«Comment ces mains, qui avaient tant osé sur moi, pouvaient-elles bénir et donner la communion?»
«Je voulais juste mourir: j’ai essayé, je n’ai pas réussi», a confié une victime d’abus sexuels aux évêques réunis pour le sommet sur la protection des mineurs lors de la prière du soir du 22 février 2019 dans un témoignage relayé le 23 février par le Saint-Siège. Extraits.
Je voulais vous raconter mon enfance, lorsque j’étais une petite fille. Mais c’est inutile parce que lorsque j’avais 11 ans un prêtre de ma paroisse a détruit ma vie. Dès lors, moi qui adorais les couleurs et faisais des pirouettes dans les prés, insouciante, j’ai cessé d’exister. (…)
Toutes les fois où enfant il me bloquait avec une force surhumaine restent gravées dans mes yeux, mes oreilles, mon nez, dans mon corps, dans l’âme: je m’anesthésiais, je restais en apnée, je sortais de mon corps, je cherchais désespérément du regard une fenêtre pour voir au dehors, en attendant que tout se termine. (…)
Comment pouvais-je, moi une enfant, comprendre ce qui s’était passé? Je pensais: «c’est sûrement de ma faute!» ou «j’ai mérité ce mal?» Ces pensées sont les plus grandes lacérations que l’abus et l’abuseur introduisent dans le cœur, plus encore que les blessures elles-mêmes qui lacèrent le corps. Je sentais que désormais je ne valais plus rien, pas même le droit d’exister. Je voulais juste mourir: j’ai essayé, je n’ai pas réussi. (…)
L’abus crée un préjudice immédiat, mais pas seulement: le plus difficile est de faire face tous les jours à ce vécu qui t’envahit et ressurgit dans les moments les plus improbables. Tu devras vivre avec ça… toujours! Tu peux seulement apprendre, si tu y parviens, à moins te laisser blesser. (…)
Je n’avais plus confiance en l’homme et en Dieu, au Bon Père qui protège les petits et les faibles. Enfant, j’étais certaine que rien de mal ne pouvait venir d’un homme qui ‘diffusait le parfum de Dieu’! Comment les mêmes mains, qui avaient tant osé sur moi, pouvaient-elles bénir et donner la communion? (…)
Nous, les victimes, si nous parvenons à avoir la force de parler ou de dénoncer, nous devons trouver le courage de le faire tout en sachant que nous risquons de ne pas être crues ou de voir que l’agresseur s’en tire avec une petite sanction canonique. Il ne peut et ne doit plus en être ainsi! (…)
Le fait d’avoir était crue et la sentence m’ont néanmoins mis face à une réalité: cette partie de moi qui a toujours espéré que l’abus ne se soit jamais produit, a dû se rendre à l’évidence, mais dans le même temps elle a reçu une caresse: je sais maintenant que je suis une autre, au-delà de l’abus subi et des cicatrices que je porte. (cath.ch/imedia/pp)