Le Père Vignon dénonce une sanction personnelle du cardinal Barbarin

Le Père Pierre Vignon est revenu longuement le 5 novembre 2018  sur son éviction comme juge de l’Officialité interdiocésaine de Lyon-Clermont. Dans un argumentaire mêlant éléments juridiques et politiques, il dénonce le cardinal Barbarin comme l’auteur principal sinon unique de la ‘sanction’ qui le frappe.

Après avoir demandé publiquement cet été la démission du cardinal Barbarin, suite aux scandales de pédophilie dans l’Eglise, le Père Pierre Vignon n’a pas été reconduit dans ses fonctions de juge auprès de l’officialité interdiocésaine de Lyon. Cette décision épiscopale suscite de nombreux remous. Une pétition a été lancée pour exiger sa réhabilitation.

«J’ai lu ici ou là que mon retrait d’office ne serait pas une sanction. C’est un mensonge car c’est bien ainsi que cela m’a été présenté par deux fois, c’est-à-dire comme une éventualité qui aurait été censée m’impressionner pour m’inviter au silence», écrit le Père Vignon.

Pour le prêtre du diocèse de Valence la décision qui le concerne est arbitraire et ne peut avoir aucun effet canonique puisqu’elle est entachée d’un grave défaut de forme. Il pointe deux éléments. Le premier est le principe de la non-rétroactivité de la loi après un changement de règlement. «Il aurait fallu, pour que mon retrait d’office soit légitime, qu’il me soit signifié et motivé selon les anciens statuts par les mêmes instances qui avaient procédé à ma nomination en 2002.»

Un fait du prince qui ne respecte pas le droit de l’Eglise

Le deuxième élément concerne le fait que les douze évêques qui constituent les provinces de Lyon et de Clermont n’auraient pas été au courant de la mesure prise et n’auraient pas eu l’occasion de donner leur avis. Dès lors le prêtre dénonce «un fait du prince (le cardinal Barbarin, ndlr) qui n’a pas respecté les règles de droit en vigueur dans l’Eglise.»

Au reproche de l’impossibilité d’être juge et partie, le Père rappelle que «cela ne peut pas me concerner puisque je ne suis intervenu dans aucun dossier où serait impliqué le cardinal Philippe Barbarin ou Bernard Preynat» (le prêtre lyonnais accusé de pédophilie, ndlr).

Selon l’ex-juge, c’est bien le cardinal Barabrin qui se trouve dans ce cas, en tant que modérateur de l’officialité. «Les pouvoirs d’un évêque catholique sont exécutifs, législatifs et judiciaires en même temps», relève-t-il. Il conteste également être tenu à un devoir de réserve à l’instar d’un magistrat. «C’est oublier qu’un magistrat a le droit de s’exprimer sinon le Syndicat de la Magistrature serait illégal. Le devoir de réserve concerne les affaires évoquées dans les dossiers qu’il a à traiter.»

Des responsables d’Eglise hors des réalités

Le prêtre déplore aussi l’inélégance du procédé. «Après 25 ans de présence dans le service de l’officialité, […] j’aurais aimé ne pas être maltraité par une décision si brutale. Puisqu’il apparaît qu’elle a été prise sans la consultation régulière des évêques, il est évident aux yeux de tous qu’elle était destinée seulement à me faire taire.»

Le Père Vignon étend ses reproches à Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêque de France, qui a expliqué qu’une fois que le lien de confiance a été rompu, on peut comprendre qu’une telle décision soit prise. «Faut-il comprendre par là qu’un prêtre qui fait son devoir ne mérite pas confiance alors que la question ne se pose pas pour un prêtre délinquant? Face à la désinvolture de ces responsables d’Eglise qui donnent à tous l’impression d’être ainsi hors de la réalité et du sens commun, on est en droit de s’interroger s’il n’y aurait pas plutôt une erreur de casting à leur sujet», conclut-il.  (cath.ch/com/mp)

 

8 novembre 2018 | 15:28
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 3  min.
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