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Un évêque amazonien: «Nous ne sommes pas des ennemis de la patrie»

Une audience publique regroupant plusieurs personnalités de l’Église catholique brésilienne s’est tenue à l’Assemblée nationale du Brésil, à Brasilia, le 1er octobre 2019. L’un des participants était Mgr Evaristo Spengler, évêque de Marajó, dans l’État amazonien du Para, particulièrement critique envers le gouvernement.

Lors de l’une de ses interventions, Mgr Spengler, qui va participer au Synode pour l’Amazonie, du 6 au 27 octobre à Rome, a rappelé que l’Église était présente en Amazonie à travers les laïcs et les missionnaires depuis plus de 400 ans. «Ces missionnaires vont là où l’État ne va pas», a relevé le prélat.

Il a demandé la suspension immédiate de tous les méga projets qui menacent la biodiversité de la région. «Nous disons non aux projets d’exploitation minière dans les territoires indigènes, non à l’exploitation d’or, légale ou illégale en Amazonie, non à la régularisation de nouveaux sites d’exploitation d’or, non aux routes, voies ferrées et complexes hydroélectriques qui détruisent l’environnement. Aucun grand projet de peut être implanté sans une consultation préalable, libre et informée».

«Ennemis de la patrie»

Un peu plus tôt, le président brésilien, Jair Bolsonaro, a dialogué avec un groupe d’exploitants d’or devant le palais présidentiel du Planalto, critiquant au passage l’intérêt étranger pour la forêt. «L’intérêt pour l’Amazonie n’est pas lié aux indiens ni aux arbres, mais aux ressources minières», a t il affirmé. Le président a même songé ouvertement à mobiliser les forces armées pour sécuriser l’exploitation minière, voire même la future construction d’un complexe hydroélectrique dans l’État du Para, au cœur de l’Amazonie.

De son côté, les responsables de l’Eglise ont nié être en faveur d’une «internationalisation de l’Amazonie». En revanche, l’évêque a affirmé que les catholiques qui défendent les droits humains et les droits à la terre sont «criminalisés et traités comme des ennemis de la patrie». Une référence aux critiques faites par des membres du gouvernement fédéral à l’attention du Synode. «C’est une inversion totale des valeurs», s’est insurgé Mgr Spengler.

Des groupes économiques sans scrupule

Participant elle aussi à cette audience publique, Martha Medeiros, secrétaire exécutive du Réseau ecclésial panamazonien (REPAM), a indiqué que son organisation et la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) allait lancer, tout de suite après le Synode, une campagne de protection des défenseurs de l’environnement. La secrétaire exécutive a d’ailleurs sollicité le Parlement pour qu’il «s’implique et renforce le programme de protection des défenseurs des droits humains, environnementaux et indigènes, aujourd’hui menacés de mort à cause de leur lutte».

«Ces défenseurs des droits sont confrontés à des groupes économiques puissants qui violent les normes du droit national et international. Pour atteindre leurs objectifs et garantir leurs intérêts, ils n’ont aucun scrupule à supprimer des vies, a rajouté Mgr Spengler. Il est indispensable, pour préserver la forêt et la vie des peuples qui y habitent, que soient protégés de tout type de violence les leaders et les communautés menacées et qui souffrent aujourd’hui».

Le pape propose un autre modèle

Pour les participants à l’audience publique, «bien qu’il ne soit pas un forum international de gouvernants, mais une assemblée interne, le Synode aura des répercussions à l’extérieur». «Actuellement, la plus grande préoccupation du gouvernement, mais surtout des diplomates et des militaires, sont les résolutions du pontife après le Synode», a estimé Mgr Spengler.

Pour Cleber Buzzato, secrétaire exécutif du Conseil indigéniste missionnaire (CIMI), «le pape François suggère, à travers le Synode, la création d’une alternative à une société de consommation capitaliste et critique le gouvernement du président Jair Bolsonaro. Il propose que nous construisions un nouveau modèle de société où la sobriété heureuse serait la raison de l’existence et du futur, une société du ‘Bien Vivre’, comme une alternative à une société de l’accumulation sans fin, de l’inégalité absolue». (cath.ch/jcg/rz)

3 octobre 2019 | 17:13
par Jean-Claude Gérez
Temps de lecture : env. 3  min.
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