Vaud: des évangéliques réticents à la reconnaissance par l'Etat
Plusieurs églises évangéliques du canton de Vaud ont renoncé à demander la reconnaissance d’intérêt public à l’Etat de Vaud, rapporte le quotidien 24 Heures du 26 août 2019. En cause, les exigences relatives à ce statut, notamment la non-discrimination liée à l’orientation sexuelle.
La Fédération évangélique vaudoise (FEV) a soumis en avril 2019 son dossier de reconnaissance d’intérêt public. 42 de ses membres ont validé la déclaration liminaire d’engagement, pièce maîtresse du dossier de candidature. Sur une cinquantaine de membres prêts à s’engager à l’origine, onze ont finalement renoncé. La principale pierre d’achoppement semble être une phrase du texte de deux pages qui exige le respect des principes et valeurs démocratiques, dont l’interdiction de la discrimination, en particulier fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle. «Nous ne voulons blesser personne, mais nous ne pourrions pas nommer un pasteur qui revendique son homosexualité», affirme ainsi à 24 Heures un pasteur évangélique anonyme de la Riviera vaudoise.
Discrimination envers les évangéliques?
Les évangéliques se sentent eux-mêmes discriminés, notamment par le fait que les exigences liées à l’orientation sexuelle n’ont pas été soumises à d’autres communautés en recherche de reconnaissance, telles que les musulmans et les anglicans. «Nous pourrions comprendre l’ajout de cette disposition comme une discrimination, commente Christine Volet-Sterckx, coprésidente de la FEV et représentante de l’Armée du Salut, un des groupements rattachés à la Fédération. C’est une manière de nous dire que nous serons particulièrement observés sur ce point». Un aspect confirmé par Pierre Gisel, membre de la Commission consultative en matière religieuse (CCMR), le panel d’experts chargés d’établir un rapport pour le Conseil d’Etat. Le professeur de théologie à l’Université de Lausanne note ainsi que le thème de l’orientation sexuelle s’est invité dès les premières rencontres de la Commission avec les évangéliques. «Nous savons que la question est délicate, c’est pourquoi elle a été incluse dans la déclaration», explique-t-il.
Liberté vs contrôle
Certaines personnalités évangéliques craignent particulièrement une ingérence de l’Etat dans un domaine qui relève, selon elles, de la liberté de croyance. Stéphane Baehler, pasteur à Avenches et coprésident de la FEV, ne paraît cependant pas inquiet. «De ce que j’ai compris, la reconnaissance d’intérêt public ne devrait pas restreindre notre liberté dans notre organisation interne». De son côté, l’Etat a effectivement un discours de souplesse. «Nous allons être attentifs à leur discours sur les homosexuels, mais je ne pense pas que nous irons jusqu’à vérifier qui ils engagent», relève Pierre Gisel.
Le statut d’intérêt public offrirait à la FEV certains avantages, comme l’accès à des subventions pour assurer des services d’aumônerie. Mais il n’est pas question que le canton la subventionne, comme c’est le cas des Eglises catholique romaine et réformée vaudoises. «Ce statut peut nous donner une place reconnue dans la société et faire de nous un interlocuteur pour les autorités, relève Christine Volet-Sterckx.» Tout en notant que la communauté évangélique restera vigilante, elle souligne que «le dialogue avec l’Etat doit rester mutuellement enrichissant».
La FEV reconnaît actuellement cinq groupements auxquels sont rattachés ses membres: la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), l’Association vaudoise d’Eglises évangéliques (AVEE), les Eglises évangéliques apostoliques romandes (EEAR), l’Union des Eglises évangéliques de réveil (UEER), l’Association des Postes de l’Armée du Salut du canton de Vaud
La FEV compte 52 Eglises locales en ville et en zone rurale, regroupant plus de 5’000 personnes. (cath.ch/24h/rz)