Pédophilie: les médias polonais fustigent le rapport de l'Eglise
Le rapport présenté le 14 mars 2019 par les évêques polonais sur les abus sexuels dans l’Eglise est vivement critiqué dans le pays. L’épiscopat est accusé de minimiser le problème et de rejeter la faute sur les victimes.
Pour Mgr Stanislaw Gadecki, vice-président de la Conférence épiscopale polonaise, la pédophilie est en partie causée par la «sexualisation des enfants», notamment à travers l’éducation sexuelle à l’école. Tel a été l’un des principaux angles du rapport sur la pédophilie dans l’Eglise du pays, présenté le 14 mars à Varsovie.
Une enquête «bâclée»?
Selon le document, pour la période de 1990 à nos jours, 382 prêtres, religieux et religieuses se seraient rendus coupables d’abus sexuels sur 625 personnes dont 345 de moins de 15 ans. Le Père Adam Zak, coordinateur pour la protection de l’enfance au sein de la conférence épiscopale, a reconnu que ces chiffres ne représentaient probablement que «la pointe de l’iceberg». Des résultats que beaucoup considèrent comme largement sous-évalués.
La méthode utilisée par la conférence épiscopale pose question. L’organisation s’est en effet contentée d’envoyer aux diocèses des formulaires non contraignants sur les cas d’abus les concernant. Marek Lisinski, de l’association polonaise de victimes «N’ayez pas peur», a relevé que les formulaires envoyés dans les diocèses ont de plus été soumis à des évêques pour certains fortement soupçonnés d’avoir couvert des cas. Lui-même ancienne victime, le militant estime que les chiffres présentés sont bien en deçà de la réalité. Il évoque même une proportion de 10% de prêtres abuseurs dans le clergé.
Eliza Michalik, du média polonais Superstation, n’imagine pas que depuis 30 ans, dans toute l’Eglise de Pologne qui compte 50’000 prêtres, il n’ait pu y avoir que 382 cas. Elle rappelle que l’Irlande, un pays bien plus petit que la Pologne, en a recensés plus de 35’000. La journaliste estime également que l’Eglise n’avait pas la légitimité de réaliser elle-même un tel rapport.
Culpabilisation des enfants?
Mais plus que les résultats du document, le ton et les propos des évêques lors de sa publication ont scandalisé une grande partie de la presse et de l’opinion publique en Pologne. Des journalistes ont déploré une forme de minimisation du phénomène. «Le problème est global, mais on essaie de n’en montrer qu’un aspect marginal, celui qui touche l’Eglise», a ainsi déclaré Mgr Gadecki. L’archevêque de Poznan a pointé «le manque de volonté» supposé de traiter le problème dans les autres secteurs de la société. Le prélat polonais a également pointé du doigt l’influence de la culture contemporaine. «Des programmes de sexualisation des enfants sont élaborés, afin de gagner le plus d’argent possible avec les moyens contraceptifs et de laisser la vie sexuelle s’exacerber», a-t-il affirmé. Ces propos ont été perçus par certains commentateurs comme une tentative de transférer la responsabilité des crimes sur les victimes. La déclaration de Mgr Gadecki «signifie-t-elle que les véritables coupables sont les enfants?», a ainsi commenté sur Twitter le prêtre et journaliste polonais Piotr Beniuszys.
Un «ratage complet»
Michal Wilgocki, du quotidien Gazeta Wyborcza, juge que «les évêques n’ont pas réussi à sortir d’une attitude défensive au sujet de la pédophilie». Le journaliste et historien Jaroslaw Makowski résume l’opinion de beaucoup de Polonais: si la présentation du rapport «était une tentative de restaurer la crédibilité de l’Eglise nationale, cela a été, d’un avis général, un ratage complet». (cath.ch/ag/rz)