«Notre-Dame ne sera plus jamais la même», estime l’architecte Duthilleul

L’architecte Jean-Marie Duthilleul, qui a œuvré en 2004 à Notre-Dame de Paris, met le curseur sur le plan spirituel. Dans La Vie du 25 avril 2019, il insiste, à propos du futur chantier à venir de la cathédrale, sur la nécessité de construire «l’Eglise des hommes en même temps que l’église de pierres».

«L’Eglise catholique ne peut pas se mettre au bord de la route et attendre bien sagement qu’on lui reconstruise sa petite boîte, dans laquelle elle mettra son petit Jésus!» Ces mots sont de Jean-Marie Duthilleul, l’architecte qui a rénové le chœur de Notre-Dame en 2004 à la demande du cardinal Jean-Marie Lustiger. Pour lui, l’Eglise a son mot à dire sur la reconstruction de la cathédrale de Paris. Interrogé par Jean-Pierre Denis et Justine Hughes dans La Vie, le bâtisseur prend position. «Mettons-nous au travail tout de suite et définissons bien ce que l’on construit, l’Eglise des hommes en même temps que l’église de pierres». Car l’aspect spirituel est, pour lui, aussi important que l’aspect matériel.

Après le cœur, l’intelligence

Le président Macron «ne peut pas projeter autre chose qu’une reconstruction très rapide, au vu de l’émotion et de la mobilisation actuelles», reconnaît l’architecte parisien. Mais après la blessure du cœur, il s’agit maintenant de faire fonctionner l’intelligence. En effet, estime Jean-Marie Duthilleul, «Notre-Dame ne sera plus jamais simplement la même, puisqu’elle n’existe pas dans l’absolu, mais bien dans le regard ou la mémoire des gens».

Notre-Dame de Paris | © Maurice Page

Son rêve? Que d’ici aux Jeux olympiques de 2024 à Paris, on puisse «visiter un chantier fabuleux, avec des centaines de compagnons, en train de mettre en place des charpentes, des couvertures, avec des moyens contemporains, de tailler des pierres avec les dernières technologies, ce serait la démonstration d’un savoir-faire vraiment particulier à la France, celui du travail sur la matière…une leçon fantastique d’écologie intégrale».

«Les gens font la cathédrale»

De fait, selon l’architecte, «montrer une France en chemin dans la reconstruction d’un monument qui est cher au cœurs des populations du monde entier, ce serait bien plus émouvant qu’une reconstitution visant à gommer le drame qu’on a vécu», dit-il aux journalistes de La Vie.

Les propos de Jean-Marie Duthilleul s’appuient sur son expérience de bâtisseur et sur sa fréquentation de l’édifice parisien. Car Notre-Dame de Paris est pour lui unique en raison de sa situation au cœur de la ville, «sur une île». «Notre-Dame est unique par le fait qu’elle rend présent le monde invisible au cœur du monde visible. Notre-Dame, c’est la conjonction du rôle central de Paris et de la présence divine dans la vie de millions de personnes. Et finalement, ce sont moins les architectes que tous ces gens qui font la cathédrale», confie l’architecte.

«Tout le monde s’arrêtait»

Mais, reconnaît Jean-Marie Duthilleul, «il faut admettre que l’incendie nous a tous un peu déconstruits». Il rappelle néanmoins la convivialité manifestée autour de la cathédrale en feu, le soir du 15 avril: «Tout le monde s’arrêtait, pleurait, priait. Les gens se parlaient. Après le choc, c’était déjà fraternité».

C’est cette fraternité qu’il appelle de ses vœux pour que le projet de renouveau de la cathédrale intègre un «hôtel-Dieu», comme au Moyen Age. Car, à côté de Notre-Dame, un lieu d’accueil pour les plus démunis serait le bienvenu, Une idée également émise par le vicaire général du diocèse de Paris, l’abbé Benoist de Sinety dans la même édition de La Vie. (cath.ch/bl)