Le cardinal Philippe Barbarin répond aux questions de KTO | capture d'écran KTO
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Cardinal Barbarin: «Un très grand choc nous a tous réveillés dans l'Eglise»

«Dans l’attente d’un jugement en appel, il reste la présomption d’innocence. Si j’accepte ta démission, cela veut dire que je reconnais que tu es coupable. Je ne peux pas faire cela.» Tels sont en substance les propos que le pape François a tenu au cardinal Barbarin venu lui présenter sa renonciation, le 18 mars 2019 à Rome. Pour l’archevêque de Lyon, sa décision de faire appel du jugement était une évidence.

Répondant aux questions de la télévision catholique KTO, pendant une vingtaine de minutes, le cardinal Barbarin a complété le 19 mars ce qu’il avait déjà explicité dans son communiqué de la veille. Le pape François lui a dit également comprendre son désir de s’écarter, de s’éloigner un peu (licencia, selon le terme espagnol). «Mais ce n’est pas à moi de prendre cette décision». Rome n’a pas à intervenir dans ce choix d’un diocèse.

Le procès en appel était une évidence

Sur la décision même de faire appel, l’archevêque de Lyon a expliqué avoir demandé conseil à des juristes et à des magistrats «qui m’ont tous dit: ‘c’est une évidence’». Quelques autres personnes lui ont, au contraire, conseillé d’accepter cette décision de justice en insistant sur l’exemple qu’il pourrait ainsi donner. «Mais c’est une possibilité que le droit français nous donne. Donc je l’ai fait sans hésitation. Le pape était tout à fait d’accord. Il m’a dit: ‘c’est normal’.»

«Si en quelques points je suis coupable, je suis fautif, dites-le moi»

Le cardinal persiste à se considérer innocent des faits qui lui sont reprochés «Si en quelques points je suis coupable, je suis fautif, dites-le moi! Je reconnais les erreurs que j’ai faites, mais ce ne sont pas celles que je me vois reprocher par la justice. Lorsque j’ai reçu en 2014 la première victime qui m’a dit sa tristesse de ne pas avoir dénoncé son agresseur (avant le délai de prescription légal), je lui ai dit: ‘cherchez d’autres victimes’ (qui pourraient porter plainte, ndlr). Et d’ailleurs il les a trouvées. Mais, ni lui ni moi, nous n’avions alors pensé que c’était à moi de le faire. C’était peut-être une erreur.»

«Je ne vous dis pas que j’ai bien fait»

Le cardinal insiste aussi sur la difficulté d’interprétation du code pénal français. «Il faut dire que cet article du code pénal est interprété de manière très différente par les juges et les avocats. C’est une législation qui a beaucoup changé ces derniers temps. Et si elle est interprétée contre moi, comme elle l’a été dans le dernier jugement, et bien voilà. Je ne vous dis pas que j’ai bien fait, je vous dis ce que j’ai fait, comment et pourquoi je l’ai fait. Il était aussi assez normal de faire appel, quand on constate un tel écart entre ce qu’a dit le procureur et ce que dit le tribunal. Ce qui reste néanmoins parfaitement conforme au droit, le tribunal n’a pas à suivre l’avis du procureur.»

Une démission décidée avant le 7 mars

Le cardinal a confirmé également avoir pris la décision de présenter sa démission bien avant le 7 mars. Il a indiqué avoir déjà eu des contacts avec le pape qui avait suivi le procès de Lyon. Et un rendez-vous pour une rencontre avait déjà été fixé. Il trouve que «son diocèse souffre beaucoup depuis longtemps», mais il enchaîne en citant l’une des victimes qui a rappelé au procès qu’elles souffraient depuis 30 ou 40 ans. «En pensant à elles et en pensant au diocèse, j’estime qu’il est temps qu’une page se tourne, qu’un nouvel élan arrive et que l’on reparte d’un pied nouveau pour une étape nouvelle, après ce qui est un grande épreuve pour tout le monde, et pas que pour moi.»

«Je ne serai pas présent lors de la Semaine Sainte et à Pâques»

Un retrait effectif du diocèse

Le cardinal a en outre expliqué avoir présidé une réunion d’un conseil presbytéral, qui compte une cinquantaine de prêtres délégués par leurs confrères, entre le jugement et son déplacement à Rome. «C’était bien, j’ai vraiment entendu ce que mes frères prêtres pensaient.» Il a confirmé son retrait effectif du diocèse. Il ne participera plus aux divers conseils et ne présidera plus de célébrations liturgiques à la cathédrale ou ailleurs, pas plus qu’il ne sera présent lors de la Semaine Sainte et à Pâques. «Je reste en titre évêque de Lyon, mais je me retire de la conduite du diocèse, sauf pour parapher quelques documents pour lesquels ma signature est nécessaire.» Interrogé sur le durée de son retrait et son éventuel retour à la direction du diocèse, Mgr Barbarin relève qu’il n’en sait rien. «Cela dépend de la durée du procès en appel.»

La souffrance des victimes pas assez entendue en profondeur

Le cardinal a conclu en rappelant le poids qu’a représenté toute l’affaire pour les agents pastoraux et les fidèles du diocèse. «Comme j’ai été le lieu de la concentration de tous les reproches, cela doit être dur pour eux que leur évêque soit tout le temps sur la sellette, en train d’être critiqué, accusé, sali. Mais peut-être que la souffrance des victimes n’avait pas été assez entendue en profondeur. Que cela fasse un très grand choc nous a tous réveillés dans l’Eglise, mais aussi dans les autres couches de la société que ce mal a atteint.» (cath.ch/kto/mp)

Le cardinal Philippe Barbarin répond aux questions de KTO | capture d'écran KTO
20 mars 2019 | 11:51
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 4  min.
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