Nette progression du nombre d'annonces d'abus sexuels dans l'Eglise suisse en 2017
Le nombre d’annonces de cas d’abus sexuels dans l’Eglise catholique en Suisse a nettement augmenté en 2017. Au cours de cette année, 65 abus ont été déclarés dans les diocèses. 90% des faits dénoncés sont antérieurs à 1990 et donc prescrits, a précisé Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, lors d’une conférence de presse, le 5 septembre 2018, à Saint-Gall.
La Conférence des évêques suisses (CES) a présenté devant les journalistes les statistiques des abus sexuels annoncés par les diocèses depuis 2010. Pour Mgr Gmür, l’augmentation du nombre des dénonciations est positive. «Nous voulons savoir ce qui s’est passé. Nous jouons la transparence.» Si 24 cas avaient été annoncés en 2016, 65 l’ont été en 2017.
L’évêque de Bâle voit plusieurs raisons à cette augmentation. La cérémonie de repentance, célébrée en décembre 2016 par les évêques suisses à Valère (VS), a encouragé les victimes à parler. L’existence d’un fonds de réparation mis en place par les diocèses et les congrégations religieuses a probablement aussi motivé les annonces. La thématique a été très présente dans les médias suite à de nombreuses affaires dans divers pays. Enfin le travail actif d’information des instances et commissions spécialisées a aussi porté ses fruits.
90% de cas sont antérieurs à 1990
90% des cas annoncés en 2017 sont antérieurs à 1990. Pour les 283 cas recensés entre 2010 et 2017, les deux tiers des 311 victimes sont des enfants et des jeunes âgés de moins de 16 ans au moment des faits, 1/3 sont des adultes avec une légère majorité de femmes. Pour ce qui est des 301 auteurs identifiés, 80% sont des hommes, prêtres diocésains ou religieux, diacres et théologiens laïcs. Les femmes, religieuses ou laïques, ne sont pas absentes de la statistique mais ne sont en cause que dans que 8,6% des cas.
A noter que la statistique de la CES ne fait pas de distinction entre homosexualité et hétérosexualité. Le fait que la majorité des victimes soient de sexe masculin n’est pas pertinent pour en juger, estime Mgr Gmür. Un même auteur a pu s’en prendre à des femmes et à des hommes. En tirer d’autres conclusions quant à un lien entre abus sexuels et homosexualité est dangereux, note l’évêque de Bâle.
Le large panel des abus sexuels
Ces chiffres sont importants pour mieux mesurer le phénomène, même s’ils ne disent pas grand-chose de la souffrance des victimes, admet Mgr Gmür. Les abus sexuels couvrent un très large panel de situations, d’une plaisanterie salace au viol. C’est peut être cette typologie des cas qui représente l’élément le plus significatif des statistiques présentées à Saint-Gall.
Environ un quart des cas concernent des déclarations ou des gestes à connotation sexuelle ainsi que des avances déplacées. 16% sont des actes sexuels, mais sans coït ni viol. Les cas les plus graves forment le 28% des affaires: contrainte sexuelle (16%) actes sexuels dans une relation de dépendance (4,5%) viol (3,3%) actes sexuels sur une personne incapable de discernement (4%). Enfin 30% des cas d’abus restent de nature indéterminée, pas forcément sexuelle.
Moins d’actes de pédophilie
Quant aux cas les plus récents survenus après 2001, ils concernent majoritairement des abus commis sur des hommes et des femmes adultes. Les cas de pédophilie sont moins nombreux, mais peut-être que des victimes ne sont pas encore annoncées, avance avec prudence Mgr Charles Morerod. L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg réitère ses encouragements aux victimes à dénoncer les agressions.
Renforcement des directives de la CES
Adaptées à plusieurs reprises depuis leur promulgation en 2001, les lignes directrices de la CES pour les cas d’abus sexuels ont encore été renforcées et précisées. Le devoir d’annonce à la justice civile s’imposera désormais dans tous les cas, y compris ceux où la victime ne veut pas déposer plainte. «L’expérience nous a appris que cette dénonciation, aussi difficile soit-elle pour les victimes, est salutaire», commente Mgr Morerod.
Une autre raison vient du fait que seule la justice civile a les moyens nécessaires pour enquêter. Un évêque ne peut pas exiger d’un prêtre qu’il lui livre son ordinateur par exemple, et ne dispose d’aucun moyen de contrainte pour interroger des personnes. Cette obligation de dénonciation concerne tous les responsables ecclésiastiques, évêques, mais aussi vicaires généraux ou responsables du personnel.
Interrogé sur les déclarations de repentance, Mgr Morerod remarque qu’elles ont aujourd’hui probablement perdu en pertinence. Les victimes n’attendent pas seulement une parole mais des actes. En Suisse romande, la politique mise en place en concertation avec la commission indépendante CECAR est efficace, conclut-il.
Prévention des abus dans tous les diocèses
La question de la prévention des abus sexuels dans l’Eglise sera le prochain chapitre de la réflexion des évêques suisses. Si tous les diocèses ont pris des mesures, il n’existe pas de normes au plan suisse, reconnaît Mgr Gmür. Prêtres, séminaristes et laïcs engagés en Eglise ont l’obligation de suivre des formations, mais le contenu et la forme varient. «Nous nous inspirerons sans doutes de normes existantes par exemple dans le domaine de la santé.» Pour Mgr Moredod, il s’agit surtout d’apprendre à identifier les situations peu claires, d’aider les personnes à travailler avec des mineurs dans des relations saines. (cath.ch/mp)