Mgr Felix Gmür a représenté la Suisse au sommet pour la protection des mineurs | © Peter Schneider/Keystone
Suisse

Les évêques suisses renforcent l'arsenal contre les abus sexuels

La lutte contre les abus sexuels dans l’Eglise en Suisse se dote de nouvelles armes, avec notamment un renforcement de l’obligation de dénoncer. Des avancées contenues dans la nouvelle édition des «Directives de la Conférence des évêques suisses (CES) et de l’Union des supérieurs majeurs religieux de Suisse (VOS’USM) en matière d’abus sexuels dans le contexte ecclésial», qui entrent en vigueur le 1er mars 2019 rapporte la CES le 28 février.

Les anciennes directives prévoyaient qu’une victime adulte devait être avertie, dans tous les cas, de la possibilité de déposer une plainte relevant du droit civil mais qu’elle pouvait s’opposer à ce que les responsables ecclésiaux déposent plainte. Dorénavant, la victime adulte ne disposera plus de ce «droit de veto», note la CES, suite à sa 323e assemblée ordinaire, du 25 au 27 février 2019 au monastère de Mariastein (SO). Les Ordinaires (à savoir les évêques diocésains, les vicaires généraux ou épiscopaux ainsi que les supérieurs majeurs des ordres religieux) devront annoncer aux organes publics compétents en matière de poursuite tous les délits poursuivis d’office dont ils ont connaissance.

La règle adoptée jusqu’ici l’a été sur recommandation de thérapeutes qui avaient exigé un «droit de veto» pour les victimes. La pratique a cependant montré que, sans obligation d’annonce, le risque d’étouffer une affaire subsiste ainsi que la mise en danger de futures victimes potentielles, soulignent les évêques.

Personne chargée de la prévention

La CES annonce également des avancées dans le domaine de la prévention. La nouvelle directive rend obligatoire pour toute l’Eglise en Suisse une série de mesures concrètes en la matière, dont certaines sont déjà appliquées dans des diocèses et ordres religieux du pays.

Chaque diocèse, communauté monastique et tout autre communauté ecclésiale doit notamment désigner en son sein une personne chargée de la prévention. Elle doit de plus avoir son propre concept de prévention qui fixe les critères de base pour une perception adéquate et professionnelle de la distance et de la proximité ainsi que pour des rapports réciproques empreints de respect. Ce concept de prévention doit par la suite déboucher sur l’élaboration de codes et de standards de conduite.

Extraits du casier judiciaire exigés

La nouvelle mouture des directives prévoit également des mesures dans le domaine de la formation ou pour la pastorale multiculturelle. Elle souhaite aussi arriver à l’exigence de la présentation d’un extrait et d’un extrait spécial du casier judiciaire pour tout engagement dans le contexte ecclésial et que la personne engagée se déclare prête à respecter les directives. Toute personne déjà engagée avec une mission canonique devra en outre remettre ces extraits du casier judiciaire si elle ne l’a pas encore fait. De plus, chaque fois qu’une personne travaillant en Eglise rejoindra une équipe, chaque membre de cette équipe sera prié de signer une convention l’engageant au respect de la distance et de la proximité.

Les évêques «comprennent la déception des victimes»

Ce nouveau dispositif s’élabore dans le contexte de la rencontre consacrée à la protection des mineurs, qui s’est déroulée au Vatican du 21 au 24 février 2019, pour laquelle des représentants de toutes les conférences épiscopales du monde ont été convoqués. «Les membres de la CES ont entendu avec grand intérêt le rapport de Mgr Felix Gmür», président de la CES, qui représentait la Suisse au sommet.

Les prélats suisses assurent «comprendre la déception des organisations de victimes qui avaient espéré des mesures claires dès l’issue de la rencontre». D’après Mgr Gmür, de nombreux thèmes importants ont été abordés ouvertement à Rome (comme les structures de pouvoir, la participation des laïcs, le célibat). Les participants ont essayé de comprendre le sujet dans toutes ses dimensions. Le pape ne voulait cependant pas anticiper les résultats du processus avec des solutions toutes prêtes mais tenait tout d’abord à écouter précisément, notamment à cause des différences de législations dans le monde, a souligné Mgr Gmür.

Finalement, les évêques suisses assurent qu’ils poursuivront le travail entrepris dans le domaine des abus sexuels en contexte ecclésial. Ils voient d’autres champs d’action, par exemple, dans l’accélération des procédures canoniques, dans l’information des victimes ou dans la standardisation de la prévention. (cath.ch/com/rz)


Vénération de Dorothée de Flue

La CES a également décidé de demander au pape François la permission de vénérer Dorothée avec Nicolas de Flüe, en tant que couple. Le souhait de vénérer officiellement ensemble Frère Nicolas et sa femme Dorothée est né au cours du siècle dernier. La forte présence de ce couple dans la piété populaire s’est aussi remarquée au cours de l’année jubilaire 2017 qui n’a connu pratiquement aucune célébration sans mention explicite de l’épouse du saint patron de la Suisse, expliquent les évêques. RZ

Mgr Felix Gmür a représenté la Suisse au sommet pour la protection des mineurs | © Peter Schneider/Keystone
28 février 2019 | 14:47
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
Abus sexuels (1289), CES (356)
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