Un synode pour développer avant tout le «style synodal» de l'Eglise
Après plus de trois semaines de travail, les Pères synodaux ont voté le document final du synode sur ‘les jeunes, la foi et le discernement vocationnel’, le 27 octobre 2018. S’il ne répond pas directement aux attentes suscitées par le synode, ce document propose une conversion du rapport aux structures ecclésiales. Analyse.
Pour le pape François lui-même, le document final est «précieux et utile», mais n’est pas le «premier fruit» du synode sur ‘les jeunes, la foi et le discernement vocationnel’. Comme il le reconnaissait juste après le vote, il s’agit in fine d’un nouveau document publié par l’Eglise, comme de nombreux autres chaque année. De plus, ce document est long – 55 pages, 167 paragraphes – aride, et pas toujours très bien articulé. Un Père synodal s’inquiétait avant le vote d’un document «catalogue IKEA», et ces craintes se sont – au moins en partie – concrétisées.
Une lettre qui propose plus l’Eglise que le Christ
Bien conscients que peu de personnes liraient ce document final, les membres de l’assemblée synodale ont décidé de l’accompagner d’une lettre des Pères synodaux adressée aux jeunes du monde entier. Rédigée dans la douleur – les Pères synodaux ont massivement critiqué la première version qui leur avait été présentée – cette missive est courte, forte et profonde. Toutefois, elle ne satisfait pas pleinement non plus. Selon un jeune participant au pré-synode du mois de mars, cette lettre semble «plus proposer l’Eglise que le Christ».
Force est aussi de reconnaître que si ce synode avait suscité des attentes, celles-ci n’étaient pas forcément légitimes. De nombreuses personnes attendaient des ‘annonces’, mais le sujet du synode n’était pas doctrinal, aucune évolution majeure ne pouvait avoir lieu. De nombreux jeunes attendaient des ‘mesures’ en leur faveur, mais deux obstacles s’opposaient à cela. Tout d’abord, il est extrêmement difficile de décider d’actions pour une Eglise universelle, avec des jeunes aux situations et aux attentes totalement différentes. Et de plus, le synode visait à trouver comment l’Eglise doit s’adresser aux jeunes et les impliquer, non pas décider d’une façon mondiale de le faire.
Un véritable mea culpa
Le synode n’est donc pas un échec, c’est simplement que les attentes ne correspondaient pas à sa réalité: une assemblée d’évêques qui remet un document de propositions au pape. Et sous ce regard, le synode sur les jeunes représente une avancée certaine. Tout d’abord, son document final est un véritable mea culpa de l’Eglise et de sa hiérarchie. Trop souvent les jeunes ont délaissé l’Eglise, admet le document, car ils n’y ont pas trouvé la sainteté «mais la médiocrité, la vanité, la division et la corruption».
La réponse est donc simple: «nous devons être saints pour pouvoir inviter les jeunes à le devenir». Et pour cela, un changement des cœurs est nécessaire tout comme une conversion du rapport aux structures ecclésiales. Tel est le»premier fruit» du synode selon le pape François: une Eglise au «style synodal», c’est-à-dire où des croyants se sont réunis en s’écoutant véritablement, pour discerner ensemble des voies à explorer et, enfin, choisir ces propositions. Ayant vécu cette expérience à Rome, les Pères synodaux doivent désormais la répliquer dans leurs communautés locales. C’est en tout cas ce que leur demande le pape.
Tous impliqués dans la vie de l’Eglise
Pour cela, le document final du synode apporte des propositions. Il ne faut pas faire «pour» les jeunes, mais «vivre en communion avec eux». C’est-à-dire qu’ils soient plus impliqués – et non seulement concernés – dans la vie de l’Eglise, dont ils sont enfants, au même titre que les prêtres ou les évêques. Nécessité qui ne concerne d’ailleurs pas que les jeunes, mais l’ensemble des laïcs. Tous y seraient gagnants, estiment les Pères synodaux: les laïcs auraient une participation plus active à la vie de l’Eglise, tandis que les prêtres pourraient se recentrer sur leur ministère sacerdotal et la pastorale.
Si les laïcs doivent être plus impliqués dans la mission de l’Eglise, les mots des Pères synodaux sont encore plus forts lorsqu’ils parlent des femmes – laïques ou religieuses. L’Eglise ne pourra pas ne pas réfléchir la «condition et le rôle des femmes» en son sein, souligne clairement le document final. Avant d’expliciter plus encore: les femmes doivent être présentes à «tous les niveaux» de l’Eglise, y compris aux «fonctions de responsabilité». Ce qui demande une indispensable et «courageuse conversion culturelle et un changement dans la pratique pastorale quotidienne».
Ce synode n’était donc pas celui de propositions concrètes à mettre partout en place dans le monde pour atteindre plus facilement les jeunes. Et réalité, comme l’estimait déjà l’archevêque italien Mgr Bruno Forte dès le 11 octobre, il s’agissait plutôt d’imaginer «l’Eglise du futur». Une Eglise mère donc, où chacun des enfants est appelé à jouer un rôle et à faire grandir ses frères et sœurs dans la foi. C’est la promesse des Pères synodaux aux jeunes, les invitant ainsi à y prendre toute la place qui leur est due. (cath.ch/imedia/xln/gr)