Le Patriarcat de Constantinople reconnaît l'indépendance de l'Eglise orthodoxe ukrainienne
La séparation de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine a été approuvée, le 11 octobre 2018, par le Patriarcat œcuménique de Constantinople. La décision provoque la colère du Patriarcat de Moscou.
L’indépendance de l’Eglise ukrainienne a été acceptée suite à une réunion de deux jours du Saint-Synode, au Phanar, le siège du Patriarcat grec à Istanbul, rapporte le quotidien turc Hürriyet. L’assemblée a également décidé de rétablir dans sa fonction hiérarchique le patriarche Philarète Denisenko, patriarche de l’Église orthodoxe d’Ukraine (liée au Patriarcat de Kiev), après avoir examiné un appel qu’il avait présenté contre son excommunication par Moscou, en 1991.
L’Eglise orthodoxe russe a réagi de manière très forte, qualifiant la décision de Constantinople de «catastrophique» pour elle-même et pour le monde orthodoxe. Le porte-parole du Patriarcat de Moscou, Alexander Volkov, a affirmé à la télévision que «le Patriarcat de Constantinople avait franchi la ligne rouge». Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du département des relations extérieures de l’Église orthodoxe russe, a parlé d’un «acte illicite» de la part du Patriarcat oecuménique, rapporte le site francophone orthodoxie.com.
Implications politiques
La Russie s’oppose depuis toujours à la séparation des liens entre l’Eglise ukrainienne et le Patriarcat de Moscou. Le patriarche Cyrille Ier s’était rendu début 2018 à Istanbul pour tenter de dissuader Bartholomée Ier, patriarche de Constantinople, de faire ce pas.
Ce développement devrait jouer une rôle clé dans les élections présidentielles ukrainiennes de mars 2019. Le président sortant Petro Porochenko a fait de l’accès à l’autocéphalie (indépendance) de l’Eglise ukrainienne l’un de ses principaux chevaux de bataille en vue de sa réélection, explique Hürriyet. Le chef d’Etat a immédiatement salué la décision de Constantinople, parlant d’une «victoire du bien contre le mal».
Union de trois Eglises?
Après l’indépendance de l’Ukraine en 1991, Philarète, ancien hiérarque du Patriarcat de Moscou, a créé une Eglise orthodoxe ukrainienne dont il s’est autoproclamé patriarche, ce qui lui a valu d’être excommunié par Moscou. Une excommunication annulée le 11 octobre par le Saint-Synode, en même temps que celle de l’archevêque Macaire, le chef de l’Eglise orthodoxe autocéphale schismatique d’Ukraine. Cette Eglise est née d’un schisme de l’Église orthodoxe russe en 1920, au moment de l’éphémère indépendance de l’Ukraine. Elle constitue, avec l’Église orthodoxe d’Ukraine (liée au Patriarcat de Moscou) et l’Église orthodoxe d’Ukraine (liée au Patriarcat de Kiev), la troisième Eglise orthodoxe du pays. La majorité des paroisses d’Ukraine sont dans le giron du Patriarcat de Moscou, qui craint d’en perdre le contrôle. Ce dernier a ainsi averti que l’autocéphalie allait provoquer un «profond fossé» au sein de l’orthodoxie mondiale.
Philarète s’est réjoui du fait que la décision de Constantinople permettrait à son pays d’établir une Eglise orthodoxe ukrainienne unifiée. Il a assuré qu’une rencontre se tiendrait prochainement afin de nommer un patriarche pour cette nouvelle Eglise unie. (cath.ch/ag/rz)