Tunisie: 6'000 personnes au pèlerinage juif de la Ghriba

Dans un grand déploiement de forces de sécurité, le célèbre pèlerinage juif à la Ghriba, la plus ancienne synagogue d’Afrique, a attiré à Djerba les 22 et 23 mai 2019, quelque 6’000 pèlerins. Avant l’attentat terroriste du 11 avril 2002, l’île du sud de la Tunisie accueillait 8’000 pèlerins à l’occasion de la fête juive de Lag Ba’omer.

Venus de la diaspora juive tunisienne de France ou d’Israël, mais également de Russie, d’Angleterre ou des Etats-Unis, les pèlerins ont rencontré dans ce lieu saint – un haut lieu de la mémoire juive séfarade – l’une des dernières communautés juives du monde arabe. A Hara Sghira (ou Erriadh), mais surtout à Hara Kbira, dans ce faubourg de Houmt Souk, le chef-lieu de l’île de Djerba, vivent encore plusieurs centaines de juifs.

Survivance culturelle du judaïsme séfarade en Afrique du Nord

Comme les années précédentes, les forces de sécurité gardaient le périmètre de la synagogue et de l’oukala, sorte de caravansérail destiné à accueillir les pèlerins, situé tout à côté. Comme à l’accoutumée, de nombreux non-juifs – des musulmans de la région mais aussi des touristes étrangers – sont venus participer à cette fête atypique, véritable survivance culturelle du judaïsme séfarade en Afrique du Nord.

Jeune pèlerine juive dans la synagogue de la Ghriba, à Djerba | © Jacques Berset

Alors que la communauté juive de Tunisie comptait plus de 100’000 membres avant l’indépendance du pays en 1956, dans leur grande majorité, les juifs tunisiens ont quitté le pays dans les années 1950, notamment suite à la création de l’Etat d’Israël et les tensions régionales qu’elle a engendrées, mais également en raison du manque d’opportunités économiques. A l’heure actuelle, les juifs ne sont plus que 1’500 dans le pays où ils seraient présents depuis plus de deux millénaires.

Deux millénaires de présence juive

Selon certaines sources, des prêtres appelés Cohanim se seraient installés sur l’île de Djerba après la prise de Jérusalem par le roi Nabuchodonosor II en 586 av. J.-C. D’après la tradition locale, des juifs de Jérusalem auraient emporté à Djerba une pierre du temple détruit par les Babyloniens, qui aurait été inséré dans une des voûtes de la synagogue. A la Ghriba, il n’est pas rare de voir des juifs et des musulmans prier côte à côte et y venir déposer leurs vœux. Cette année, comme le traditionnel pèlerinage séfarade tombe en même temps que le ramadan, des responsables musulmans sont venus rompre le jeûne mercredi 22 mai avec des responsables juifs à la Ghriba, dont le nom veut dire «l’étrangère», selon une légende locale.

Le ministre tunisien du Tourisme et de l’Artisanat, René Trabelsi, a révélé, le 23 mai, lors d’une conférence de presse dans la station balnéaire de Djerba, que près de 6’000 personnes ont participé au pèlerinage.

«La visite de la synagogue de la Ghriba est une réussite, aux plans sécuritaires et organisationnels (…) Le nombre des visiteurs a doublé par rapport à l’année précédente et la confiance s’est rétablie en la Tunisie», a-t-il affirmé. «Preuve en est, le retour d’un nombre important de juifs qui ont quitté le pays depuis 30 et 40 ans, d’autant plus que la réussite du pèlerinage de la Ghriba permet d’ancrer l’image d’un pays de tolérance et de coexistence et d’envoyer des messages au monde, montrant une Tunisie ouverte et pacifique». (cath.ch/be)

Synagogue de la Ghriba, sur l'île de Djerba, au sud-est de la Tunisie | © Jacques Berset
24 mai 2019 | 17:25
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 2  min.
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