Faire preuve de prudence ne consiste pas à ne plus rencontrer l’autre, estime Mgr Duffé
La présence d’un représentant du Saint-Siège à la cérémonie d’investiture, le 10 janvier 2019, du très contesté président vénézuélien Nicolas Maduro, a suscité un certain nombre de critiques. Pour le Père Bruno Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le service du développement humain intégral, interrogé par I.MEDIA, «ce n’est pas parce que vous êtes quelque part que vous tombez d’accord avec ce qui s’y déroule».
Le Saint-Siège a-t-il bien fait de mandater un représentant à la cérémonie d’investiture du président du Venezuela Nicolás Maduro?
Père Bruno Marie Duffé: Ne pas y être revient à se retirer du lieu de la diplomatie qui est aussi celui de la rencontre. Y être au contraire, peut être considéré comme une caution. Pourtant, ce n’est pas parce que vous êtes quelque part que vous tombez d’accord avec ce qui s’y déroule. Ou alors il ne faut plus bouger. C’est donc faire un amalgame que de mêler la présence et la reconnaissance d’un acte. Evidemment il faut faire preuve de prudence. Mais celle-ci ne revient pas à ne plus rencontrer l’autre. C’est au contraire de savoir dans quelles conditions nous le rencontrons.
Dans le même ordre de choses, des représentants du Saint-Siège, de l’Etat italien et de la FAO vont assister, le 15 janvier 2019 à un spectacle de cirque cubain à Rome pour célébrer les 60 ans de la révolution socialiste cubaine. Comment concilier diplomatie et fermeté avec des régimes politiques discutables tels que Cuba?
Les relations diplomatiques sont toujours des relations complexes où se mêlent à la fois le respect de la souveraineté des Etats et les promesses et les possibilités de rapprochement entre ces derniers. La diplomatie peut et doit servir à cette juste articulation entre autonomie d’une nation et la paix. A cet égard, Cuba est devenue dans les dix dernières années un lieu de rencontre et peut le rester. Car cela signifie qu’il existe toujours une possibilité dans le cadre diplomatique de faire progresser des dossiers sensibles. De ce point de vue, les relations avec la Chine demeurent elles aussi déterminantes, malgré les incidences en matière de paix mondiale et en ce qui concerne les croyants sur place.
Donald Trump a comparé il y a quelques temps son projet de mur avec le Mexique à la muraille qui entoure le Vatican. Au fond, quelle est la différence entre le mur du Vatican et celui voulu par le président américain?
Posons nous la question de la frontière, est-ce le lieu de la rencontre ou du refus ? Ce sont deux postures très différentes. Il est clair que nous vivons un contexte européen où les frontières se sont effacées et où la rencontre s’est faite de manière rapide et a sans doute effacé certains repères. Mais si les frontières sont là pour nous rencontrer dans de bonnes conditions, alors je suis favorable aux frontières. Le mur de Donald Trump vise plutôt à contenir définitivement les mouvements de population. Tandis qu’à la frontière du Vatican, le Saint-Père a organisé de manière très précise un accueil pour les sans-abri chaque soir, parmi lesquels figurent de nombreux migrants ! Il faut donc s’interroger sur le projet de séparation : vise-t-il à ne pas vouloir considérer l’autre, l’expulser et le tenir à distance, ou est-ce que la séparation est conçue afin de ne pas entraver les élans de solidarité ? (cath.ch/imedia/ah/mp)