«Rien dans l'Evangile ne peut soutenir l'interdiction de la mendicité»
En vigueur depuis le 1er novembre 2018 dans le canton de Vaud, la loi d’interdiction de la mendicité interroge. «Rien dans l’Evangile ne peut soutenir l’interdiction de la mendicité», affirme Pascal Bregnard, responsable du Département solidarité de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud.
«Ethiquement parlant, le croyant que je suis ne trouve aucun argument pour soutenir une interdiction de la mendicité», se désole Pascal Bregnard. «L’Evangile nous invite plutôt à un regard de miséricorde et de compassion envers les plus pauvres… et les Roms en font partie», précise-t-il, en citant le passable biblique de Matthieu: «Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli […] chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait [Mt 25, 31-46].»
«Je préfère mendier, plutôt que voler !»
A Lausanne, environ 250 personnes ont manifesté le 1er novembre contre l’entrée en vigueur de cette loi. «Je vais continuer à mendier, car je préfère encore mendier que voler!», confiait un Rom à Pascal Bregnard, soucieux d’afficher ses valeurs morales. Dorénavant, vol et mendicité seront tous deux condamnables. «A titre personnel, poursuit l’agent pastoral, je continuerai de donner aux mendiants que je croiserai. Car la loi ne punit pas les donneurs. Mais en tant que citoyen, je sens réduit dans ma liberté de pouvoir donner ou non.»
Jamais Pascal Bregnard ne pourrait cautionner une action qui favorise les réseaux mafieux exploitant les Roms. S’il se montre généreux, c’est parce qu’il peut s’appuyer sur des récentes études de sociologie [René Knüsel et Jean-Pierre Tabin] prouvant que, derrière les mendiants, il n’y a aucune trace de réseaux mafieux dans le canton de Vaud. «Les Roms sont certes organisés de manière patriarcale, comme nous l’étions encore il y a quelque décennies, mais on sait que, dans le canton, il n’y a pas de business mafieux qui contrôlent leurs recettes», pointant l’inefficacité de l’argument de la loi prévoyant également de punir les personnes qui exploitent un réseau de mendicité.
«En leur interdisant de mendier, on les prive de leur seule porte de sortie», défend le responsable du Département solidarité de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud. «En les empêchant de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, on leur interdit de vivre en quelque sorte. Alors que leur vie n’est pas moins légitime que la nôtre. Toute vie n’est pas simple, mais elle mérite d’être vécue. Et tous les chrétiens, qui ont la chance de se frotter à eux, font une expérience spirituelle d’un Christ qui s’est lui-même dépouillé.»
Des solutions?
Pascal Bregnard reconnaît qu’il n’y pas de solutions et de moyens actuellement pour aider les quelque 150 Roms concernés par la nouvelle loi. Depuis plusieurs années, un projet de «scolarisation des enfants roms» est en place et il soutient une petite dizaine d’enfants. L’école publique lausannoise également scolarise des enfants roms, pour autant qu’ils aient un toit. Personnes de peut toutefois dire si la loi va contribuer à faire disparaître ces enfants du circuit. A noter que plusieurs projets d’ébergement en région lausannoise sont en place – pour les personnes précarisées en général – et ils continueront à l’être. Pour Pascal Bregnard, le Département solidarité est et restera un secteur prioritaire de l’Eglise, pour laquelle la diaconie est un impératif évangélique. (cath.ch/gr)
Opposée à la loi d’interdiction de la mendicité, la communauté Sant’Egidio dédie sa prière hebdomadaire aux personnes de la rue et aux mendiants, le 3 novembre 2018, à 19h15 à la chapelle du Cénacle de Notre-Dame, à Lausanne. La communauté invite les citoyens qui le souhaite à la contacter: en proposant un emploi (même temporaire), en soutenant la scolarité d’enfants roms, en proposant un abri contre le froid, en finançant des bons pour les hébergements d’urgence, en offrant des bons pour de la nourriture dans les supermarchés, en participant à un groupe d’accompagnement, ou en créant une chaîne de prière.