Donne-nous la pluie dont nous avons besoin!
Marre de la canicule? Il existe, dans l’Eglise catholique, une messe pour demander la pluie. Mais «Dieu n’est pas un automate pour autant», avertit l’abbé Martial Python.
Le missel romain, qui contient les textes et les indications nécessaires à la célébration de la messe, couvre un vaste champ de préoccupations. Dont le manque de pluie: «Dieu, à qui nous devons de naître, de vivre, et de grandir, nous dépendons de toi en toutes choses: accorde-nous les pluies dont nous avons besoin, afin qu’étant rassurés pour les fruits de la terre, nous puissions mieux rechercher les biens de l’éternité».
«Si vous regardez où se trouve cette messe pour la pluie dans le missel, vous verrez qu’elle est entourée d’intentions diverses et variées, explique Martin Klöckener, professeur de sciences liturgiques à l’Université de Fribourg. Il existe une messe contre les tempêtes, les tremblements de terre, pour demander un temps serein, mais aussi pour les personnes en exil ou en prison, les malades, les mourrants. Toute tribulation peut trouver sa place dans la liturgie.»
Quelle est notre responsabilité dans les changements climatiques que nous subissons? Martial Python
Prier pour la pluie ne date pas d’hier. La tradition était bien répandue dans l’Eglise primitive. L’évolution technologique et une meilleure connaissance météorologique l’ont petit à petit fait tomber en désuétude. Pourtant, une telle demande reste légitime, selon Martin Klöckener. «Cette prière pour la pluie a pris naissance dans une cosmologie particulière où Dieu est à l’origine de tout. Avec le temps, nous avons appris à déchiffrer le fonctionnement de la nature. Pour autant, nous croyons que Dieu n’y est pas totalement étranger. Tout ce qui fait notre vie est dans sa main».
Pédagogie divine
Mais comment comprendre une telle prière? Et prier Dieu pour demander la pluie, est-ce vraiment efficace? «Une demande n’est jamais une offense», répond l’abbé Martial Python. Qui plus est lorsqu’un paysan implore le ciel pour quelques gouttes d’eau. Mais le curé de Romont insiste sur la foi, comme une condition nécessaire: il s’agit de «faire confiance aux desseins de Dieu, plutôt que de le faire entrer dans les miens».
Bien loin d’une sorte de formule magique, Martial Python voit dans cette prière pour la pluie une forme de pédagogie divine. «Nous avons à prendre conscience que nous sommes en pèlerinage sur une terre qui ne nous appartient pas. Nous n’en sommes pas les propriétaires, mais des gérants appelés à la cultiver et à la transmettre aux générations futures. Si l’homme met tout son coeur à l’ouvrage, alors il peut demander à Dieu qu’il le soutienne dans sa mission».
Certes, mais si Dieu n’envoie pas «les pluies dont nous avons besoin»? L’abbé réfléchit. «Il n’y a pas véritablement de réponse, glisse-t-il au bout d’un instant. Si le Seigneur n’intervient pas, c’est peut-être l’occasion de réfléchir un peu plus loin et de se demander pourquoi il ne pleut plus. Quelle est notre responsabilité dans les changements climatiques que nous subissons? La surconsommation et la pollution que le pape François dénonce dans son encyclique Laudato si’ y sont pour quelque chose».
Une question de responsabilité, pour le curé de Romont, qui avoue lui aussi attendre un retour à la normale. »J’enterre beaucoup de gens ces jours-ci». Une surcroît de travail à mettre sur le compte de la canicule, selon Martial Python, qui aurait aimé pouvoir profiter davantage du calme estival. (cath.ch/pp)