'La joie de prêcher' selon l'abbé Amherdt
Pour l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale à l’Université de Fribourg, l’homélie reste encore trop souvent le parent pauvre de la liturgie. «Les fidèles comme les ministres ordonnés eux-mêmes, souffrent souvent, les uns d’écouter, les autres de prêcher», comme le déplore le pape François. Fort de sa longue expérience d’enseignant, il propose un petit manuel sur La joie de prêcher.
Dans un nouveau manuel de la collection Perspectives pastorales, l’abbé Amherdt apporte ses réflexions, son expérience de professeur et de prédicateur et de très nombreuses suggestions pratiques. L’ouvrage très didactique, de près de 300 pages, aborde aussi bien le contenu et la forme de la prédication que les attitudes du prédicateur.
Comment expliquez-vous que la prédication soit un parent pauvre de la recherche et de l’enseignement théologique?
François-Xavier Amherdt: C’est assez surprenant, car seule la tradition catholique francophone souffre de ce désamour. Dans les autres aires linguistiques catholiques, anglo-saxonne ou italienne, par exemple, comme dans la recherche protestante en français, les publications sont beaucoup plus nombreuses.
«Le ‘sermon’ catholique a été perçu parfois comme moralisateur et doctrinal»
D’une part, il faut reconnaître que nos frères réformés ont toujours mis davantage l’accent sur la place de la Parole de Dieu et de la prédication dans le culte. D’autre part, c’est peut-être dû à un certain désintérêt pour le ‘sermon’ catholique, perçu parfois comme moralisateur et doctrinal. Il suffit de penser à cet ouvrage de théologiens lyonnais paru en 1998 sous le titre Si vous vous ennuyez pendant le sermon et rédigé à partir d’une enquête parmi les fidèles.
Dans Evangelii gaudium , le pape François qualifie de ‘malhonnête et irresponsable’ un prédicateur qui ne se prépare pas. Partagez-vous cette sévérité?
Ce n’est fort heureusement pas la ‘pointe’ des deux grands chapitres que le pape consacre à l’homélie dans son exhortation La joie de l’Évangile. Il définit ainsi le rôle de la prédication: «permettre à chaque auditeur de continuer sa conversation avec le Seigneur. S’il est aussi ‘sévère’, c’est précisément parce qu’il croit à l’importance de l’homélie. La préparation fait donc partie du «devoir d’état» d’un prédicateur, qu’il soit diacre, prêtre ou… évêque. Et également laïc, pour toutes les célébrations non-eucharistiques comme les funérailles, les liturgies de la Parole dans les aumôneries d’écoles, d’hôpitaux, de homes, etc.
Vous expliquez que le prédicateur ressemble à l’artiste ou au poète.
Il doit chercher le langage qui sonne juste, soigner la construction de son discours, trouver l’image ou la métaphore qui conviennent. Un peu comme un sculpteur qui enlève petit à petit de la pierre jusqu’à ce que la figure apparaisse. Je crois beaucoup aux qualités d’expressivité, de créativité et de profondeur, mais aussi de sobriété et de brièveté, de manière à ce que la foi des auditeurs soit nourrie, leur chemin de vie éclairé et leur espérance ravivée. La prédication est un art, et comme tout art, elle se cultive.
«Je lance une invitation aux prédicateurs à se laisser brûler au fer rouge par cette Parole»
Comment?
Il s’agit d’une part de contempler dans le silence de l’oraison, de la prière et de la méditation les textes que la liturgie nous propose chaque dimanche et chaque jour, pour ensuite transmettre le fruit de sa contemplation aux assemblées. Puis de connaître la langue maternelle du peuple de Dieu d’aujourd’hui, dans la diversité de sa composition, afin de répondre aux questions existentielles qu’il se pose.
Votre titre «la joie de prêcher» semble plutôt en contradiction avec l’expérience des prédicateurs et des fidèles. Quels outils et conseils principaux préconisez-vous pour retrouver ce plaisir?
Le pape François prêche par l’exemple. Il nous donne envie de nous laisser toucher par la Bonne Nouvelle, parce qu’il en vit lui-même de manière cohérente et authentique. Et il ose une parole simple, forte et claire, parce que le Christ veut continuer de s’entretenir avec chacun et que la Bible livre un message plus actuel et prophétique que jamais.
Au-delà des ‘recettes’ du manuel, je lance surtout une invitation aux prédicateurs, y compris moi-même, à se laisser brûler au fer rouge par cette Parole qui n’a pas fini de nous surprendre. Il faut se donner le temps nécessaire pour passer de l’étude et de la «rumination» des passages à la rédaction de l’homélie et à sa mémorisation. Et surtout aimer nos assemblées pour avoir le goût de leur partager nos découvertes spirituelles. De temps en temps, il vaut la peine de préparer l’homélie dans un groupe, de prière, de partage biblique, ou dans l’équipe pastorale. Il vaut aussi la peine de solliciter des échos de collègues ou de fidèles, afin de progresser. En prédication comme en tout art, qui n’avance pas recule.
Vous donnez le cours d’homilétique à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Comment procédez-vous?
Grâce à des exercices pratiques, prédications préparées en commun, textes travaillés, enregistrements vidéo analysés, les séminaristes et les agents pastoraux sont à même d’acquérir un certain nombre de compétences qui pourront leur être utiles tout au long de leur ministère. Mais bien sûr que des formations permanentes et les échos des auditeurs doivent approfondir et étoffer ce bagage initial de base. (cath.ch/mp)
François-Xavier Amherdt: La joie de prêcher Petit manuel, St-Maurice 2018, 288 p, Editions St-Augustin, collection Perspectives pastorales no 10