Ce signalement à la justice s’inscrit dans un travail de vérité qui avait déjà commencé par l’écoute des victimes, signale Frère Alois. | © Raphaël Zbinden
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La communauté de Taizé dénonce des abus sexuels sur des mineurs

La communauté œcuménique de Taizé, en France, a connaissance de cinq cas d’agressions à caractère sexuel commises sur des mineurs, dans les années 1950 à 1980, par trois frères de la communauté, dont deux sont décédés il y a plus de quinze ans, signale Frère Alois, prieur de Taizé.

Après en avoir parlé au préalable avec les victimes,  il en a informé le Procureur de la République le 3 juin 2019.

Sur son site internet, dans un article du mardi 4 juin 2019 intitulé «Un travail de vérité», Frère Alois déclare: «Si je prends la parole aujourd’hui, c’est que j’ai eu connaissance avec une très grande tristesse de cas impliquant des frères et, même s’ils sont anciens, nous avons pensé, en communauté, que nous devions en parler». Ce signalement à la justice s’inscrit dans un travail de vérité qui avait déja» commencé par l’écoute des victimes, signale Frère Alois.

La rencontre de Taizé réunit des jeunes de toute l’Europe | © médiaTaizé

Une décision longuement mûrie par la communauté

«Quand j’ai été informé de ces accusations, écrit l’actuel prieur de Taizé, en place depuis 2005, ma première démarche a été d’écouter, avec d’autres fre»res, les personnes victimes, dans un respect absolu de leur parole, d’entendre leur souffrance et de les accompagner au mieux».

Ces dernie»res années, dans la société et dans l’Eglise, la compréhension de la gravité de toute atteinte a» l’intégrité s’est heureusement approfondie, poursuit-il. «Cela trouve un écho dans l’évolution de la loi française qui demande de signaler tous les cas, indépendamment de l’époque ou» les faits ont été commis. Pour poursuivre notre travail de vérité, et après en avoir parlé au préalable avec les personnes victimes, je viens d’informer le Procureur de la République de ces cinq situations».

L’écoute des victimes, qui n’ont jamais souhaité porter plainte, et la volonté de faire la clarté sur ces faits expliquent cette décision longuement mûrie par la communauté, a-t-il déclaré à La Croix.

La parole des victimes prise au sérieux

«D’abord, quand j’en ai été informé, j’ai écouté, avec d’autres frères, les personnes victimes, dans un respect absolu de leur parole, pour entendre leur souffrance. Les personnes victimes ne souhaitant pas que leur témoignage soit transmis à la justice, il m’a semblé que la priorité était de les écouter et de les accompagner au mieux. Avec plusieurs d’entre elles, nous avons pu garder un contact suivi et même les accueillir à Taizé. J’ai été frappé de voir que quelque chose se libérait en elles, dès que leur parole était prise au sérieux. Elles étaient étonnées que je croie à leur témoignage; elles ne s’y attendaient pas», a-t-il confié au quotidien catholique français.

Dans ces temps où la société et l’Eglise cherchent à faire la lumière sur les abus et les agressions sexuelles, notamment envers les mineurs et les personnes fragiles, Frère Alois, après avoir consulté les autres frères de Taizé, a décidé de prendre la parole.

Prière du soir à la St-Jakob Arena de Bâle, le 29 décembre 2017. Frère Aloïs est entouré d’enfants, comme le faisait Frère Roger ¦ © Bernard Litzler

Des atteintes à l’intégrité ont pu se produire

«A Taizé, nous accueillons depuis des décennies, semaine après semaine, des milliers de jeunes et de moins jeunes de l’Europe et du monde entier. Conscients de notre responsabilité et de la confiance qui nous est faite par les jeunes, leurs familles et leurs accompagnateurs, nous avons toujours cherché à ce que cet accueil se passe dans les meilleures conditions, dans le respect des convictions et une grande attention à la sécurité et à l’intégrité de tous».

Le prieur de Taizé reconnaît qu’entre les participants aux rencontres, que ce soit entre jeunes ou entre jeunes et adultes, des atteintes à l’intégrité ont pu se produire. «Quand nous en sommes informés, nous veillons a» écouter les victimes, et aussi à prévenir les autorités compétentes, judiciaires et ecclésiales».

Des mesures de protection

Parmi d’autres mesures, depuis 2010 une page du site internet est dédiée à la protection des personnes et une adresse courriel a pour but de faciliter un éventuel signalement. Sur place à Taizé, un frère et d’autres personnes extérieures à la communauté sont chargés d’écouter toute personne ayant connaissance d’une agression à caractère sexuel ou d’une autre forme de violence, en particulier à l’égard de mineurs. «Cela fait partie des informations données à tous les participants lors de leur arrivée».

Toute agression, ancienne ou plus récente, commise contre un mineur ou un majeur, que ce soit par un frère ayant abusé de son ascendant moral ou par toute autre personne, peut être signalée à l’adresse courriel protection@taize.fr, ou bien à une association de victimes, ou encore au numéro d’appel national dont les coordonnées figurent sur le site.

Fondée en 1940 par le Suisse Roger Schutz – frère Roger – à Taizé, dans le département français de Saône-et-Loire, la communauté se trouve dans le village situé à 9 km au nord de Cluny et à 26 km au nord-ouest de Mâcon. Elle rassemble une centaine de frères, catholiques et de diverses origines protestantes, provenant de trente nationalités. Les trois-quarts vivent à Taizé et les autres dans sept fraternités en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Chaque année, par dizaines de milliers, les jeunes participent à l’une des étapes de son «pèlerinage de confiance sur la terre» dans différents endroits du monde. (cath.ch/be)

Ce signalement à la justice s’inscrit dans un travail de vérité qui avait déja» commencé par l’écoute des victimes, signale Frère Alois. | © Raphaël Zbinden
5 juin 2019 | 10:37
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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