Les jeunes d'Albi veulent avoir leur place dans l'Eglise
Qu’attendent les jeunes catholiques de leur Eglise? Le synode sur les jeunes, qui s’est terminé le 28 octobre 2018, les a encouragés à faire entendre leur voix. Réflexions de jeunes du diocèse d’Albi, au sud-ouest de la France, arrivés à Rome quelques jours avant les conclusions de la réunion des évêques.
La table du grand appartement du quartier romain du Trastevere se couvre de chips de biscuits salés et de tranches de saucisson typique de la région d’Albi. Soirée particulière pour les jeunes pèlerins du diocèse du sud-ouest de la France: ils fêtent le diplôme d’infirmière d’Isabelle, l’une des participantes.
La dizaine de pèlerins sont des jeunes normalement déjà entrés dans la vie active. Agés entre 20 et 35 ans, ils sont dans une période clé de leur engagement dans la société et dans la vie de l’Eglise. Une participation qu’ils ont déjà mise en pratique en organisant eux-mêmes une bonne partie du pèlerinage à Rome. «C’est important de faire les choses ‘avec’ eux et non pas ‘pour’ eux», commente Laurence Boher, coordinatrice du service de la pastorale des jeunes du diocèse d’Albi.
Pas de prêtres en perspective
Au départ un peu intimidés, les «jeunes pros» se détendent rapidement et enchaînent les réflexions et anecdotes sur leur voyage et leurs expériences en Eglise.
«Pour nous, c’était d’abord important de participer à un événement de l’Eglise universelle», lance Brice avec un accent marqué du sud-ouest. Il leur tenait à cœur de vivre sur place l’effervescence intellectuelle et spirituelle du synode. Des discussions qui, en tant que jeunes en recherche de leur vocation chrétienne, les intéressent particulièrement.
«Le mélange c’est ce qui fait la beauté de l’Eglise universelle»
Un rire général éclate lorsque la voie sacerdotale est évoquée. La prêtrise ne paraît envisageable à aucun membre du groupe. Plusieurs filles se préparent au sacrement du mariage. Les jeunes du Tarn admettent qu’ils ne sont peut-être pas représentatifs des jeunes catholiques de France et qu’ils connaissent quelques camarades s’étant engagés dans cette voie. Mais leur rire est sans doute révélateur d’une perspective de prêtrise devenue pour beaucoup inconcevable. Ils estiment qu’une éventuelle possibilité pour les prêtres de se marier ne changerait rien à leur orientation, ni au manque de vocations dans ce domaine. «Les séminaristes que je connais ne se sont jamais posé la question du mariage», commente Brice. Ils imaginent mal qu’un prêtre puisse conjuguer une vie de famille convenable avec un travail pastoral extrêmement exigeant.
Choc des générations
S’ils n’envisagent pas de servir par la prêtrise, les jeunes Français s’engagent néanmoins pleinement dans d’autres secteurs. Certains accompagnent les malades à Lourdes, d’autres font du bénévolat pour les personnes âgées. Ils aspirent à être directement utiles autour d’eux. Des services qu’ils voudraient rendre également au sein de leur communauté paroissiale. Mais sur ce point, doutes et frustrations émanent des discussions. Ils peinent à trouver leur place au sein de leur communauté. Le son de cloche général est qu’ils se sentent souvent des paroissiens de «seconde zone».
Max, qui travaille dans les métiers du bois, évoque une génération de fidèles «bien en place», qui se méfie parfois des jeunes et de la nouveauté qu’ils apportent. Pas moyen de faire accepter aux «anciens» un nouveau chant pour la messe ou des activités qui sortent de l’ordinaire. «Les personnes proches de la retraite ne veulent souvent pas se défaire de leurs habitudes et cela prend des années pour faire bouger les choses», affirme Mathilde, qui débute dans l’enseignement. Ils ne veulent pourtant aucunement prendre la place de l’ancienne génération, désirant plutôt abattre les «cloisons» entre jeunes et vieux. «Le mélange c’est ce qui fait la beauté de l’Eglise universelle», lance Emilie.
Pour des évêques «relais du vent synodal»
Les «jeunes pros» regrettent aussi le manque d’information dans certaines paroisses sur les possibilités d’engagement ou de dialogue sur la foi. «On arrive dans l’église et on ne trouve pas un flyer ou un panneau pour nous renseigner», déplore Emilie. «On veut avoir notre place, mais aussi pouvoir être suivi, assure Isabelle, la jeune infirmière diplômée. On ne ressent pas qu’on recherche notre participation».
Les jeunes du diocèse d’Albi espèrent donc que le synode pourra faire évoluer les mentalités et ouvrir plus de champ aux jeunes, que ce soit au niveau local, diocésain, national, ou de l’Eglise universelle. Des initiatives pointent déjà dans le groupe. Max imagine fédérer les jeunes de petites paroisses, afin qu’ils aient plus de poids.
Tous souhaitent en tout cas que les évêques de France s’inspirent du synode pour faire bouger les lignes. Qu’ils soient des «relais du vent synodal», commente Laurence Boher.
Impulsion générale
L’idée d’une représentation des jeunes au niveau du Saint-Siège provoque une approbation générale. «A condition que des jeunes, de cultures différentes, puissent y participer», précise Mathilde. Une attente qui semble s’être concrétisée puisque le document final du synode, rendu public le 27 octobre, mentionne un organisme de représentativité des jeunes du monde entier, qui serait intégré au Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.
Les jeunes du diocèse d’Albi fourmillent d’initiatives. Ils voudraient notamment agir sur les célébrations «Davantage de jeunes viendraient à la messe s’ils la comprenaient plus», lance Mathilde. Elle souhaiterait une plus grande interactivité entre les prêtres et les paroissiens.
«S’affirmer en tant que chrétien»
La jeune Tarnaise a de l’espoir dans la génération montante de catholiques, peut-être plus ouverte, plus expressive qu’eux ne le sont. Elle espère que le synode provoquera une impulsion générale des jeunes pour qu’ils «prennent leurs destinée à bras le corps». Selon son expérience, l’émulation peut jouer un rôle. «Lorsqu’on a commencé à faire des choses, on vu venir des jeunes que l’on avait jamais vu auparavant».
Sortir de la torpeur
Plusieurs pèlerins espèrent aussi que le synode encouragera les jeunes à s’affirmer en tant que chrétien, dans un environnement où ce n’est pas toujours bien vu. Des filles du groupe notent que le fait de se déclarer catholiques provoquent autour d’elles «des sourires pas toujours bienveillants». «Il est important que les jeunes catholiques à présent se mobilisent et sortent de leur torpeur», souligne Mathilde.
Suite à la discussion, des bouteilles de jus de fruit et de vin blanc s’ouvrent pour saluer le saut d’Isabelle dans la vie active. A l’instar de ses camarades de pèlerinage, ce n’est que le début de son chemin pour apporter à la société et à l’Eglise l’audace et le dynamisme de sa jeunesse. (cath.ch/rz)