Affaire Vincent Lambert: l'Eglise craint que l'on s’engage sur la voie de l’euthanasie

Le médecin du Centre Hospitalier Universitaire de Reims a annoncé à la famille de Vincent Lambert – en état végétatif depuis plus de dix ans après un accident de la route – l’arrêt des soins dans la semaine du 20 mai 2019. Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) exprime ses craintes.

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et nouveau président de la CEF, ainsi que Mgr Bruno Feillet, son évêque auxiliaire, invitent tous deux à prier pour que la société française ne s’engage pas sur la voie de l’euthanasie. Ils rappellent que «la grandeur de l’humanité consiste à considérer comme inaliénable et inviolable la dignité de ses membres, surtout des plus fragiles».

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims | © CEF

La dignité des humains, surtout les plus fragiles, est inaliénable

Le Conseil d’Etat à Paris avait validé fin avril la décision médicale d’interrompre les traitements de cet ancien infirmier de 42 ans, en état pauci-relationnel (état de conscience minimal) depuis une décennie. Mgr Eric de Moulins-Beaufort et Mgr Bruno Feillet, ont réagi avec nuance à cette annonce.

«Il y a quelques semaines, déjà, le Conseil d’Etat a validé juridiquement la décision prise par l’équipe du secteur des soins palliatifs du CHU de Reims quant à M. Vincent Lambert. Cette équipe est donc confirmée dans sa responsabilité d’interrompre l’alimentation et l’hydratation de M. Lambert selon ce qu’elle jugera convenable. Le Dr Sanchez a annoncé à la famille son intention d’appliquer sa décision dans la semaine du 20 mai. La mort de M. Lambert est donc scellée, quoi qu’il en soit des recours tentés par ses parents», écrivent-ils.

Une décision qui inquiète

«Comme archevêque de Reims et comme évêque auxiliaire de Reims, avant tout nous prions pour M. Vincent Lambert, pour son épouse, pour sa fille, pour ses parents, ses frères et sœurs et pour tous ses amis. Nous prions aussi pour les médecins, le personnel infirmier et soignant du CHU de Reims qui, depuis des années, se sont occupés de lui. Nous prions également pour ceux qui ont eu et qui ont encore à décider de son sort».

Les deux évêques remercient également les membres de l’aumônerie qui lui ont rendu visite régulièrement tant que cela a été possible. Ils reconnaissent que la situation médicale et humaine de M. Vincent Lambert est particulièrement complexe. «Déterminer la prise en charge adaptée dans son cas n’est pas simple. Tout jugement à son propos est délicat. Ce qui a été vécu autour de M. Lambert est unique et ne devrait pas être transposé à d’autres cas».

Nécessité d’une réflexion éthique

Les signataires de la déclaration soulignent que face à de telles situations, aucune décision humaine ne peut être assurée d’être parfaite, ni même d’être la meilleure. «Une société doit savoir faire confiance au corps médical et respecter la décision collégiale des médecins engageant leur responsabilité professionnelle et humaine. Les médecins, de leur côté, doivent accepter de prendre en compte les avis des proches et de nourrir leurs décisions d’une réflexion éthique sur la responsabilité des êtres humains les uns à l’égard des autres».

Les deux évêques relèvent que «les spécialistes semblaient s’accorder cependant sur le fait que M. Vincent Lambert, si dépendant soit-il depuis son accident, n’est pas en fin de vie». Tout en saluant l’engagement des équipes du CHU de Reims, ils s’étonnent que Vincent Lambert n’ait pas été transféré dans une unité spécialisée dans l’accompagnement des patients en état végétatif ou pauci-relationnel.

Ne pas «ruiner l’effort de notre civilisation»

«Il appartient à la condition de l’homme et à sa grandeur d’avoir à mourir un jour. Il est bon de s’en souvenir en un temps où certains réclament le droit de mourir quand et comment ils le choisissent tandis que des prophètes du transhumanisme annoncent la fin de la mort».

Mais pour Mgr Eric de Moulins-Beaufort et Mgr Bruno Feillet, «c’est l’honneur d’une société humaine que de ne pas laisser un de ses membres mourir de faim ou de soif et même de tout faire pour maintenir jusqu’au bout la prise en charge adaptée. Se permettre d’y renoncer parce qu’une telle prise en charge a un coût et parce qu’on jugerait inutile de laisser vivre la personne humaine concernée serait ruiner l’effort de notre civilisation».

«Nos sociétés bien équipées se sont organisées pour que les personnes en situation ‘végétative’ ou pauci-relationnelle soient accompagnées jusqu’au bout par des structures hospitalières avec des personnels compétents. Leurs familles et leurs amis ont aussi vocation à accompagner l’un de leurs en une telle situation (…) Beaucoup font l’expérience que cet accompagnement, tout en étant éprouvant, contribue à les rendre plus humains. Le devoir de la société est de les aider». (cath.ch/cef/be)

Vincent-Lambert vit depuis plus de dix ans en situation végétative ou pauci-relationnelle | Capture d'écran
13 mai 2019 | 14:55
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
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