A Taïwan, le cardinal Filoni rappelle que «l’Eglise n’abandonnera pas ses enfants»
Le cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, vient de conclure un séjour dans les périphéries de la Chine, du 27 février au 6 mars 2019: Taïwan, dans un premier temps, à l»«²occasion d»«²un rassemblement catholique national, puis Macao et Hong Kong.
Cette visite a été un «»³signal fort»«³ pour montrer le lien qui unit Rome à Taïwan, a confié le Père Etienne Frecon, recteur du séminaire interdiocésain de Taipei, la capitale de l’île, le 8 mars 2019. Taïwan, officiellement la République de Chine, est considérée par Pékin comme une province chinoise rebelle. Elle exerce cependant de facto une pleine souveraineté sur son territoire. La République populaire de Chine, ou Chine continentale, impose à tous les Etats la rupture des liens avec l’île avant l’établissement de toute relation diplomatique. Or, Rome et Pékin sont parvenus le 22 septembre 2018 à un accord ›provisoire’ sur la nomination des évêques dans le pays.
Pourquoi le cardinal Filoni est-il venu en personne clôturer le 4e congrès eucharistique de Taïwan?
Le cardinal Filoni a été dépêché par le pape François pour le représenter lors de ce congrès eucharistique. Lors de la visite ad limina des évêques de l’archipel taïwanais en mai 2018, Mgr John Hung Shan-chuan, archevêque de Taïpei et président de la conférence des évêques de la région chinoise, avait invité le pape à venir à Taïwan pour présider ce congrès. Il s»«²agissait notamment de souligner l’importance de Taïwan dans le dialogue établi entre Pékin et le Saint-Siège et que l’Eglise de Taïwan ne se sente pas délaissée. Prenant cette invitation au sérieux, mais ne pouvant y répondre lui même, le pontife a envoyé à sa place le cardinal Filoni. Sa présence a donc été pour l’Eglise de Taïwan un signal fort, car elle a montré son lien si important avec le successeur de Pierre.
Quels en ont été ou quels en seront les fruits sur la communauté catholique locale?
Comme l’a souligné le cardinal Filoni dans son homélie le 1er mars, ce congrès eucharistique a été voulu comme un renouvellement de l’Eglise. En effet, celle-ci vieillit à Taïwan: les communautés paroissiales sont vieillissantes et les vocations baissent. L’Eglise se cherche un nouveau souffle. La présence du cardinal va aider à ce renouveau missionnaire à l’intérieur de l’Eglise! Si les chrétiens ont été touchés par la grandeur de la cérémonie et la présence du cardinal Filoni, les fruits plus concrets se mesureront dans les années à venir. L’Eglise à Taïwan est à un tournant de son histoire.
Six mois après l’accord conclu entre le Saint-Siège et la Chine, comment réagit la communauté catholique taïwanaise?
La communauté chrétienne a du mal à ne pas se sentir abandonnée par Rome. D’un point de vue politique, beaucoup d’organisations tournent le dos à Taïwan qui le vit comme une véritable humiliation. Les chrétiens ont peur qu’après les organisations internationales, ce soit au tour du Vatican d’abandonner Taïwan. Lors de son passage au séminaire, le cardinal Filoni a rappelé que l’accord était d’abord pastoral et que l’Eglise n’abandonnerait pas ses enfants, pourtant ce sentiment est demeuré assez fort.
Quelles sont, selon vous, les perspectives pour les catholiques de Chine continentale et de Taïwan?
Nous sommes dans cette période nouvelle des relations entre le Saint-Siège et la Chine. Ce temps est important! Pour nous, chrétiens de Taïwan, nous devons vivre ça dans la foi. Lors de son intervention au séminaire devant les séminaristes et les prêtres chinois, le cardinal – tout en nous renvoyant à l’article publié dans L’Osservatore Romano où il clarifie la position de l’Eglise dans ses accords – nous a invités à rendre grâce, écouter et nous soutenir dans l’amour fraternel! Dans cette époque où des changements se profilent dans le monde chinois, il nous a invités à bâtir des ponts dans l’Eglise, mais aussi avec les croyants d’autres religions et avec le pouvoir politique. Dans ce contexte assez flou, il est donc assez difficile de dégager des perspectives si ce n’est d»«²essayer de se soutenir dans la foi et l’amour mutuel entre chrétiens du continent et de Taïwan. (cath.ch/imedia/pad/rz)