Les cisterciens fêtent les 900 ans de leur règle
En 1119 naissait la Charta Caritatis. Ce document régit la vie de l’Ordre cistercien. Mauro Lepori, abbé général de l’ordre, a mis en lumière l’actualité de cette règle au service du vivre ensemble le 18 octobre 2019 à Milan.
900 ans après son approbation, la Charte de charité et d’unanimité, texte fondateur de la vie cistercienne définissant son organisation interne et la forme de gouvernement, demeure un document de grande actualité. Il s’agit d’une règle qui aujourd’hui est peu connue au grand public et que ce jubilé a permis de redécouvrir. Le texte est centrée sur une »charité sans cesse éduquée» qui, pendant les Chapitres généraux annuels, nourrit l’unité entre les moines et l’unité avec Dieu.
Un passé bien présent
Au cours de la soirée intitulée »De la coexistence à la démocratie, l’écriture de la charité», le Tessinois Mauro Lepori a souligné que l’Ordre des cisterciens est par sa constitution une «communauté de communautés». Au sein de cette famille bénédictine, il n’y a donc pas d’autorité qui soit au-dessus des autres: chaque communauté est autonome et au même niveau que les autres avec lesquelles elle conduit une expérience fraternelle. C’est précisément à partir d’une fraternité qu’au XII siècle est née la Charta Caritatis.
«Dans quel parlement du monde, s’est interrogé l’abbé général, on travaille pour l’unité entre les peuples, en faveur du peuple? Et peut-être, même dans l’Église il serait nécessaire d’apprendre une telle méthode». Une méthode de gestion de la communauté qui découle directement de la tradition séculaire de Citeaux. «Ce texte représente un passé bien présent, une source qui nous accompagne jusqu’à aujourd’hui», a poursuivi Mauro Lepori.
La charité devient par conséquent la plus haute forme de politique. Cela dans la mesure où «elle est la seule force qui surmonte les divisions et transforme la politique en service de l’unité symphonique des hommes qui semble aujourd’hui perdue» a conclu l’abbé général.
Poursuivre le bien commun
Comme c’est le cas pour la vie politique, l’économie peut aussi trouver dans la Charta Caritatis sa vocation originelle en faveur le bien commun. L’économiste Stefano Zamagni, président de l’Académie pontificale des sciences sociales, on est convaincu: «Il ne suffit pas de créer de la richesse, il faut aussi la redistribuer». Il a mis en mettant en exergue le principe de fraternité, très différent du principe plus moderne de la solidarité.
«Il n’est pas licite de tirer profit de l’appauvrissement d’autrui», peut-on lire dans la règle de Cîteaux. C’est pourquoi, selon Stefano Zamagni, l’économie civile qui place en son centre la conception que chaque homme est par nature un ami de l’autre, doit retrouver la place qu’elle mérite. Malheureusement, a poursuivi le président de l’Académie pontificale des sciences sociales, cette conception est remplacée aujourd’hui par l’idéologie libérale qui a plutôt créé l’économie politique basée sur la concurrence, sur l’homo homini lupus.
Ce qui doit être poursuivi, a conclu Stefano Zamagni, c’est le bien commun et le bonheur des hommes, et non la simple richesse des nations. Cet objectif deviendra un thème de confrontation entre les mille jeunes qui ont accepté l’invitation du pape François à la rencontre internationale de mars 2020 consacrée à «l’Économie de François». (cath.ch/catt.ch/com/dp)
Les cisterciens en Suisse
L’ordre cistercien a été fondé en 1098 à Cîteaux, en Bourgogne – dont dérive «cistercien». Les trois premiers abbés, c’est-à-dire Robert de Molesme, Albéric et Étienne Harding, ont été canonisés. Ils s’engagèrent pour faire refleurir l’observance de la Règle de saint Benoît qui, selon eux, s’était quelque peu ternie au fil des siècles. La réforme marqua la naissance d’un nouveau rameau de la famille bénédictine.
En Suisse, l’Ordre cistercien est arrivé quelques décennies plus tard, en 1131, grâce à une initiative de Bernard de Clairvaux. Il affilia à l’Ordre la toute jeune abbaye de Bonmont (Vaud), d’abord d’obédience bénédictine. Cela ouvrit la voie à d’autres fondations qui se comptèrent par dizaines sur le territoire de la Suisse actuelle.
La Suisse compte aujourd’hui 10 communautés de religieuses et religieux, parmis lesquels Notre-Dame d’Hauterive (Posieux), fondée en 1138 et Notre-Dame de la Maigrauge (Fribourg), fondée en 1255. Très diverses par leurs origines et leur histoire, elles continuent d’incarner le charisme cistercien dans un même esprit commun, sauvegardant au même temps les particularités de chacune.