Ces peintres Français qui ont laissé leur empreinte au Vatican (2/5)
L’incroyable foisonnement artistique des cercles du Vatican, n’a eu de cesse de conduire à Rome les peintres français tout au long de l’histoire. Un attrait qui dote la Ville éternelle d’un patrimoine inestimable.
Il est à son époque le chef de file des peintres Français établis à Rome, fascinés par la peinture du Caravage. Simon Vouet (1590-1649) est l’un des premiers à s’y implanter durablement dès 1612. Il connaît un grand succès, travaillant à la décoration d’églises comme celle de San Lorenzo in Lucina et obtient même une commande pour la basilique Saint-Pierre, l’Adoration de la croix, œuvre détruite au 18e siècle.
Dans la cité papale, Vouet travaille notamment pour le cardinal Barberini, futur pape Urbain VIII et reçoit de nombreuses commandes privées en plus de celles des institutions religieuses. Devenu l’un des meilleurs représentants du baroque romain, il se voit confier la gestion de l’Academia San Luca, instituée par le pape Grégoire XIII. De retour en France en 1627, Vouet importera le style baroque italien et dominera la scène artistique jusqu’à sa mort.
Poussin entre à Saint-Pierre
Le départ de Vouet permet aussitôt à Nicolas Poussin (1594-1665) de devenir l’un des artistes les plus en vue de la cité papale. A peine installé, ce dernier est en effet introduit auprès du cardinal Francesco Barberini, neveu du pape, qui lui commande alors une œuvre sur le thème de La Destruction du temple de Jérusalem.
Poussin reçoit des années plus tard une des plus grandes gratifications jamais reçues par des artistes étrangers à Rome: la réalisation d’un tableau destiné à être reproduit en mosaïque sur un retable de la basilique Saint-Pierre de Rome. Il se voit alors confier la représentation du Martyre de saint Érasme de Formia, conservé depuis 1817 aux Musées du Vatican.
Au plus fort de sa renommée, Poussin peut compter sur de solides mécènes, parmi lesquels Giulio Rospigliosi, qui deviendra pape sous le nom de Clément IX ou encore Charles II de Créquy, ambassadeur français de l’époque.
Nicolas Poussin, «le peintre philosophe»
Ce natif de Normandie est «le peintre philosophe» par excellence: il peint «sous la dictée des stoïciens», des Métamorphoses d’Ovide et de l’Enéide, explique Philippe Casanova, peintre français spécialiste du baroque.
Résidant à Rome depuis plus de 20 ans, Philippe Casanova a représenté pléthore d’édifices religieux de la capitale italienne. En 2008, le cardinal Angelo Comastri, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, l’a invité à réaliser 32 perspectives de la basilique vaticane, en vue d’une exposition pour les 500 ans de sa re-construction.
Nicolas Poussin est un «gardien scrupuleux du temple du goût classique», observe l’artiste français. A cet égard, Giovanni Pietro de Bellori, futur commissaire pour les antiquités du pape Clément X, dira à son propos : «maintenant les français ont leur Raphaël».
A l’inverse de ses prédécesseurs tels que Vouet, remarque encore le peintre contemporain, Poussin est «imperméable aux premières convulsions du baroque, et totalement allergique au Caravage». Ce dernier était né, selon lui, «pour détruire la peinture». Nicolas Poussin repose aujourd’hui dans la basilique San Lorenzo in Lucina, en plein cœur de Rome.
Les soleils couchant de Charles Mellin
Autre figure française incontournable de l’époque, Charles Mellin, dit aussi Le Lorrain. Celui-ci a particulièrement œuvré à la Trinité-des-Monts et à Saint-Louis-des-Français. Admis à l’Academia San Luca en 1633, il reçoit dans un premier temps des commandes du pape Urbain VIII.
Le peintre français se découvre alors une prédilection pour les ports imaginaires qu’il rehaussait d’une architecture néo-classique, propre à la Renaissance italienne. On reconnaît aisément ses œuvres à la lumière rasante d’un soleil couchant, situé dans la ligne de fuite du tableau.
L’Académie royale s’installe à Rome
A partir de 1666, l’art français dans la cité papale atteint son apogée. Un véritable âge d’or qui coïncide en effet avec la création de l’Académie de France à Rome, sous l’impulsion de Charles Le Brun mais aussi du Bernin. De retour de la cour de Louis XIV, le sculpteur et architecte italien favori des papes Urbain VIII et Alexandre VII supervise alors certaines des premières productions des élèves de l’Académie de Rome.
L’institution bénéficie alors d’un illustre directeur en la personne de Charles Errard, également fondateur de l’Académie royale de peinture de France et directeur de l’Académie San Luca.
A la fois peintre, dessinateur, graveur et architecte, Charles Errard, authentique haut fonctionnaire, voulait «mettre le génie de Rome au service de la monarchie française», rappelle Philippe Casanova. C’est la raison pour laquelle il tenta notamment, sans succès, de convaincre Poussin de s’installer à Paris.
«Le dernier soupir» de l’âge classique
Outre Jean-Honoré Fragonard, François Boucher ou encore Jacques Louis David, l’Académie de France continue d’accueillir parmi ses pensionnaires de nombreux peintres de talent, tels que Hubert Robert, de 1759 à 1762. Celui-ci bénéficie alors de la protection d’Etienne-François de Choiseul, ambassadeur de France près le Saint-Siège entre 1753 et 1757. Aux côtés de Fragonard, Hubert Robert peint les ruines de Rome et ses environs. «Avec lui, estime Philippe Casanova, l’âge classique de la peinture rend son dernier soupir».
Moins d’un siècle plus tard, Jean-Dominique Ingres (1780-1865), directeur de l’Académie de France de 1835 à 1841, installe son atelier à l’intérieur même de l’église de la Trinité-des-Monts, d’où les religieux Minimes avaient été chassés lors des troubles révolutionnaires.
Admirateur de Raphaël et du classicisme pur, Ingres a laissé de rares tableaux de cérémonies papales dans la Basilique Saint-Pierre ou dans la chapelle Sixtine. Habitué des Musées du Vatican, Ingres s’inspirera pour sa peinture de bien des œuvres qui y sont conservées, telles que la statue antique d’Ariane endormie, que l’on retrouvera dans quelques-unes de ses réalisations les plus célèbres, notamment l’Odalisque à l’esclave.
Camille Corot (1796-1875), choisira à son tour Rome comme sujet d’étude de 1825 à 1828. Il y dépeindra, comme le note Philippe Casanova, «les derniers temps des Etats pontificaux qui attendent, insouciants, le réveil brutal du Risorgimento italien». (cath.ch/imedia/ah/rz)