recherche de solutions

L’expert remarque que le profil type de la personne qui sort de l’église est un jeune, au style de vie urbain, qui ne ressent pas de lien particulier avec la religion. Une catégorie de la population qui a tendance à croître dans les pays occidentaux. «Ces personnes décident généralement de sortir de l’institution suite à un déclencheur. Ce peut être lorsqu’elles s’aperçoivent qu’elles payent des impôts ecclésiastiques, quand elles se ressentent en désaccord avec un point de morale, ou lors de l’éclatement d’un scandale, par exemple la déposition d’un prêtre rebelle ou un cas de pédophilie», explique Jörg Stolz.

Dans le canton de Fribourg, les autorités de l’Eglise ont décidé d’agir pour endiguer cette tendance. La Corporation ecclésiastique cantonale (CEC), l’instance chargée de la gestion des deniers de l’Eglise, a récemment créé une commission forte de cinq membres, dont le vicaire épiscopal Jean Glasson, avec pour objectif de réfléchir à des solutions, rapporte le quotidien La Liberté du 26 octobre 2019. L’une des pistes serait de solliciter une rencontre avec la personne désireuse de quitter l’Eglise pour déterminer les raisons de sa démarche. Le dialogue permettrait d’expliquer la mission de l’Eglise et la destination des impôts.

Des tendances lourdes

Des dispositifs qui pour Jörg Stolz peuvent être utiles, mais qui ne devraient pas changer radicalement la tendance actuelle. «On voit que le phénomène des sorties d’Eglise touche de la même façon les protestants. Donc l’Eglise catholique et son fonctionnement ne peuvent pas être considérés comme les causes principales.»

Selon le sociologue, les Eglises font déjà beaucoup pour améliorer leur offre, pour se rendre plus attractives et plus proches des personnes. «Mais il existe des tendances lourdes liées à la sécularisation. On observe déjà depuis le 19e siècle que chaque génération est un peu moins religieuse que la précédente. Il est probable que cela se poursuive». Jörg Stolz remarque qu’il s’agit essentiellement d’un problème d’identification, où les personnes ne se sentent plus liées à une communauté religieuse. «Finalement, la désaffiliation n’est qu’une concrétisation de l’état déjà effectif de distanciation de la religion», conclut le professeur. (cath.ch/lib/rz)

Les sorties d’Eglise parfois sources de malaise

Avec l’augmentation des sorties d’Eglise, des ecclésiastiques mettent en garde contre la multiplication des situations litigieuses liées aux services rendus par l’Eglise. Il arrive par exemple que des familles demandent des funérailles religieuses pour un défunt qui avait quitté l’Eglise. Dans de tels cas de figure, les prêtres ne savent souvent pas comment réagir. «Lorsqu’on me demande un sacrement, j’estime ne pas avoir le droit de refuser, surtout face à des personnes qui vivent des moments de deuil et de peine. Mais il est très blessant pour un prêtre de devoir monnayer un sacrement», explique à La Liberté Claude Deschenaux, curé modérateur de l’unité pastorale de l’Evi, en Gruyère. Il souhaite que les familles soient conscientes des coûts de fonctionnements pour les paroisses. Celles-ci ont d’ailleurs fixé des montants pour leurs services, mais qui ne compensent que très légèrement les impôts non payés, parfois pendant de nombreuses années, par les personnes sorties de l’Eglise. RZ/LIB

De plus en plus de personnes quittent les Eglises traditionnelles (Pixabay.com)
31 octobre 2019 | 10:43
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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