Un «Vatican orthodoxe» en Russie pour concurrencer Constantinople
La ville de Serguiev Possad, au nord-est de Moscou, est destinée à devenir le nouveau centre de l’orthodoxie russe. Un projet de rénovation à deux milliards d’euros qui vise notamment à consolider la place de Moscou face à Constantinople, dans le jeu d’influence au sein de l’orthodoxie mondiale.
Le projet initié par le bureau d’architecture russe Strelka se déploie à très grande échelle, indique fin juin 2019 l’agence russe TASS. Il implique aussi bien de nouveaux bâtiments religieux que des infrastructures de transport, des centres médicaux, des musées, des bibliothèques et des centres médiatiques. Serguiev Possad, une ville de 100’000 habitants, abrite la laure de la Trinité, un monastère fondé au XIVe siècle par le saint patron de la Russie, Serge de Radonège.
Le projet, qui aurait le soutien du gouvernement et du président Vladimir Poutine, date en fait de 2017. Mais il a été précisé par les autorités de la ville fin juin 2019, qui ont avancé un budget entre 120 et 140 milliards de roubles (environ deux milliards d’euros). Les plans prévoient une reconstruction presque complète du centre ville et sa division en deux parties: l’une spirituelle et l’autre administrative.
Enjeu de pouvoir
Serguiev Possad est déjà d’un haut lieu de l’orthodoxie russe. En 2018, l’endroit a été visité par près de deux millions de personnes. Et au-delà du spirituel, le projet prévoit de renforcer encore l’aspect touristique. L’un des enjeux est de rediriger les visiteurs vers les nouvelles infrastructures, notamment de divertissement, afin de désengorger le monastère. «Car il est très difficile pour les moines de vivre dans un lieu si bruyant», a déclaré l’archiprêtre Leonid Kalinin, responsable de l’Eglise orthodoxe russe pour l’art, l’architecture et la rénovation.
Les initiateurs du projet ont admis que l’objectif était également de tourner la page sur le passé soviétique de la ville. «L’environnement, autour de la laure de la Trinité, est accablé par l’héritage de la période soviétique qui est obsolète et inutilisable, tout doit être restauré et modernisé», a précisé Leonid Kalinin.
Mais le projet a également des motifs politiques. Il s’inscrit pleinement dans la lutte de pouvoir, au sein de l’orthodoxie mondiale entre le patriarcat de Constantinople et celui de Moscou. Les deux «pôles» du monde orthodoxe ont rompu leurs relations en octobre 2018, après que le patriarcat historique basé à Istanbul ait accordé l’autocéphalie à l’Eglise orthodoxe ukrainienne. L’archiprêtre Kalinin a ainsi confirmé à l’agence TASS que «la Russie doit devenir le principal avant-poste de l’orthodoxie dans le monde». (cath.ch/tass/ag/rz)