Accord de libre-échange avec le Mercosur: Berne satisfait, ONG sceptiques

Alors que Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche à Berne dit sa satisfaction concernant l’accord de libre-échange AELE-Mercosur, le marché commun sud-américain, les ONG, tout comme le monde paysan suisse sont sceptiques et demandent une analyse détaillée.

«Il est important que des critères contraignants de durabilité et de bien-être animal soient inclus et que l’accord ne mette pas en danger les produits agricoles sensibles, n’affaiblisse pas la protection des consommateurs et respecte les droits humains dans les pays du Mercosur», écrivent dans un communiqué les membres de la Coalition Mercosur. Si elle n’est toujours pas opposée à l’accord de libre-échange en soi, elle met des conditions.

La Coalition Mercosur, composée de SWISSAID, d’Alliance Sud, de l’Union suisse des paysans, de la Protection suisse des animaux, de la Fédération romande des consommateurs FRC et d’ ACSI, son homologue de la Suisse italienne, ainsi que de la Société pour les peuples menacés, de Public Eye, de Pain pour le prochain et d’Uniterre, «mettra l’accord à l’épreuve au Parlement et examinera de manière critique si ces critères indispensables sont remplis».

Exportateurs suisses satisfaits

Les Etats de l’AELE, l’Association européenne de libre-échange dont fait partie la Suisse, et ceux du Mercosur, ont conclu les négociations d’un accord de libre-échange le 23 août 2019 à Buenos Aires. Grâce à cet accord, environ 95 % des exportations suisses à destination des Etats du Mercosur que sont l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, qui comptent au total 260 millions d’habitants, seront à moyen terme exonérées des droits de douane.

De plus, des obstacles techniques au commerce seront supprimés, les fournisseurs de services suisses bénéficieront d’un accès facilité aux marchés, et les relations économiques bilatérales seront globalement renforcées. L’accord permet en outre d’éviter que les exportateurs suisses soient désavantagés par rapport à leurs concurrents de l’UE, qui a conclu un tel accord avec les Etats du Mercosur cet été.

Aucune étude d’impact

Depuis juin 2017, la Suisse négocie un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur dans le cadre de l’AELE. L’industrie suisse d’exportation espère que cela améliorera l’accès aux marchés d’Amérique du Sud. «Mais l’accord a aussi un impact sur les familles paysannes, la population indigène et l’environnement dans les pays du Mercosur, ainsi que sur l’agriculture suisse, l’emploi dans le secteur alimentaire et les consommateurs suisses», note la Coalition Mercosur.

Les organisations des pays du Mercosur partagent également ces craintes. La «Plateforme Amérique latine mieux sans accords de libre-échange” dénonce le fait que ses gouvernements ont négocié avec l’AELE sans avoir la moindre idée des impacts potentiels de cet accord. Ils n’ont présenté aucune étude d’impact.

«Pourtant l’accord avec l’AELE est dangereux parce qu’il va très probablement renforcer les droits de propriété intellectuelle sur les médicaments, comme demandé par les grandes entreprises pharmaceutiques suisses. «Conséquence: le coût des médicaments va augmenter, alors même que nos pays sont totalement dépendants de ces produits», déplore Luciana Ghiotto, coordinatrice de la Plateforme.

Le Conseil fédéral ne répond pas

Déjà avec l’élection de Bolsonaro à la présidence, la situation des populations autochtones du Brésil s’est considérablement détériorée. «On craint aujourd’hui que l’accord de libre-échange ne continue de violer leurs droits, car la demande croissante de produits agricoles se fait souvent aux dépens des terres des peuples autochtones. C’est pourquoi la Société pour les peuples menacés a récemment rejoint la Coalition Mercosur«.

Ces derniers mois, les cas de déforestation dans la forêt amazonienne sont également devenus plus fréquents. En outre, des forêts sont actuellement en feu au Brésil. L’un des plus importants stockages de carbone du monde est en danger. Ces problèmes peuvent être exacerbés par l’accord, craint la Coalition.

En raison des différentes préoccupations, la Coalition Mercosur a demandé au Conseil fédéral une analyse indépendante ex ante de la durabilité. «Malheureusement, il n’a pas répondu à notre demande. Le SECO a commandé une étude, mais les résultats ne sont pas attendus avant décembre, ce qui est nettement trop tard».

Sécurité alimentaire et commerce durable

Pour la Coalition Mercosur, la mise en œuvre de l’Agenda 2030, les articles constitutionnels sur la sécurité alimentaire et le commerce durable (Art. 104a BV, lettre d), l’Accord de Paris sur le climat et les aspects relatifs au bien-être animal doivent faire partie de l’accord.

La Coalition a également demandé que les concessions sur les importations de produits agricoles soient limitées aux contingents existants de l’OMC. «La viande importée des pays du Mercosur doit également avoir été produite sans stimulateurs de performance et de croissance et dans le respect de normes élevées de bien-être animal et de sécurité alimentaire. Pour garantir que la protection des consommateurs ne soit pas compromise, les contrôles et la déclaration des denrées alimentaires importées doivent être améliorés et les lacunes comblées». (cath.ch/com/be)

Campagne contre l'accord de libre échange AELE-Mercosur en Amérique latine
25 août 2019 | 15:21
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
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