L'Eglise s'engage encore davantage dans la lutte contre le trafic humain | © Blemished Paradise/Flickr/CC BY-SA 2.0
Vatican

Pour lutter contre le trafic humain, chacun doit «simplifier ses besoins»

La Section pour les migrants et réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral a publié le 17 janvier 2019 un document présentant les «orientations pastorales sur le trafic humain». L’objectif est de «planifier, établir, conduire et évaluer» les actions à mener pour lutter contre le fléau. Le document, disponible pour l’instant en anglais et italien, en appelle à la responsabilité de chacun.

«»Le pape François n’a jamais caché sa grande préoccupation face au phénomène de la traite des êtres humains, qui fait des millions de victimes»«, peut-on lire dans la préface du document. Le but est d’offrir un «cadre pour planifier, établir, conduire et évaluer» les actions de lutte contre le trafic humain. L’objectif immédiat est de libérer et réhabiliter les victimes, et sur le long terme de «démanteler et éradiquer cette entreprise mauvaise et pécheresse de déception, piège, domination et exploitation» (n.47).

Les plus vulnérables en victimes

La traite des personnes se manifeste de différentes manières et dans différentes situations: exploitation sexuelle, mariage forcé, esclavage, servitude, mendicité forcée, trafic d’organes, exploitation de la reproduction et autres formes d’abus et d’exploitation. La traite des personnes touche ainsi les personnes les plus vulnérables de la société. Ce problème «»très complexe»« en raison de la variété de ses formes et de l’hétérogénéité de ses victimes nécessite une approche multidisciplinaire. Quant à l’Eglise, elle a l’intention d’intervenir dans toutes les phases de la traite des êtres humains.

«Contrôler ses habitudes et freiner son appétit»

Le document propose d»«analyser la réalité de la traite et ses défis (n.16). Le tout afin de suggérer des réponses «»pouvant être mises en œuvre par des personnes et des organisations de bonne volont黫. Ces observations sont divisées en quatre sections: la raison de la traite et la raison de la persistance de la perversion de l’esclavage au 21e siècle, pourquoi la traite reste dans l’ombre, le fonctionnement de la traite et enfin ce qui peut être fait et comment on peut le faire mieux.

L»«une des raisons pour lesquelles cette traite demeure, affirme le document, est qu’elle est encouragée par la «»croissance de l’individualisme et de l’égocentrisme»« qui limitent l’autre à une perspective purement utilitaire. Si la famille humaine veut éliminer la traite, explique le texte, chacun doit «»simplifier ses besoins, contrôler ses habitudes et freiner son appétit»«. En effet, s»«il existe des victimes de la traite, «»c’est essentiellement parce que la demande est forte et que leur exploitation est rentable». Le document appelle à «»dépouiller le grand marché de ces services»«, citant notamment le cas de la pornographie sur internet.

Révéler les mécanismes d’exploitation

Selon ce document, le crime du trafic humain est facilement caché au sein des modèles d’affaires actuels et en particulier au sein «des labyrinthes de la chaîne d’approvisionnement». Il y a donc un «besoin urgent d’une évaluation éthique» de ces modèles pour révéler les mécanismes d’exploitation qu’ils cachent. De son côté, l’Eglise s’engage à promouvoir les modèles «qui permettent vraiment aux personnes et aux peuples d’accomplir le plan de Dieu pour l’humanité».

Tous les catholiques devraient s’engager pro-activement en ce sens. Ainsi, les chefs d’entreprise catholiques doivent mettre l’enseignement de l’Eglise en application, en procurant à leurs employés des conditions de vie décentes et une paye adéquate. Cette recommandation, précise le document, s’adresse également à tous les bureaux de l’Eglise et aux organisations catholiques. Plus largement, il est nécessaire de sensibiliser le public et le législateur. Ainsi, la loi doit assurer des contrats de travail dûment établis, sans clauses abusives et dûment respectés. Quant au public, il doit être conscient que «l’achat est toujours un acte moral, pas simplement économique» et comporte donc une «responsabilité social spécifique».

La lutte contre le trafic humain peut être améliorée

Pour la Section migrants et réfugiés, la barrière entre le trafic de migrants et le trafic humain est «toujours plus fine», et ceux qui sont clients du premiers sont souvent les victimes du second. Pour lutter contre le trafic humain, il est ainsi nécessaire «que personne ne se sente forcé de quitter sa terre natale» et donc de soutenir le «droit à rester». Si une personne vient quand même à migrer, il faut lui garantir des chemins sûrs et une information fiable. Quant aux familles, elles sont les premiers protecteurs contre l’exploitation.

La lutte contre le trafic humain peut être améliorer estime le dicastère. Si prévention, protection et poursuites sont les trois piliers habituels, le document en proposant un quatrième: «le partenariat». En effet, regrette-t-il, le manque de coopération – voire la concurrence – entre Etats rend souvent les politiques bien-intentionnées inefficaces. La coopération et la coordination sont en effet cruciales et fondamentales pour mettre fin au trafic humain. L’Eglise catholique peut elle aussi s’améliorer en collaborant plus au niveau des conférences épiscopales et avec les autres communautés chrétiennes.

Protéger, réhabiliter, réintégrer

En dernière partie, le document revient sur l’aide à apporter aux victimes du trafic humain. Celles-ci souffrent souvent de traumatismes aux niveaux physique, psychologique et spirituel. Mais il faut aussi prendre en compte qu’elles ont souvent besoin de payer des dettes, de trouver un foyer et d’apprendre un métier. Malheureusement, elles sont souvent négligées, rejetées, punies voire blâmées. L’aide consiste donc à «protéger, réhabiliter et réintégrer les victimes». Sans cela, le trafic humain ne sera pas démantelé et les blessures ne disparaîtront pas.

En vue de la réintégration des victimes, estime le document, les pays où elles se trouvent ont la responsabilité de leur offrir l’assistance nécessaire et une alternative à un renvoi dans leur pays d’origine. Celui-ci ne devrait jamais être obligatoire. Les coupables du trafic humain ne sont toutefois pas oubliés. Le document espère que le témoignage de foi donné par les croyants contribue à leur «conversion et réhabilitation». (cath.ch/imedia/xln/pad/rz)


Le trafic humain se «déroule sous nos yeux», alerte le Père Czerny       

Le document présentant les ‘orientations pastorales sur le trafic humain’ doit permettre «d’ouvrir les yeux» sur ce phénomène actuel et présent partout, y compris dans les sociétés occidentales, a expliqué le Père Michael Czerny, sous-secrétaire de la Section ‘migrants et réfugiés’ du Dicastère pour le service du développement humain intégral, le 17 janvier 2019.

Ces ‘orientations pastorales sur le trafic humain’ sont le premier document du Saint-Siège de la sorte à être dédié à cette problématique, a indiqué le Père Czerny. Selon ce dernier, le document d’une quarantaine de pages – approuvé par le pape François – est ainsi un premier pas pour prendre conscience de la réalité de ce fléau: il se «déroule sous nos yeux».

«Quand vous réalisez que ce que vous pensiez être un problème lointain arrive ici et maintenant, votre regard change», a insisté le Père Czerny. Et le document ne vise donc pas uniquement à alerter sur la situation mais veut aussi être force de proposition pour accompagner des politiques de lutte contre la traite humaine. «Nous avons une opportunité pour combattre» ce phénomène, a encouragé le responsable curial.


La prière à sainte Joséphine Bakhita

Le document publié par la Section ‘migrants et réfugiés’ se termine sur une prière à sainte Joséphine Bakhita (1869-1947). Née au Darfour, réduite en esclavage, elle arrive en Italie où elle rejoint les religieuses Filles de la charité canossiennes. Béatifiée en 1992, elle a été canonisée en 2000.

Père céleste, nous te remercions pour l’exemple inspirant de sainte Joséphine Bakhita.

Sainte Joséphine Bakhita, tu as été réduite en esclavage dans ton enfance ; tu as été achetée et vendue, tu as été traitée brutalement. Intercède, nous t’en supplions, pour tous ceux qui sont pris au piège du trafic et de l’esclavage. Que leurs ravisseurs les laissent partir et que ce mal soit effacé de la surface de la terre.

Sainte Joséphine Bakhita, une fois que tu as retrouvé ta liberté, tu n’as pas laissé tes souffrances définir ta vie. Tu as choisi un chemin de gentillesse et de générosité. Aide ceux qui sont aveuglés par la cupidité et la convoitise qui piétinent les droits de l’homme et la dignité de leurs frères et sœurs. Aide-les à sortir de leurs chaînes odieuses, redevenir pleinement humains et imiter ta gentillesse et ta générosité.

Chère sainte Joséphine Bakhita, ta liberté t’a attiré vers le Christ et son Eglise. Ensuite, Dieu t’a appelée à la vie religieuse en tant que sœur canossienne. Tu as pratiqué la grande charité, la miséricorde et la gentillesse joyeuse de ta vocation. Aide-nous à toujours être comme toi, surtout quand on se sent tenté de détourner le regard et de ne pas aider, de rejeter les autres ou même d’en abuser. Intercède pour nous afin que le Christ remplisse nos cœurs de joie comme Il a toujours rempli le tien.

O Dieu d’amour, répands ta lumière miséricordieuse dans notre monde troublé. Laisse-la affluer vers les ombres les plus sombres. Apporte le salut aux innocents qui souffrent d’abus commis par des pécheurs. Apporte la conversion aux âmes complètement perdues qui les retiennent captives et les exploitent. Donne-nous toute la force de grandir dans la vraie liberté d’amour pour Toi, les uns pour les autres et pour notre maison commune.

Amen.

L'Eglise s'engage encore davantage dans la lutte contre le trafic humain | © Blemished Paradise/Flickr/CC BY-SA 2.0
17 janvier 2019 | 14:48
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 6  min.
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