Genève: polémique suite aux recommandations envoyées aux directeurs d'écoles pour le ramadan
Le Service genevois de la santé de l’enfance et de la jeunesse (SSEJ) recommande un aménagement des cours et des activités scolaires pour les écoliers jeûnant pour le ramadan. Une circulaire a été adressée le 18 mai 2018 aux directeurs des écoles publiques en ce sens. Tollé dans le canton du bout du lac, où le Département de la formation et de la jeunesse (DFJ) admet «une bourde».
Le SSEJ, rapporte le quotidien genevois Le Temps, a envoyé à tous les directeurs de l’enseignement secondaire II (collèges et écoles de commerce) des «recommandations en cas de jeûne sur temps scolaire». La circulaire décrit en substance les effets physiques, hypoglycémie ou de déshydratation, que peut entraîner le jeûne total ou partiel. Le texte donne ensuite la marche à suivre pour faire face à ces symptômes observés chez les élèves abstinents.
Aménagement des cours
Les enseignants sont invités à contacter un médecin du SSEJ qui «donnera son aval et endossera la responsabilité «médicale» pour une rupture de jeûne». Les parents refusant que leur enfant rompe le jeûne en se nourrissant ou en ingérant une boisson sucrée devront venir les chercher.
Des recommandations adressées, sans l’aval de la hiérarchie, aux écoles primaires, aux cycles d’orientation et au post-obligatoire et qui proposent, de plus, certains aménagements comme au cours de gymnastique où les enseignants sont invités à faire preuve de tolérance envers les élèves observant le jeûne. Il est même demandé, pour «favoriser l’intégration de tous», que «les camps ou les voyages d’études d’une semaine se déroulent, dans la mesure du possible, hors période de jeûne». En somme une invitation à adapter les programmes scolaires au calendrier islamique. Le Département de la formation et de la jeunesse (DFJ) y voit «une bourde»
«Aucune dérogation n’est faite pour des motifs religieux», rappelle de son côté Pierre-Antoine Preti, porte-parole du DFJ. Il ajoute que le texte envoyé le 18 mai dernier n’a pas été formellement validé par le secrétariat général et qu’il ne s’agit pas d’une directive mais de recommandations à destination interne. «Il contient des imprécisions qui comportent des marges d’interprétation étant entendu qu’aucune dispense ne doit être accordée pour ce motif». Le porte-parole annonce une rectification pour la semaine à venir.
Pas d’interférence religieuse
Jean Romain, président du Grand Conseil et PLR, déplore la diffusion du document, «alors que la ligne que l’école doit suivre sur la laïcité est parfaitement claire». Pour le président, «les religions ne doivent ni légiférer ni réglementer le domaine public. Nous avons adopté une loi sur la laïcité, appliquons-la!»
Romain de Sainte Marie, chef de groupe socialiste au Grand Conseil, approuve pour sa part les consignes de santé données au corps enseignant mais refuse «que la religion interfère sur le calendrier scolaire».
Le porte-parole de la Coordination laïque genevoise, Yves Scheller fustige «des hauts fonctionnaires prêts à soumettre le programme scolaire aux exigences politico-religieuses émanant de l’islam radical».
«Laïcisation» du texte
Le SSEJ s’est justifié dans un mail envoyé à la direction générale de l’enseignement en précisant que le contenu du document avait été «laïcisé selon les recommandations en vigueur à l’Etat de Genève». Peut-être le service de la santé pensait-il ainsi rendre le document compatible avec le cadre institutionnel en remplaçant le mot «ramadan» par le terme non spécifique «jeûne».
A l’origine de cette situation embarrassante pour le Département de la formation genevois, l’augmentation des écoliers jeûnant à l’occasion du ramadan. Les enseignants se trouvent souvent désarmés face à des situations inédites, conséquences du jeûne musulman, telle cet élève demandant à être dispensé du cours de cuisine en période de jeûne. (cath.ch/letemps/bh)