Affaire Barbarin: les regrets de Régine Maire

Régine Maire, laïque retraitée du diocèse de Lyon, était accusée au procès du cardinal Philippe Barbarin, de non dénonciation d’abus sexuels. Elle exprime, dans le quotidien français La Croix, ses regrets mais aussi la difficulté de vivre sous les regards accusateurs.

Régine Maire faisait partie des cinq personnes relaxées par le tribunal qui a condamné le cardinal Barbarin à 6 mois de prison avec sursis, le 7 mars 2019. Un verdict qui, la concernant, l’a soulagée, sans toutefois rendre à sa vie une quelconque normalité. Les trois dernières années d’intense médiatisation des abus sexuels commis par le prêtre Bernard Preynat et de la présumée dissimulation de ceux-ci exercée par l’archevêque de Lyon l’ont durement marquée. Elle explique être arrivée au tribunal «sans préparation intérieure» et en être ressortie «anéantie physiquement». Dans le même temps elle raconte, en entendant le calvaire des victimes, avoir ressenti «une proximité fraternelle avec elles».

La peur d’une «rupture de plus»

L’octogénaire était sur le banc des accusés pour avoir omis de référer à la justice des aveux d’abus sexuels entendus de la bouche même du Père Preynat. Ce dernier a agressé sexuellement des dizaines de jeunes scouts, dans les années 1970 à 1990. En 2014, elle avait été chargée d’organiser une rencontre entre le prêtre et l’une de ses victimes. Lors de cette confrontation, le Père Preynat s’était excusé en confessant ses actes et Régine Maire avait demandé que le prêtre et la victime se réconcilient en récitant un Notre Père. Une prière «complètement à côté de la plaque, je le regrette beaucoup», confie-t-elle à La Croix. Elle regrette également de ne pas être allée «jusqu’au bout» de ses «intuitions» et de ses «prises de parole», de «ne pas avoir forcé certaines portes» pour alerter. S’interrogeant sur les raisons de sa retenue, elle mentionne le découragement, le sentiment que «seule la parole d’une autorité ecclésiale a du poids», ou encore la peur «d’une rupture de plus».

Les stigmates de Grâce à Dieu

Le tribunal lui a fait crédit «qu’elle pensait de bonne foi contribuer à ce que des personnes responsables au sein de l’institution religieuse soient saisies». Malgré cela, elle doit aujourd’hui apprendre à «ne pas craindre le regard de l’autre». Cela d’autant plus qu’elle est la seule accusée du procès, hormis le cardinal Barbarin, à être citée nommément dans le film Grâce à Dieu, de François Ozon, sorti en février 2019. Malgré les requêtes de son avocat, elle n’avait pas pu obtenir le retrait de son nom. Le film «la suit donc partout», souligne La Croix. Des personnes l’interpellent dans la rue ou l’invectivent sur les réseaux sociaux.

Mais même si elle s’est pris de plein fouet la vague des scandales sexuels dans l’Eglise, elle voit ce mouvement comme une «bénédiction» pour l’Eglise, dont une partie ressemble à ses yeux à «une poutre pourrie de l’intérieur et qui tout d’un coup s’effondre». (cath.ch/cx/rz)

15 avril 2019 | 14:46
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
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