Ingrid Fankhauser se fie aux forces bienveillantes pour pratiquer le 'secret' | © Raphaël Zbinden
Suisse

«Le 'secret', c'est Dieu qui montre le bout de son nez»

Ingrid Fankhauser pratique le ‘secret’ depuis une trentaine d’années à Genève. Pour cette croyante particulièrement attachée à la Vierge Marie, c’est une façon pour Dieu de signaler discrètement sa présence dans notre vie quotidienne.

Dans l’appartement d’Ingrid, flotte une douce odeur de spiritualité. Les statuettes de bouddha qui côtoient les portraits de la Vierge et les tableaux originaux qu’elle peint elle-même dénotent son ouverture à diverses formes de transcendance. Un décor haut en couleur et éclectique qui montre que la petite femme blonde et joyeuse d’une cinquantaine d’années marche surtout au «feeling» et refuse les carcans.

Le ‘secret’ lui vient de son grand-père, qui était «coupeur de feu» et s’occupait aussi des hémorragies. Mais elle ne l’a pas réellement «reçu». Lorsque sa grand-mère décède, son mari «perd les pédales» et ne peut pas transmettre les paroles en question. «Quelque chose» passe tout de même du vieil homme à la petite fille. «Il me disait tout le temps: Cocotte t’as hérité. Mais je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire», se souvient Ingrid.

Plus tard, alors qu’elle est en visite dans une famille, une petite fille se brûle en mettant la main sur une plaque chaude. La Genevoise se rappelle alors les gestes et les paroles de son grand-père. La douleur de la petite fille se calme très rapidement. «Je me suis dit: Génial, je peux aider les gens!» Ingrid recommence un peu plus tard et élargit petit à petit son éventail.

Une activité épuisante mais gratuite

Aujourd’hui, son activité principale est la réflexologie. Elle fonctionne également comme rebouteuse. Mais le ‘secret’ lui prend toujours une grande partie de son temps et de son énergie. «On me téléphone parfois de l’autre bout du monde, en plein milieu de la nuit. C’est donc parfois un don difficile à porter, mais je ne me plains pas, c’est un cadeau magnifique».

«Je n’ai pas besoin d’une explication ‘scientifique’»

Une activité épuisante pour laquelle elle n’a jamais touché un centime. Il est inconcevable pour elle de se faire payer pour ce qu’elle considère comme un cadeau. «Parfois des personnes insistent pour me payer, mais je leur suggère, s’ils veulent vraiment faire un geste, de verser l’argent à une association caritative ou de mettre un cierge à l’église et de prier pour ma famille et moi». Elle avoue trouver de temps en temps un bouquet de fleurs derrière la porte. La seule «rémunération» qui lui fait plaisir et qu’elle accepte volontiers.

Pas une alternative au médecin

Elle ne rencontre en fait pratiquement jamais les personnes qu’elle «traite». Tout se passe par téléphone. Elle n’a besoin de savoir que le nom, la date de naissance et la partie du corps affectée. La plupart du temps, il s’agit de «lever» une brûlure. Ingrid travaille aussi sur les hémorragies et les nausées suite à des chimiothérapies.

Elle précise que l’effet du ‘secret’ est essentiellement de soulager la douleur. Elle a tout de même constaté que cela aidait à la cicatrisation. La Genevoise insiste sur le fait qu’elle demande toujours à la personne d’aller voir un médecin, car le ‘secret’ n’est pas censé agir directement sur la plaie.

«Personne ne devrait payer pour cela»

Depuis 30 ans qu’elle exerce son activité, elle a pignon sur rue en Suisse romande et ailleurs. Elle mentionne d’ailleurs la dizaine de centres hospitaliers dont elle figure sur la liste de faiseurs de ‘secrets’. Des spécialistes médicaux de grande renommée la contactent aussi régulièrement.

Ingrid constate que les personnes sont de plus en plus ouvertes à ces phénomènes. «Lorsqu’un jour j’ai dit à mon généraliste ce que je faisais dans la vie, je me préparais à affronter des sarcasmes. Au lieu de cela, il m’a affirmé qu’il y croyait dur comme fer et qu’il y avait lui-même eu recours». Elle constate que ce sont souvent les personnes au premier abord les plus sceptiques qui deviennent ensuite les plus convaincues.

Au service de tous

Ingrid n’a aucun doute sur l’efficacité de sa méthode. Comment cela fonctionne? Elle n’en sait rien et n’est pas réellement intéressée de le savoir. «Je fonctionne au ressenti, je n’ai pas besoin d’une explication ‘scientifique’ ou ‘intellectuelle’ pour ces choses-là».

Elle relève également que tout le monde est accepté pour ce service, au-delà des religions, des croyances, des professions, ou autres. Une seule fois, Ingrid a été face à un dilemme. Un hôpital de la région de Lyon l’a appelée un jour pour un homme brûlé sur une grande partie du corps. L’infirmière lui a confié avec gêne qu’il s’agissait d’un fabricant de bombes qui s’était fait exploser accidentellement. «Je me suis demandée si j’avais réellement envie que cet homme aille mieux, alors qu’il pouvait dans le futur tuer des gens que j’aime. Je l’ai fait quand même, par respect du principe de non discrimination que j’applique. Mais avec moins de conviction que d’habitude».

Aucune odeur de soufre

Concrètement, elle explique qu’il s’agit d’une demande faite à la Vierge Marie sous forme de prière. Un ‘secret’ qui par définition ne peut pas être révélé. La Genevoise assure pourtant que cette prière est tout ce qu’il y a de plus conforme à la tradition catholique. «Il n’est nullement fait allusion à Judas ou à je ne sais quelle autre entité, mes requêtes sont uniquement adressées à Marie».

Elle comprend cependant que l’Eglise puisse être prudente face à ces pratiques. «Moi, je sais que je suis dans le bien. Mais, il est possible que des personnes jouent aux apprentis-sorciers avec cela. Donc, il faut effectivement faire attention. Il faut surtout affirmer haut et fort que personne ne devrait payer pour cela». Pour elle, la réflexologie et la pratique de rebouteuse n’ont en outre aucun rapport à la religion et ne font appel qu’à ses connaissances et expériences professionnelles tout à fait ordinaires.

«Ce ‘cadeau du ciel’ ne doit pas se perdre»

Ingrid souligne qu’elle ne connaît pas les pratiques des autres faiseurs de ‘secret’, guérisseurs ou voyants. Elle n’en fréquente aucun et ne veut pas le faire. «Je désire rester libre et sans influence extérieure».

L’humilité avant tout

Le maître mot de sa pratique est «humilité». Elle assure n’avoir aucun pouvoir d’action en elle-même. «Ce que je fais, c’est uniquement de demander, moi je ne guéris rien. J’essaye juste d’être un bon canal, un ‘tuyau pas trop percé’ entre ce monde et l’au-delà», plaisante-t-elle.

La Genevoise est elle-même très croyante, avec une sympathie particulière pour la Vierge Marie. Elle avoue ne pas aller à la messe très souvent, par manque de temps. Mais elle adresse tous les soirs une prière à la mère de Jésus. Elle a également besoin de se ressourcer régulièrement à la Bénite Fontaine, un sanctuaire marial en France voisine. Une statuette de Notre-Dame de la Bénite Fontaine constitue son «support» de demande pour le ‘secret’. Un objet consacré par le curé du lieu.

Ingrid a transmis son ‘secret’ à sa fille, âgée de 29 ans. Cette dernière l’a déjà utilisé occasionnellement, mais ne veut pas en faire une activité avant la disparition de sa mère. La faiseuse de ‘secret’ lui a également transmis les valeurs fondamentales qui vont avec cette pratique: le non jugement, la non discrimination, la volonté de faire le bien et ne pas en tirer profit.

Car la Genevoise est persuadée que ce «cadeau du ciel» ne doit pas se perdre. «Pour moi, le ‘secret’, c’est avant tout un signe. A travers ces phénomènes inexplicables scientifiquement, Dieu nous montre le bout de son nez». (cath.ch/rz)

 

Ingrid Fankhauser se fie aux forces bienveillantes pour pratiquer le 'secret' | © Raphaël Zbinden
8 avril 2019 | 16:24
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 5  min.
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