Il y a 50 ans, Humanae Vitae: les évêques belges étaient dans la nuance
Le 25 juillet 1968, le pape Paul VI promulguait sa lettre encyclique Humanae Vitae sur le mariage et la régulation des naissances. Ce texte reçut, à l’époque, un accueil critique, voire, dans certains cas, hostile. Les évêques belges, emmenés par le cardinal Suenens, étaient dans la nuance.
Un mois après la publication de l’encyclique, les évêques belges publiaient une «déclaration» sur Humanae Vitae «tout en nuance», relève CathoBel. «Cinquante ans plus tard, cette encyclique divise toujours les catholiques», note le site officiel de l’Eglise catholique en Belgique francophone.
Rejet de la part de nombreux catholiques
L’encyclique Humanae Vitae est, aujourd’hui encore, une référence officielle en termes de mariage et de procréation dans l’Eglise catholique. Et ce malgré l’incompréhension et le rejet au sein de l’opinion publique occidentale, y compris de la part de nombreux catholiques. En effet, nombreux furent ceux qui, encouragés par l’esprit d’ouverture qui avait caractérisé le Concile Vatican II, avaient attendu et espéré que l’Eglise assouplisse son enseignement moral, notamment matière de contraception artificielle, note CathoBel.
Le Concile Vatican II (1962-65) a abordé de nombreuses questions essentielles, touchant à la foi chrétienne et à la vie des chrétiens: rapports de l’Eglise et du monde, compréhension renouvelée de la révélation chrétienne, relations des catholiques avec les autres Eglises chrétiennes et les autres religions… Par contre, les questions touchant à la sexualité, au mariage et à la famille, jugées particulièrement délicates, ont été reportées à un examen ultérieur, le temps d’approfondir les différents aspects de ces problématiques, en particulier celle de la régulation des naissances.
Paul VI contre l’avis d’une majorité
C’est ainsi que le pape Paul VI, qui a succédé à Jean XXIII en 1963, va charger la Commission pontificale pour l’étude de la population, de la famille et de la natalité, mise sur pied par son prédécesseur et composée majoritairement d’experts laïcs, d’examiner cette question.
En 1968, le pape va, contre l’avis d’une majorité au sein de la Commission, et après avoir longtemps médité sur cette question, réaffirmer la position de l’Eglise sur la contraception artificielle, l’estimant «intrinsèquement déshonnête» et encourageant, sous conditions, le recours aux méthodes naturelles de régulation des naissances.
Trop moralisateur et intrusif
Ce texte, jugé par beaucoup trop moralisateur et intrusif, causa d’importantes fractures parmi les catholiques, fidèles et clergé, surtout en Occident. Il reçut en revanche un accueil positif dans d’autres régions du monde, en Afrique par exemple, où les questions de développement et de régulation des naissances se posaient de manière particulièrement prégnante.
Cinquante ans après, les avis continuent de diverger. Certains louent un document visionnaire et prophétique, d’autres, au contraire, en relativisent plus ou moins fortement la portée. Malgré les controverses et les remises en question, l’enseignement exposé dans cette encyclique fut confirmé par les successeurs de Paul VI: Jean Paul II, Benoît XVI, et le pape François, souligne encore CathoBel.
La voix du cardinal Suenens
Parmi les réactions à l’encyclique, on peut signaler celle de l’épiscopat belge de l’époque, tout en nuance. Dès le début du mois d’août 1968, le cardinal Léon-Joseph Suenens (*), archevêque de Malines-Bruxelles, réunit la commission théologique de la Conférence épiscopale belge, pour préparer une déclaration.
Au cours de deux réunions successives, les 23 et 30 août 1968, la Conférence des évêques elle-même met au point la «Déclaration de l’Episcopat belge sur l’Encyclique Humanae Vitae». Cette déclaration est la première en date émanant d’une Conférence épiscopale, en même temps que celle des évêques d’Allemagne.
Pour les évêques belges, pas une déclaration infaillible
La déclaration des évêques belges souligne deux points importants. D’abord, le fait que, si l’on ne se trouve pas devant une déclaration infaillible – ce que l’encyclique ne revendique pas -, les fidèles ne sont pas tenus à une adhésion inconditionnelle ou absolue, contrairement à ce qui est demandé en réponse à une définition dogmatique.
Ensuite, le fait que, si une personne, compétente en la matière et capable de se forger un jugement bien établi – ce qui implique de s’informer suffisamment -, parvient, après un examen sérieux devant Dieu, à d’autres conclusions que le document pontifical, il est en droit de suivre sa conviction profonde, pourvu qu’il continue loyalement son questionnement.
Respect inconditionnel de la valeur de la conscience
En d’autres termes, le document des évêques de Belgique reconnaît, d’une part, la valeur de la conscience de chaque fidèle, mais à condition, d’autre part, que cette conscience soit suffisamment formée, et s’exerce dans un esprit de foi. Autrement dit encore: il s’agit d’opérer un discernement, ce qui ne peut se faire à la légère, mais implique aussi un respect inconditionnel de la valeur de la conscience, voix de l’homme et de Dieu. (cath.ch/cathobel/be)
(*) Le cardinal Suenens et la question du contrôle des naissances au Concile Vatican II, dans «Nouvelle Revue Théologique» (NRT), 2010.