Aude a rejoint Mossoul pour venir en aide au victimes de l'Etat islamique | DR
Suisse

Prix Farel: Quand Dieu appelle au front

Julien Goudichaud présentait vendredi 26 octobre 2018 L’appel au Prix Farel, festival du film religieux à Neuchâtel. Un documentaire en immersion auprès d’une secouriste chrétienne à Mossoul durant les semaines qui précèdent sa libération. Et l’occasion, pour le jeune réalisateur, de se confronter à ce conflit qui le «fascine».

Pourquoi et comment Aude, la trentaine et la foi chevillée au corps, est-elle arrivée là? Tout tient en un mot: «appel». Une injonction venue d’en haut qui lui demande d’aller porter secours aux victimes de l’Etat islamique en Irak. Et voilà la trentenaire française sous le feu et la cendre, consolant, soignant, accompagnant les hommes et les femmes qui sortent exsangues de l’enfer.

Le documentaire réalisé par Julien Goudichaud et Hélène Renaux retranscrit quelque chose de ces mois d’engagement sans repos. Jusqu’à ce que le corps craque et que la trentenaire retourne en France pour reprendre des forces et témoigner de son expérience dans une Eglise baptiste avant de s’envoler à nouveau pour l’Irak.

Réticences

«Impossible de trouver une boite de production prête à prendre le risque de nous envoyer au front», confie Julien. Qu’à cela ne tienne, Hélène Renaux et lui s’envolent pour l’Irak sans autre projet que de filmer ce dont ils seront les témoins.

«Nous avons pris contact avec des fixeurs dont le métier est d’orienter les journalistes sur place. Nous les avons en quelque sorte ‘castés’, jusqu’à ce que l’un d’eux nous parle d’Aude». Avec l’accord de Celui qui l’appelle, elle accepte ces deux reporters dans sa mission de tous les jours qui consiste – entre autres – à récupérer des corps en évitant les tirs des snipers, prodiguer les premiers soins aux blessés, identifier les combattants de Daech qui tentent de fuir en intégrant le flot des civils.

«Soit je me fais exploser auprès de l’une de ces femmes et je vais au paradis, soit j’ai perdu ma journée à contrôler des personnes qui ne représentent aucun danger», explique-t-elle à la caméra qui immortalise un contrôle de routine.


Bande-annonce : L'appel de Hélène Renaux et Julien Goudichaud

Aude œuvre en tant que secouriste auprès des blessés irakiens, victimes de la guerre entre l’armée irakienne et les djihadistes. « L'appel », un documentaire à découvrir le dimanche 1er avril à 12h20 dans Le Jour Du Seigneur.

Gepostet von Le Jour du Seigneur am Freitag, 23. März 2018


Bonté radicale

Cette foi sans détour rend la protagoniste presque inaccessible, un bloc de marbre accomplissant sans broncher la volonté divine. «Je ne suis pas tout à fait de cet avis, je crois qu’elle s’est livrée durant le tournage, tempère Julien. Sa radicalité interpelle – moi le premier. En voyant le reportage, certains ont même comparé la radicalité d’Aude à celle des terroristes. Pourquoi pas, mais il ne faut pas oublier qu’elle est orientée complètement différemment. Il s’agit pour elle de faire le bien».

De retour en France, les dizaines d’heures de rushs intéressent Le Jour du Seigneur. L’émission catholique du dimanche sur France 2 a assuré une partie de la production et diffusait le reportage le 1er avril dernier, dimanche de Pâques.

L’expérience n’a pas laissé Julien indemne. «Au milieu des tirs, des bruits d’explosion et des blessés, on se blinde un peu. Le soir, les discussions tournent autour de ce que l’on a filmé la journée, ça en devient presque normal. Notre seuil de tolérance face à la violence se modifie». De retour à Paris, il faut se désintoxiquer. «J’ai fait beaucoup de vélo».

Qu’il s’agisse de l’Irak ou de la foi d’Aude, l’expérience lui aura permis de découvrir des univers inconnus. Et même présenter son film lors du Prix Farel de Neuchâtel. «Je n’aurais jamais pensé être un jour dans un festival comme celui-ci», s’étonne Julien. Une belle récompense pour ce jeune réalisateur qui a l’audace de ne pas attendre que tous les signaux soient au vert pour emmener sa caméra là où elle l’appelle. (cath.ch/pp)


Le Prix Farel

Depuis 1967, le Prix Farel met en compétition des documentaires, des reportages ou des fictions traitant des questionnements existentiels et spirituels, des problématiques religieuses ainsi que des défis éthiques contemporains. Le festival permet également aux professionnels, spécialistes ou non de ces thématiques et venant principalement des pays francophones, de se rencontrer et de confronter leurs expériences. La 51e édition du prix se déroule au cinéma Bio de Neuchâtel du 26 au 28 octobre 2018.

Aude a rejoint Mossoul pour venir en aide au victimes de l'Etat islamique | DR
27 octobre 2018 | 10:27
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 3  min.
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