Afrique: 30 ans avant François, Jean Paul II se posait déjà en 'pèlerin de la paix'

Le long voyage que s’apprête à entreprendre le pape François dans trois pays de l’Océan Indien – le Mozambique, Madagascar et l’île Maurice –, entre le 4 et le 10 septembre 2019, se place sous le signe de la paix.

Cette  visite pastorale a pour thèmes: «Espérance, paix et réconciliation», «Semeur de paix et d’espérance» et «Pèlerin de la paix». Le pontife argentin met donc ses pas dans ceux de Jean Paul II, venu lui aussi prêcher la paix sur ces terres, il y a trente ans.

En proie à une terrible guerre civile

Lorsque le pape polonais se rend au Mozambique en septembre 1988 pour son 4e voyage pontifical en Afrique, le pays est en proie à une terrible guerre civile. Depuis une douzaine d’années, deux camps s’opposent: le Front de libération du Mozambique FRELIMO, – une organisation d’obédience communiste qui a mené la guerre d’indépendance contre l’occupation coloniale portugaise, arrivée au pouvoir et appartenant désormais à l’Internationale socialiste – et les anti-communistes de la Résistance nationale du Mozambique (RENAMO), soutenus du temps de l’apartheid par l’Afrique du Sud et la Rhodésie.

La médiation de Sant’Egidio

Cette période devait encore durer jusqu’au 4 octobre 1992, avec la signature des accords de paix de Rome. La signature concluait un long processus de négociation, d’une durée d’un an et quelques mois, mené au siège de la Communauté de Sant’Egidio.

Délégation de Sant’Egidio à la signature de l’accord de paix et de réconciliation au Mozambique | © Sant’Egidio

Ce jour-là, à Rome, le président mozambicain et secrétaire du FRELIMO Joaquim Chissano et Afonso Dhlakama, responsable de la RENAMO, la guérilla qui luttait depuis l’indépendance du pays contre le gouvernement de Maputo, signaient un Accord général de paix qui mettait fin à dix-sept ans d’une guerre civile atroce, qui a fait des centaines de milliers de morts et 3 à 4 millions de déplacés internes et des réfugiés dans les pays limitrophes.

«Vicaire du Prince de la paix»

C’est en tant que «vicaire du Prince de la paix» que Jean Paul II se présente dans le pays le 16 septembre 1988. Il souhaite avant tout parler aux fidèles du Mozambique afin de les confirmer et de les stimuler dans leur foi. Mais le chef de l’Eglise catholique a également le désir de s’adresser à tous les Mozambicains, «sans distinction», comme il le confie lors d’une entrevue avec le président de la République du Mozambique.

Dans cette optique, le pontife polonais va non seulement à la rencontre de jeunes, de laïcs et de consacrés ou encore d’évêques au siège de la Conférence épiscopale à Maputo, mais aussi à celle de malades à l’hôpital central de la capitale ou encore des membres du Conseil des Eglises d’Afrique du Sud. A tous, l’évêque de Rome veut leur porter un message d’espoir, explique-t-il: «l’amour existe; personne ne peut bien vivre sans amour; la civilisation de l’amour est possible».

«Le pèlerin de la paix»

L’année suivante, c’est sur l’île Maurice que se rendra le pape polonais pour effectuer son 6e voyage apostolique sur le continent noir. Cela fait longtemps qu’il voulait connaître «l’Etoile et la clé de la mer des Indes», indique-t-il dès son arrivée le 14 octobre 1989 à l’aéroport international de Plaisance (ou aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam). Comme il en a pris le pli depuis le début de son pontificat, le pape Jean Paul II s’agenouille sur le tarmac une fois sorti de l’avion et embrasse le sol du pays en signe de respect.

Une fois de plus, le message que le pape souhaite apporter est celui de la paix. Dans le sillage du Christ qui saluait ses disciples en disant: «La paix soit avec vous», Jean Paul II salue les représentants des confessions religieuses avec ces mots: «Paix, shanti, salam».

Carrefour de l’Orient et de l’Occident

«Vous m’avez appelé ‘le pèlerin de la paix’ (ce qui sera également le thème du voyage du pape François pour Maurice, ndlr), explique-t-il le 16 octobre devant un parterre d’enfants. Oui, je voudrais l’être partout où je vais, parce que Jésus, au moment où il allait donner sa propre vie pour le monde, nous a donné la paix profonde qui n’a jamais quitté son cœur plein d’amour, son cœur de Fils de Dieu et de Frères des hommes».

Bannière de la visite du pape à l’Ile Maurice

Carrefour de l’Orient et de l’Occident, l’île Maurice a la vocation de «faire la synthèse des meilleures valeurs de l’Est et de l’Ouest», souligne encore Jean Paul II, avec l’engagement des grandes religions, dont les membres, dans ce pays, entretiennent des relations cordiales. Cette île comporte en effet des communautés religieuses chrétiennes, hindoues, musulmanes, et donne au monde l’exemple d’une société où les habitants de traditions spirituelles différentes vivent en paix les uns avec les autres, se réjouit-il encore.

Jean Paul II salue la vitalité de l’Eglise malgache

Entre-temps, le successeur de Pierre s’est rendu en avril 1989 à Madagascar, la grande île de l’océan Indien. Il poursuivra plus tard son voyage à la Réunion, en Zambie puis au Malawi. Mais avant de s’envoler vers d’autres cieux, le pontife salue la vitalité de l’Eglise à Madagascar depuis un siècle et demi.

Cette vitalité, souligne le pape Jean Paul II lors de ce séjour, est notamment due aux âmes consacrées. «Que de chemin parcouru depuis l’ordination du premier prêtre malgache en 1872 [le Père Basilide Rahidy, ndlr], l’ordination du premier évêque malgache en 1939 [Mgr Ignace Ramarosandratana, ndlr].

L’opulence de certains face à la misère de la majorité

Lors de la dernière visite ad limina des évêques malgaches avant cette visite historique, le pontife avait cependant signalé certains problèmes sociaux, notamment la question lancinante de l’endettement et du chômage. Il avait dénoncé également «une grave détérioration du climat moral et social».

Ce climat favorisait, selon lui, le chacun pour soi, l’opulence de certains face à la misère de la majorité, mais aussi le manque de conscience professionnelle et de motivations pour le bien commun, la corruption largement pratiquée, la méfiance, l’insécurité, la tendance à la drogue, au vol, aux règlements de compte, à la violence, le manque de respect de la vie. Autant de sujets que devrait aussi aborder son successeur argentin.

«Puissent les responsables politiques réagir à tout ce qui mine le courage de travailler et l’honnêteté, la sécurité et la paix, le sens du bien commun et l’éthique du service, le progrès social et l’unité nationale», espère alors Jean Paul II en 1989. Le pape polonais se sera rendu 14 fois en voyage apostolique en Afrique entre 1980 et 2000. Sur ces 20 ans, il aura visité 38 nations et laissé une empreinte indélébile. (cath.ch/imedia/pad/be)

Mozambique Chapelle improvisée à Beira | © Vatican Media
28 août 2019 | 11:18
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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