Soeur Véronique Margron, présidente de la CORREF  | © Pierre Pistoletti
International

Colère, tristesse et indignation face aux abus sexuels sur des religieuses

Un documentaire diffusé le 5 mars 2019 sur la chaine franco-allemande Arte, et intitulé «Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise», a suscité «colère, tristesse et indignation». La Conférence des évêques de France (CEF) s’associe à la prise de position ferme de la Conférence des Religieux et Religieuses de France (CORREF).

Ce documentaire suscite une prise de conscience sur l’ampleur des phénomènes d’abus dont de nombreuses religieuses ont été ou sont victimes à travers le monde. «Ce reportage est glaçant et ce qu’il dépeint difficilement supportable. Ce qu’il montre de complicités, de mensonges, de trahisons, de déni, de perversions et de comportements criminels et impunis, est insoutenable. Nous sommes sidérés par ce que nous avons vu et entendu», écrit la CORREF.

Evêques solidaires avec la CORREF

Dans un communiqué diffusé à la suite de «ce reportage terrible et dramatique sur les abus sexuels dont des religieuses ont été victimes de la part de religieux ou de prêtres diocésains», les évêques de France partagent avec la CORREF «sa profonde indignation, sa tristesse et sa colère». «C’est d’abord vers les religieuses et religieux, victimes de ces abus, que la CEF tourne ses pensées et ses prières. Tous les évêques de France veulent leur apporter leur soutien.»

«La lutte contre les abus sexuels et toute autre sorte d’abus dans l’Eglise est aujourd’hui une priorité que chacun doit porter en pleine responsabilité, affirme la CEF. C’est le message que les présidents de conférences épiscopales du monde entier ont partagé récemment à Rome lors de la rencontre pour la protection des mineurs que le pape François avait souhaitée».

C’est avec cette conviction que la CEF et la CORREF poursuivent leurs efforts pour accueillir et écouter les personnes victimes mais aussi, avec elles, pour continuer ce combat contre tout abus dans l’Eglise: abus de pouvoir, abus de conscience, abus sexuels». Elles reprennent les termes utilisés par le pape François dans sa Lettre au Peuple de Dieu datée du 20 août 2018.

«L’ennemi est à l’intérieur»

Dans un autre communiqué, sous la signature de sœur Véronique Margron, religieuse dominicaine et présidente de la CORREF, et des deux vice-présidents de cette organisation, les prêtres spiritain Marc Botzung et salésien Daniel Federspiel, écrivent que «l’ennemi est à l’intérieur».

Logo de la CORREF

Les responsables de la CORREF, engagés de longue date avec fermeté dans la lutte contre ces phénomènes d’emprise et de manipulation sectaire, reprennent ainsi les propos tenus le 21 février 2019 au Vatican par le cardinal Salazar Gomez, archevêque de Bogota, lors de la Rencontre sur la protection des mineurs.

Une conception avilissante de l’obéissance

«Le reportage repère des causes internes à l’Eglise: le caractère sacré du prêtre et du religieux, un pouvoir omnipotent, une conception avilissante de l’obéissance, un machisme parfois viscéral, une fourberie hallucinante et une réification des femmes, y compris quand elles se retrouvent enceintes. Il nomme aussi des causes exogènes comme le dénuement de religieuses ou de la communauté. Une précarité qui peut occasionner un véritable marchandage sexuel dont des supérieures sont alors complices», soulignent les responsables de la CORREF. Ils reconnaissent qu’en France la prise de conscience de ces phénomènes arrive très tardivement.

«Si nombre de responsables d’Instituts religieux féminins internationaux sont très attentives à la protection de leurs sœurs, spécialement dans tel ou tel continent ou circonstances, le travail des journalistes d’investigation d’Arte rappelle l’ampleur de ce qui reste à faire, reconnaît la CORREF. A commencer par – comme pour la pédocriminalité – en finir avec l’impunité des abuseurs et avec les complicités actives ou passives. Mais aussi débusquer, encore et toujours, le lien mortifère entre les abus de pouvoir, les abus spirituels et les agressions sexuelles».

Détermination à écouter, accompagner et protéger les victimes

Les responsables de la CORREF identifient toutefois une «fenêtre d’espérance» dans ce documentaire, grâce à «des religieuses, des religieux et des laïcs qui se dressent avec un grand courage, à Rome, au Québec, aux Etats Unis, en Afrique et partout contre ces crimes et ces délits insupportables et accompagnent les victimes».

«La CORREF, pour sa part, est déjà engagée dans le combat contre tous les abus. Il est et sera long. Mais notre détermination est totale à soutenir les victimes, à épauler les Instituts et les responsables qui mettent tout en place pour protéger leurs membres et dénoncer les faits. L’Union internationale des Supérieures Générales, à Rome, s’est prononcée très clairement afin que toutes les sœurs qui ont été et sont victimes puissent sans crainte prendre la parole, sachant alors qu’elles seront écoutées, accompagnées, protégées».

Responsable de vies fracassées

La CORREF se fait le relais de cet appel et de cette supplication afin que personne ne soit délaissé. «Là où nous, responsables dans l’Eglise, avions charge, au nom du Christ serviteur, de protéger les enfants et les personnes vulnérables, de soutenir la conscience, la dignité, la liberté et l’espérance de celles et ceux qui avec confiance rejoignent la vie religieuse, nous avons collectivement gravement failli».

C’est un malheur autant qu’un scandale qui n’est pas excusable, poursuit la CORREF. «Il nous incombe aujourd’hui de dire cette faute, responsable de vies fracassées, et de nous engager ici et partout, afin que cela ne puisse se perpétuer. L’engagement de tous dans l’Eglise et l’aide de compétences extérieures sont indispensables», concluent les auteurs de ce communiqué. (cath.ch/be)

Soeur Véronique Margron, présidente de la CORREF | © Pierre Pistoletti
6 mars 2019 | 14:05
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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