Réprobation tous azimuts après le carnage de Gaza
Alors qu’à l’occasion du 70e anniversaire de sa fondation et du transfert de l’ambassade états-unienne à Jérusalem Israël vit au rythme de la fierté nationale et de la ferveur pro-américaine, la Bande de Gaza enterrait ses morts le 15 mai 2018.
60 personnes ont été abattues la veille par les soldats israéliens non loin de la barrière marquant la frontière de l’Etat hébreu. Il s’agissait de manifestants non armés, dont des femmes et des enfants. Plus de 2’400 personnes ont été blessés.
Un véritable carnage
Selon Haaretz de mardi 15 mai, les gaz lancés sur la foule des manifestants a également causé la mort de Leila al-Ghandour, un bébé âgé de 8 mois. Dans son éditorial, le quotidien israélien demande qu’Israël «mette fin au bain de sang». Israël a certes le droit de défendre sa frontière, «mais cela ne signifie pas qu’il a le droit de faire tout ce qui lui plaît à ceux qui tentent de la traverser».
Et de souligner qu’au cours de ces manifestations aucun soldat ou résident israélien n’a été blessé. Les soldats israéliens ont visé des manifestants non armés avec des tireurs d’élite postés sur butte de terre, provoquant un véritable carnage, «avec des tirs réels qui ont tué et mutilé! ”
Des jeunes qui n’ont rien à perdre
Face au désastre humanitaire provoqué par le blocus de Gaza, qui suffoque deux millions de personnes qui ont perdu tout espoir, Haaretz souligne que «des armes létales ne dissuaderont pas les jeunes qui n’ont plus rien à perdre». Pendant ce temps, des responsables israéliens ont envoyé un message au Hamas, qui gouverne Gaza, affirmant qu’Israël reprendrait les assassinats de ses leaders si le mouvement islamiste continuait à organiser des manifestations sur la frontière, rapporte le 15 mai le magazine en ligne israélien The Times of Israël.
Le rabbin Rick Jacobs, président de l’Union du Judaïsme Réformé, s’est dit «alarmé, préoccupé et profondément attristé» par la mort de dizaines de manifestants palestiniens à la frontière de Gaza. «Qu’Israël ait le droit, et même l’obligation, de se défendre et de protéger ses frontières est indiscutable (…) mais les choses peuvent se passer autrement…» Ce n’est pas l’avis d’Ayelet Shaked, ministre israélienne de la Justice, affirmant qu’Israël «n’est pas préoccupé par la perspective d’accusations de crimes de guerre pour ses actions militaires dans la bande de Gaza», rapporte The Times of Israël.
Trump couvre les exactions israéliennes
Elle a reçu en cela l’appui total du gouvernement Trump, qui a mis son veto au Conseil de sécurité à une demande enquête sur ces faits sanglants.
La population palestinienne, pour sa part, commémorait mardi 15 mai le 70e anniversaire de la «Nakba» (en arabe la «catastrophe») qu’a constituée la création d’Israël en 1948. Pour des centaines de milliers de Palestiniens, près de 750’000, cela a signifié l’exil. Ils ont été chassés ou ont fui dans le sillage de la proclamation de l’indépendance du nouvel Etat juif. Israël a alors procédé à la destruction méthodique de plus de 400 villages et agglomérations arabes avant de changer le nom des localités «épurées» de leur population originale.
Les Eglises opposées au transfert de l’ambassade US
La décision unilatérale de Donald Trump en décembre dernier de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, et la reconnaissance de facto de la ville comme capitale d’Israël, a suscité une réprobation générale et agi comme une bombe incendiaire.
Les Eglises chrétiennes présentes dans la ville trois fois sainte ont dénoncé l’initiative du président américain, lui demandant de respecter le statut de Jérusalem, sous peine de conséquences désastreuses, rappelant que toute revendication exclusive sur Jérusalem allait à l’encontre même de sa vocation et de son appel.
«Cette décision unilatérale ne construit pas la paix»
Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine, a confié à Radio Vatican les craintes des chrétiens de Terre Sainte, rappelant que les Eglises chrétiennes de Jérusalem, tout comme le Saint-Siège et le pape François, se sont opposés au transfert de l’ambassade états-unienne à Jérusalem. «Cette décision unilatérale ne construit pas la paix. Avant cette décision, on avait l’espoir que les Etats-Unis pouvaient être un arbitre, mais maintenant, peuvent-ils être encore un arbitre impartial ?» A ses yeux, ce n’est plus possible actuellement.
Depuis l’annonce de la décision de Trump, la situation à Jérusalem a empiré et la tension est presque quotidienne. «Il n’y a pas d’espoir, pas d’horizon ouvert, on ne voit pas de lumière au bout du tunnel… Ces jours-ci, la vie est devenue impossible !»
Une journée de prière et de jeûne pour la paix à Jérusalem
«Nous voulons un Moyen-Orient de paix (…) Nous sommes réalistes, nous connaissons les problèmes qui existent, qui demandent beaucoup de patience, beaucoup de négociations, peut-être même des compromis (…) au moins faire des petits pas, mais vers la paix. Or toutes les décisions qu’on prend, ce sont des décisions contre la paix !», se désole l’évêque.
Mgr Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem a invité le 15 mai la communauté chrétienne du diocèse «à s’unir dans la prière pour la Terre Sainte, pour la paix de tous ses habitants, pour la paix de Jérusalem, pour toutes les victimes de ce conflit sans fin». Cette veillée sera célébrée samedi prochain, veille de la Pentecôte, dans l’église St-Etienne de l’Ecole archéologique et biblique de Jérusalem.
«Crimes de guerre au regard des conventions de Genève»
Le massacre du 14 mai 2018 a suscité une vague de réprobation quasiment unanime dans le monde civilisé. Sur franceinfo, Francis Perrin, vice-président d’Amnesty International France, a dénoncé «une nouvelle fois un usage excessif de la force de la part de l’armée israélienne à qui l’on donne des ordres illégaux consistant à tirer sur des manifestants non-armés».
«Lorsque des personnes sont à plusieurs centaines de mètres d’une frontière, ce n’est pas une menace imminente. Lorsque des personnes agitent des drapeaux palestiniens et qu’on leur tire dessus, ce n’est pas une menace imminente. Lorsque des personnes s’éloignent en courant et qu’on leur tire dans le dos, ce n’est pas une menace imminente!». Israël viole ainsi des normes internationales les plus élémentaires, a affirmé Francis Perrin, n’hésitant pas à parler de «crimes de guerre au regard des conventions de Genève». (cath.ch/be)