Suisse: les juifs rejettent l’initiative antimusulmane de l'UDC Jean-Luc Addor
Les juifs suisses rejettent l’initiative parlementaire antimusulmane de Jean-Luc Addor. Le conseiller national UDC valaisan exige qu’il n’y ait pas d’aumôniers musulmans dans l’armée suisse et que la loi fédérale sur l’armée (LAAM) stipule expressément que seuls les aumôniers chrétiens puissent être admis à cette fonction. Les musulmans et les juifs en seraient de jure exclus.
La Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) et la Plateforme des Juifs Libéraux de Suisse (PJLS) voient dans cette initiative «une violation de la liberté religieuse et de la liberté de choix qui doivent prévaloir pour l’aumônerie de l’armée». Dans un communiqué commun, les deux organisations estiment que toute personne qui, servant dans l’armée, traverse une crise personnelle, devrait avoir le droit de consulter un aumônier de sa propre religion. «Il est important pour une personne croyante de pouvoir échanger et trouver conseil et consolation auprès d’un religieux de même confession qu’elle, surtout dans des périodes de grande détresse».
Violation de la liberté religieuse
Affirmant que «la Suisse est un pays aux racines chrétiennes, [que] sa Constitution le proclame, son hymne le chante, son drapeau l’illustre», l’UDC valaisan veut que l’article 31 de la LAAM soit complété par une disposition précisant que l’assistance spirituelle mise à disposition des militaires soit confiée exclusivement à des aumôniers protestants, catholiques romains et catholiques chrétiens.
Même si l’armée suisse ne compte actuellement que des aumôniers chrétiens, notent la FSCI et la PJLS, «il importe de faire barrage avec fermeté à toute tentative de faire inscrire dans la loi une interdiction excluant les aumôniers d’autres appartenances religieuses, ne serait-ce qu’au nom de la liberté religieuse garantie par la Constitution. Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il faut qu’ils continuent à l’être également devant la loi sur l’armée. Toute personne servant dans l’armée doit avoir le droit et la possibilité de faire appel à un aumônier de sa religion».
Addor convoque l’histoire
Dans son argumentation en faveur de l’exclusion des autres religions de l’aumônerie militaire, Addor convoque l’histoire, celle des «soldats confédérés [qui] ont bénéficié de l’assistance spirituelle d’aumôniers chrétiens tels que le cardinal Mathieu Schiner et le réformateur Zwingli». Il relève, en citant un document de l’Etat-major de conduite de l’armée, qu’»en dépit de sa nomination par les autorités étatiques, l’aumônier doit partir du principe que sa mission lui est confiée en dernier lieu par l’Eglise à laquelle il appartient. Il doit donc obéir aux ordonnances de son Eglise».
Le parlementaire UDC affirme que ce mode de faire ne pose aucun problème avec les aumôniers issus des trois Eglises chrétiennes, mais qu’il n’en va pas de même pour l’assistance spirituelle aux militaires musulmans.
Une religion sans Eglise ni clergé
«En effet, aux ordonnances de quelle ‘Eglise’ un aumônier militaire musulman, adepte d’une religion sans Eglise ni clergé, devrait-il obéir? A celles de la Fédération d’organisations islamiques de Suisse, de la Ligue des musulmans de Suisse ou encore du Conseil central islamique suisse (mais nul ne peut nous assurer qu’ils ne soient pas financés par l’étranger)? Ou alors à celles de la Ligue islamique mondiale ou d’autres organisations islamiques étrangères?»
«La difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, de répondre à cette question de façon satisfaisante rend illusoires les velléités, liées à l’augmentation constante de l’effectif des militaires musulmans, d’incorporer des imams dans notre armée», assure-t-il.
Propagande pour le jihad ?
Et de se faire alarmiste: «Pensons en outre au risque que la présence d’éventuels aumôniers musulmans transforme notre armée en un foyer de prosélytisme islamique, voire de recrutement de soldats du djihad». A part l’UDC, les autres partis politiques ont vivement déploré cette volonté discriminatoire et rappelé que tous les Suisses sont égaux devant la loi.
Rappelons que Jean-Luc Addor, avocat et ancien juge, n’en est pas à sa première «action d’éclat»: il a été condamné, le 17 août 2017, pour discrimination raciale par le tribunal du district de Sion. (cath.ch/fsci/be)