Vers une reconnaissance d’intérêt public des musulmans vaudois
«Un moment quasi-historique pour les musulmans vaudois», déclare l’Union Vaudoise des Associations Musulmanes (UVAM) après avoir déposé le 2 mai 2019 auprès de l’Etat de Vaud sa demande de reconnaissance en tant qu’institution d’intérêt public.
La faîtière islamique vaudoise, qui a signé cet accord avec le canton, dont elle espère devenir un partenaire reconnu dans cinq ans. Après les anglicans et les évangéliques, les musulmans vaudois demandent ainsi à leur tour une reconnaissance officielle de l’Etat. Ils s’engagent à respecter strictement les lois suisses, à lutter contre la radicalisation et à garantir une totale transparence financière.
Subventions cantonales
En cas de reconnaissance, les associations pourront obtenir des subventions cantonales afin d’assurer des services d’aumônerie et d’exercer des missions communes avec les autres religions reconnues. Mais l’Etat de Vaud ne paiera pas de salaires aux imams ou ne subventionnera pas directement les associations, comme il le fait pour les Eglises chrétiennes historiques.
«C’est parti ! C’est avec émotion que nous avons déposé ce matin [le 2 mai 2019, ndlr] notre déclaration liminaire à Mme la Conseillère d’Etat Béatrice Métraux pour entamer le processus de reconnaissance d’intérêt public de l’UVAM et ses membres», écrit sur son site l’organisation qui réunit dix-sept mosquées et organisations musulmanes dans le canton.
Lien social et transmission de valeurs fondamentales
«Après avoir décidé à l’interne en faveur de la demande de reconnaissance fin 2015 et d’avoir déposé la demande auprès des autorités début 2017, c’est aujourd’hui avec la signature de la déclaration liminaire, que le processus de coopération étroite entre l’Union Vaudoise des Associations Musulmanes (UVAM) et les autorités pour la vérification de la demande peut commencer», écrit sur son blog Pascal Gemperli, ancien président et actuel secrétaire général de l’UVAM.
Selon la Constitution vaudoise, souligne Pascal Gemperli, l’Etat tient compte de la dimension spirituelle de la personne humaine et il prend en considération la contribution des Eglises et communautés religieuses au lien social et à la transmission de valeurs fondamentales (Constitution vaudoise, art. 169).
Esprit de transparence et de confiance mutuelle
«L’Etat a ainsi reconnu de droit public (grande reconnaissance) l’Eglise Evangélique Réformée et la Fédération ecclésiastique catholique romaine ainsi que d’intérêt public (droit privé, petite reconnaissance) la Communauté Israélite de Lausanne et du Canton de Vaud. Les Eglises et communautés ainsi reconnues se soumettent à une série de conditions de la part de l’Etat afin de pouvoir renforcer leur coopération avec les autorités dans un esprit de transparence et de confiance mutuelle».
Pascal Gemperli rappelle que le règlement d’application de la loi stipule l’interdiction de la polygamie, l’obligation du mariage civil avant une cérémonie religieuse, la prohibition de la discrimination fondée sur le sexe et l’interdiction de la répudiation, de l’excision et de châtiments corporels.
Contribution active à la lutte contre la radicalisation
Dans le cas de l’UVAM pour la communauté musulmane, l’Etat exige également une contribution active à la lutte contre la radicalisation dans la déclaration liminaire. «Toutes ces conditions ont été signées par les membres de l’UVAM, les discussions ont été sereines et sans complication pour la simple raison que ces conditions sont déjà respectées», souligne-t-il.
Pas la reconnaissance d’une religion, mais d’une communauté organisée juridiquement
Le dépôt de la demande de reconnaissance de l’UVAM en tant qu’institution d’intérêt public, avec la déclaration liminaire d’engagement dont le texte a été arrêté par le Conseil d’Etat marque le début de l’examen par l’Etat de Vaud de la troisième demande d’une communauté religieuse en vue d’une reconnaissance en tant qu’institution d’intérêt public.
Dans le cadre de cette procédure, l’Etat examine la reconnaissance non pas d’une religion, mais d’une communauté organisée juridiquement, qui professe cette religion dans le canton de Vaud.
Une longue procédure et des conditions strictes
Pour pouvoir y prétendre, la communauté requérante doit s’engager à respecter l’ensemble du droit cantonal et fédéral, et répondre à des conditions strictes: transparence financière, respect de la paix confessionnelle, existence d’une activité cultuelle sur le territoire cantonal, participation au dialogue œcuménique et interreligieux, durée d’établissement en terres vaudoises supérieure à 30 ans ou encore un nombre suffisant de fidèles résidant dans le canton.
La procédure d’analyse de la demande, qui prendra jusqu’à cinq ans, est menée par le Département des institutions et de la sécurité (DIS), compétent en matière de relations entre l’Etat et les communautés. Il pourra faire appel à une commission d’experts, nommée par le Conseil d’Etat, ainsi qu’au Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC).
La procédure de reconnaissance aboutit à une décision du Grand Conseil, sous la forme d’une loi spécifique qui peut donc faire l’objet d’un référendum. Dans le cas où le Conseil d’Etat devait refuser d’octroyer une telle reconnaissance, le Grand Conseil serait alors saisi d’un décret de refus.
Pas de financement public des imams
Par cette reconnaissance, l’Etat accorde à la communauté le droit d’exercer l’aumônerie dans les établissements sanitaires et pénitentiaires. Il entretient également des contacts réguliers avec cette dernière et la consulte sur tout projet de loi la concernant. La reconnaissance n’entraîne pas un financement public, celui-ci n’étant possible que dans le cadre de missions exercées en commun avec les Eglises de droit public et les communautés reconnues.
Après les communautés anglicane et catholique chrétienne ainsi que la Fédération des Eglises évangéliques, cette troisième demande déposée démontre la volonté de la part d’une communauté présente de manière significative dans le canton de participer à la perpétuation de la paix confessionnelle et au dialogue interreligieux. Ce processus de reconnaissance a été instauré par la Constitution vaudoise de 2003 et confirmé par la suite tant par la loi vaudoise en la matière que par son règlement d’application, communique le Bureau d’information et de communication de l’Etat de Vaud. (cath.ch/be)