Prêtre abuseur à Riehen: Mgr Gmür s'explique
Mgr Felix Gmür aurait-il dû intervenir pour empêcher l’élection du prêtre Stefan Küng, condamné pour agression sexuelle, comme curé de Riehen (BS)? Lors d’une conférence de presse à Soleure, le 23 janvier 2019, l’évêque de Bâle s’est justifié en affirmant avoir exigé du prêtre une transparence complète et avoir voulu respecter les procédures électorales locales.
Stefan Küng n’avait pas tout dit en présentant sa candidature comme curé de la paroisse de Riehen. Même lors d’une séance d’information spéciale pour les paroissiens le 10 janvier 2019, il avait refusé de rendre publique l’ordonnance pénale émise par un tribunal thurgovien en 2012. Tout le monde pensait qu’il n’avait fait que masser les pieds d’un jeune de 15 ans. Or la publication de l’ordonnance dans les médias, le 13 janvier, a fait apparaître plus que cela: des caresses sous le t-shirt, ainsi qu’un baiser dans le cou. Suite à ces révélations, Stefan Küng a retiré sa candidature.
Faible probabilité de récidive
Suite à cela, les regards se sont tournés vers les responsables de la paroisse de Riehen, qui ont accepté cette candidature alors qu’ils étaient au courant de la condamnation. Mais aussi vers Mgr Felix Gmür, qui savait également et qui n’est pas intervenu pour bloquer la procédure. Face à la polémique, l’évêque a tenu à s’expliquer devant les médias.
Il a tout d’abord souligné avoir autorisé l’élection de Stefan Küng à trois conditions: que le prêtre fasse preuve d’une transparence totale dans le processus électoral, qu’il accepte un accompagnement de supervision et qu’il ne travaille pas avec des enfants et des jeunes dans la paroisse. L’évêque a de plus rappelé avoir fondé sa décision sur quatre expertises, dont deux ordonnées par lui-même.
Le rapport médico-légal avait placé à un sur neuf le degré de probabilité de récidive du prêtre. Le ministère public de Thurgovie avait par ailleurs qualifié le délit du prêtre de «léger». Le tribunal de première instance ne lui a pas non plus interdit d’exercer sa profession. «Stefan Küng aurait pu commencer à travailler avec des enfants quelque part [hors de l’Eglise, ndlr.]», a relevé Mgr Gmür.
Mains liées par la loi
Pour toutes ces raisons, l’évêque a préféré miser sur une resocialisation du prêtre, en confiance avec ce dernier, et en respectant le règlement local. Suivant le système dual original en cours dans l’Eglise en Suisse, les élections à la tête des paroisses sont, dans le diocèse de Bâle, du ressort des instances ecclésiastiques et non canoniques. «Il est préférable que l’évêque ne s’en mêle pas», a-t-il affirmé.
Stefan Küng n’a cependant pas tenu sa promesse de transparence, en gardant sous silence les principaux motifs de sa condamnation. L’évêque a en outre noté que la commission électorale de la paroisse avait élu Küng le 28 août 2017 sans le consulter et qu’il s’était lui-même efforcé d’informer «de la manière la plus transparente possible» sur ce cas. Il a précisé avoir eu les mains liées par le fait que les informations contenues dans l’ordonnance pénale étaient sous le coup de la protection des données. La Congrégation pour la doctrine de la Foi, au Vatican, avait également été informée du cas par le diocèse, et n’avait pas imposé non plus de restriction.
Changements envisageables
En fin de conférence de presse, Mgr Gmür a assuré avoir tiré les leçons des événements de Riehen. Il compte expliquer aux instances ecclésiastiques comment traiter à l’avenir la publication des plaintes pénales dans les nominations d’employés, notamment à quel moment elles devraient être rendues publiques. L’évêque a souligné qu’une modification des règles en la matière était envisageable.
Le prélat bâlois a qualifié de «catastrophe» le fait que Stefan Küng n’ait pas communiqué de façon ouverte. Il va maintenant discuter avec ce dernier de son avenir au sein du diocèse. L’évêque a aussi indiqué qu’il rencontrerait prochainement les responsables de la paroisse de Riehen, où Stefan Küng est prêtre auxiliaire depuis 2015. (cath.ch/ag/kath/gs/rz)
La presse entre compréhension et hostilité
La presse alémanique se montre divisée face aux explications données par Mgr Gmür. La Basler Zeitung (BaZ) relate la conférence sur un ton plutôt accusateur. «Il n’a pas convaincu les journalistes présents. Lors de la phase des questions, les arguments préparés ne tenaient plus la route», affirme le journal.
La connaissance par l’évêque du contenu de l’ordonnance pénale a été au cœur des questions qui ont fusé à Soleure. Des informations que Mgr Gmür a admis connaître depuis plus d’un an. Des journalistes lui ont ainsi demandé pourquoi, connaissant la totalité des faits, il n’était pas intervenu pour stopper l’élection. Son absence lors de la réunion d’information du 10 janvier a ainsi été relevée. Un média l’a interrogé à ce sujet, suggérant qu’il aurait pu de la sorte vérifier si Stefan Küng disait toute la vérité. L’évêque a répondu avoir pensé que les voix critiques sur place feraient sortir la vérité. Il a répété avoir eu les mains liées par le respect de la protection des données.
Opinion publique critique
La BaZ décrit en général un évêque «mal à l’aise» qui «pâlit» devant certaines questions ou refuse de répondre.
Les justifications de Mgr Gmür sont mieux reçues du côté de la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). Dans un éditorial, le journal zurichois regrette que l’affaire ne «laisse que des perdants». Il relève cependant le «dilemme» délicat auquel sont confrontés les responsables de l’Eglise, entre le devoir de protéger les victimes et la responsabilité de donner une seconde chance aux prêtres fautifs. La NZZ rappelle également les garde-fous posés par l’évêque de Bâle et le fait qu’il «n’a assurément pas pris sa décision [de laisser une chance à Stefan Küng, ndlr.] à la légère».
Du côté de l’opinion publique, la BaZ a déjà réalisé un sondage qui semble démontrer un faible soutien envers l’évêque. A la question «L’évêque connaissait les détails de l’agression sexuelle commise par le prêtre de Riehen Stefan Küng. Aurait-il dû intervenir pour empêcher son élection à la tête de la paroisse?» A la mi-journée, le 24 janvier 2019, 85% des internautes avaient répondu ‘oui’ et 15% ‘non’. RZ