Le CIMI, organe de la Conférence épiscopale, soutient les revendications des indigènes du Brésil | © Jean-Claude Gerez
International

Indiens du Brésil face à Bolsonaro: «Nous résisterons quel qu’en soit le coût»

Le 15ème Campement Terre Libre (ATL), qui s’est tenu à Brasilia du 24 au 26 avril 2019, a regroupé des milliers de responsables indigènes. L’occasion de vivement critiquer l’action de l’actuel gouvernement Bolsonaro et d’émettre plusieurs revendications pour que leurs droits soient réellement respectés.

«Nous avons résisté durant 519 ans et nous continuerons à le faire!». C’est avec ces mots symboliques que plus de 4’000 leaders indigènes venus de toutes les régions du Brésil et représentant de 305 peuples, se sont réunis sur l’Esplanade des Ministères, dans la capitale brésilienne, pour dénoncer «la politique de la terre brûlée» menée par le gouvernement de Jair Bolsonaro.

Des propos «destinés à nous exterminer»

Les différents caciques qui ont pris la parole durant l’événement ont rejeté avec véhémence «les propos gouvernementaux destinés à nous exterminer, comme ils l’ont fait avec nos ancêtres durant la période de l’invasion coloniale, durant la dictature et jusqu’à des temps plus récents».

«Tout cela, peut-on lire dans un communiqué relayé par le Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi), a pour objectif de nous obliger à renoncer à notre droit le plus sacré: le droit original à nos terres, nos territoires et aux biens naturels que nous préservons depuis des milliers d’années et qui constituent la base de notre existence, de notre identité et de nos modes de vie».

Des droits pourtant garantis par la Constitution

Les indigènes du Brésil ont rappelé que la Constitution fédérale de 1988 a consacré la nature pluriethnique de l’Etat brésilien. «Pourtant, nous vivons les attaques de nos droits les plus graves depuis la ‘re-démocratisation’ du pays (en 1985, avec la fin de la dictature militaire)». Et de poursuivre: «le gouvernement Bolsonaro a décidé de démanteler nos droits que les pouvoirs publics doivent pourtant nous garantir».

Les indigènes ont également condamné avec force les attaques orchestrées par la Bancada Ruralista (groupe parlementaire regroupant des élus représentant l’agrobusiness), contre la Mère Nature. Les indigènes soulignent que cette force politique, alliée puissante du président brésilien, tente, à travers un projet de loi sur l’environnement actuellement en débat, de permettre un accès plus facile à l’exploitation de terres indigènes. De quoi impacter fortement et durablement l’environnement.

«Le gouvernement est allié aux puissants»

Les indigènes n’ont d’ailleurs pas hésité à dénoncer le projet économique du nouveau gouvernement «qui répond aux puissants intérêts financiers des grandes entreprises, dont nombre d’entre elles sont des multinationales, de l’agrobusiness et des compagnies minières, entre autres». Bref, un gouvernement qui veut intégrer de force les indiens sans respecter leurs droits spécifiques, un pouvoir «antinational, prédateur, génocidaire et écocidaire».

Démarcation de toutes les terres indigènes

Parmi les nombreuses revendications des leaders indigènes présents lors du 15ème Campement Terre Libre, figure la démarcation de toutes les terres indigènes, comme le précise la Constitution brésilienne. Les indiens exigent également que le processus de démarcation des terres indigènes et d’octroi de permis d’exploiter les ressources naturelles soit retiré des prérogatives du Ministère de l’Agriculture, comme c’est le cas depuis un décret présidentiel de janvier 2019.

Les peuples indigènes du Brésil subissent des pressions et des violences | ©  Jean-Claude Gerez

Parmi les autres revendications exprimées dans le communiqué figurent notamment l’exigence que la décision des peuples isolés à maintenir leur condition soit respectée. Et que les conditions de cet isolement voulu soient garanties par l’Etat. Autre point sensible, le maintien du Système de Santé Indigène (Sesai), organisme créé pour répondre aux spécificités sanitaires des peuples, notamment en Amazonie (éloignement, coexistence avec la santé traditionnelle, etc…) et que l’Etat envisage de démanteler.

Education et santé spécifiques

D’autres revendications portent sur une éducation respectueuse des cultures, la fin des violences dont sont victimes les indigènes du Brésil, le respect des traités internationaux de protection des peuples natifs ratifiés par le Brésil. Les indiens en appellent également à la Cour Suprême Fédérale pour qu’elle ne permette «aucune interprétation rétrograde et restrictive des droits liés à nos terres traditionnelles».

Enfin, les leaders indigènes réaffirment leur engagement à renforcer les alliances avec tous les secteurs de la société, du monde rural et urbain, dont les droits ont, eux aussi, été attaqués. «Nous continuerons à apporter notre contribution pour la construction d’une société réellement démocratique, plurielle, juste et solidaire, pour un état pluriculturel et multi-ethnique, de fait et de droit, pour un environnement équilibré, pour nous et pour toute la société brésilienne, pour le Bien Vivre des actuelles et futures générations, de la Mère Nature et de l’Humanité». Et les caciques indiens de conclure qu’ils résisteront «quel qu’en soit le coût !» (cath.ch/jcg/be)

Le CIMI, organe de la Conférence épiscopale, soutient les revendications des indigènes du Brésil | © Jean-Claude Gerez
29 avril 2019 | 16:46
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
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