Synode des jeunes: pour un discernement en vue de la sainteté

Le discernement en vue de la sainteté est au cœur de l’Instrumentum laboris (instrument de travail) des évêques en vue du synode d’octobre prochain sur les jeunes, la foi et les vocations. Le document a été rendu public le 19 juin 2018 par le Saint-Siège.

Cet Instrumentum laboris insiste sur l’art du «discernement» pour toute l’Eglise, afin de lui donner une nouvelle jeunesse.

Composé de trois parties, le document se veut une démarche progressive de discernement: «reconnaître» la réalité de la condition juvénile (partie 1), puis «interpréter» à la lumière de la foi et des Saintes Ecritures (partie 2). Enfin, «choisir» des orientations pastorales en direction des jeunes. Ce qui pourrait impliquer une réforme et des changements de pratiques.

Mgr Lorenzo Baldisseri au milieu de jeunes Africains participant au pré-synode des jeunes, à Rome. | © B. Hallet

Redécouvrir un «authentique dynamisme juvénile»

Comme l’a déjà souligné le pape François lui-même, il s’agit ainsi de redécouvrir un «authentique dynamisme juvénile» pour toute l’Eglise, ce qui suppose «purification et réforme». C’est pourquoi le texte se conclut sur une attention significative au thème de la sainteté, écrit le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du synode, de façon à le proposer à tous les jeunes d’aujourd’hui. C’est un grand défi, mais il existe cependant une «féconde pédagogie de la sainteté». Notamment par la contemplation de figures de «jeunes saints», de plus en plus nombreux.

Dictature de l’apparence chez les jeunes

A l’inverse, le constat dressé par l’Instrumentum laboris dans sa première partie est celui d’une «dictature de l’apparence» (58) chez les jeunes, ainsi qu’une «culture de l’indécision» (61), dans laquelle les choix sont réversibles.

Notamment, cette approche de la réalité privilégie l’image à l’écoute et à la lecture. Bouleversant ainsi la transmission de la foi «basée sur l’écoute de la Parole de Dieu et la lecture des Saintes Ecritures» (57).

La morale sexuelle de l’Eglise peu suivie

De même, selon certaines études, beaucoup de jeunes catholiques «ne suivent pas les indications de la morale sexuelle de l’Eglise» (53). Certaines questions délicates – contraception, avortement, homosexualité, cohabitation, mariage – sont d»«²ailleurs source de débat. Pourtant, «la sexualité précoce, la promiscuité sexuelle, la pornographie, l’exhibition de leurs corps en ligne et le tourisme sexuel sont susceptibles de défigurer la beauté et la profondeur de la vie affective et sexuelle» (52).

En contrepoint, le texte souligne que la famille, dont les grands-parents, continue de représenter une «référence privilégiée» (11). De même qu’un certain «retour du sacré»: «la sécularisation ne semble pas s’affirmer comme le destin inéluctable de l’humanité» (63).

Rôle de l’accompagnement spirituel

Dans son second chapitre, l’Instrumentum laboris veut renforcer le rôle de l’accompagnement spirituel (114) jusqu’à en faire un instrument clef (136). Lors de la dernière réunion pré-synodale les jeunes avaient réclamé plus d’accompagnement. Savant mélange entre accompagnement spirituel et forme de proximité, l’art d’accompagner n’exclut pas non plus le suivi psychologique, mais le transcende (125).

Une délégation des jeunes participants du pré-synode remettent au pape le message final de la rencontre | © Jacques Berset

Un parcours de discernement vocationnel implique aussi de faire un choix, sur la base non pas des pulsions et des pressions sociales, mais de la liberté et de la responsabilité (113). La prière et l’écoute à travers «l’examen de conscience» ont donc une importance prépondérante, tout comme la «docilité envers un maître spirituel» – lequel doit être distingué du confesseur (126). L’accompagnateur doit aussi «travailler sur lui» pour ne pas franchir de limites et commettre de vrais abus (131).

Afin de discerner le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, le document suggère dans la troisième partie que l’Eglise retrouve le sens étymologique du mot ›autorité’, qui signifie «faire grandir». C’est-à-dire être au service du développement et de «la libération de la liberté» (141). Cela suppose aussi une «conversion systémique» des éducateurs (148), pour ne pas seulement transmettre un contenu, mais être de véritables «témoins de la maturité humaine». Pour les institutions catholiques, cela signifie également une «contemplation spirituelle, intellectuelle et existentielle» du kérygme – le cœur de la foi.

Le rôle de la musique

Parmi les différents domaines de la vie – travail, citoyenneté, sport, monde numérique – le document accorde une place particulière à la musique (162). Car celle-ci est liée à l’écoute et l’intériorité, elle permet l’affirmation de l’identité. Son impact sur les émotions, notamment, est une opportunité pour la formation au discernement.

«Un espace pour une production musicale qui aide du développement de l’intériorité est donc ouvert». Le document cite notamment le chant grégorien, celui du monachisme orthodoxe ou encore le gospel.

Le pape François est littéralement happé par les jeunes participants du pré-synode | © Jacques Berset

Lutter contre la culture du déchet

L’Eglise, pour sa part, «ne peut accepter d’être seulement une ONG ou une agence philanthropique» (172). Liant évangélisation et éducation, elle doit «confesser le nom de Jésus», pour collaborer à l’œuvre de Dieu. En aidant les jeunes, sans les culpabiliser, à «assumer que la vie est un don» et à lutter contre la culture du déchet et de la mort.

Plutôt qu’une appartenance «élitiste», l’Eglise doit également promouvoir une expérience «familiale» d’elle-même, comme une «famille de familles» (178). Relevant une carence en matière éducative dans l’Eglise, le document mentionne en particulier le rôle bénéfique des mouvements et ›oratoires’ – ou patronages (180) – suscités à l’origine par saint Philippe Néri (1515-1595) et saint Jean Bosco (1815-1888). De manière plus générale, le rôle des religieux et religieuses est souligné en matière d’éducation.

JMJ vs vie chrétienne ordinaire

Dans la réflexion, une place est aussi consacrée au rapport entre les grands événements type Journées mondiales de la jeunesse – dont certains demandent l’évaluation – et la vie quotidienne de la foi et des chrétiens. Il est ainsi plus difficile, affirme le document, d’insérer dans le quotidien l’enthousiasme des JMJ. Ceux-ci peuvent ainsi devenir des moments «d’évasion» et de fuite. Ils ne remplacent pas une vie personnelle et communautaire «ordinaire».

Parmi les autres outils pastoraux, l’Instrumentum laboris évoque encore les retraites, exercices spirituels, pèlerinages. Mais aussi l’écoute régulière de la Parole de Dieu et la beauté de la liturgie (188). Plusieurs conférences épiscopales soulignent ainsi que lorsque la liturgie est «soignée», on note une «présence significative» de jeunes. Il y a là un lieu pour la première annonce de la foi.

Eglise accueillante pour tous, y compris les jeunes LGBT

Enfin, le document de travail indique que la communauté catholique doit devenir accueillante pour tous (197): migrants, jeunes LGBT qui souhaitent une «plus grande proximité» de l’Eglise, selon des témoignages parvenus au Secrétariat général du synode, ou encore les jeunes «qui décident de constituer des couples homosexuels».

Annoncé par le pape en 2016, initié en janvier 2017 avec le Document préparatoire, le chemin synodal s’est enrichi d’un questionnaire envoyé aux conférences épiscopales, d’un séminaire international en septembre 2017, ainsi que de la réunion pré-synodale en mars dernier, avec plus de 300 jeunes. (cath.ch/imedia/ah/ap/pad/be)

Le cardinal Lorenzo Baldisseri lors de la présentation du document des jeunes à l'issue du prés-synode | © Jacques Berset
19 juin 2018 | 11:54
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 5  min.
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