Lylian Seppey: «la sainteté, c'est un incessant retour»
«J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu, écrit le pape François dans Gaudete et exsultate, sa dernière exhortation apostolique. Chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire». Si Lylian Seppey se défend d’être une sainte, elle appartient «au patient peuple de Dieu». Mariée à Jean-Hugues, maman de cinq enfants et trois fois grand-maman, elle est engagée en catéchèse à Sion. A ses yeux, la sainteté est un incessant chemin de retour vers Dieu, humble et concret, loin des figures de héros terrassant des dragons.
Comment définiriez-vous la sainteté?
Lylian Seppey: je situe la sainteté dans un retour incessant vers Dieu. Vivre tout ce que tu as à vivre en revenant sans cesse à celui qui habite ton cœur. Beaucoup de choses nous sollicitent et nous attirent chaque jour hors de cet amour-là. La sainteté, pour moi, c’est ce mouvement de retour. Tout est une affaire de don dans l’amour. C’est le don de tout soi-même à la suite du don d’amour du Christ. C’est se laisser fondre dans cet amour. Cela passe souvent par de petites choses qui sont parfois coûteuses.
«On ne peut s’agenouiller devant l’autel si on ne s’agenouille pas d’abord devant le frère»
De petites choses?
La rencontre d’une personne avec laquelle la conversation va tourner en rond autour d’un sujet, par exemple. Or, si cette personne est là, devant moi, c’est parce que Dieu me l’envoie. Du coup, revenir à Dieu, c’est revenir à cette personne qui est là. Lui accorder toute mon attention. Lâcher prise. (silence) C’est cela qui coûte.
Vous êtes mariée, maman et grand-maman. Quel visage la sainteté revêt-elle dans cette forme particulière de vocation?
On ne peut s’agenouiller devant l’autel si on ne s’agenouille pas d’abord devant le frère, écrivait Jean Vanier. Qui est ce frère? Pour moi, c’est d’abord mon mari, mes enfants et mes petits-enfants. Il s’agit de mettre de l’ordre dans ce qui doit passer en premier. Où est ma place maintenant? Et cela ramène parfois à des choses très basiques. Je pourrais aller dehors, me balader. Ecouter ce prédicateur dont je bois les paroles. Eh bien non, ce repassage qui est là, les enfants en ont besoin.
Durant le carême, j’ai lu un livre du frère Laurent de la Résurrection, un frère convers, carme, cuisinier du XVIIe siècle. Il essayait de se tenir en présence de Dieu à chaque instant, y compris dans le brouhaha de sa cuisine. Du concret. Lorsqu’il avait fait une belle omelette, par exemple, il s’agenouillait devant et adorait Dieu de qui lui était venu la grâce de la confectionner. Trouver Dieu en toute chose ramène au réalisme du quotidien, à des choses que l’on fait avec ses mains ou avec ses pieds. Comme marcher au rythme de son petit enfant, qui ne peut aller plus vite que la musique.
Dieu nous pousse à partir sans relâche vers les périphéries, écrit le pape. Comme pour dire que les marges sont le lieu privilégié de la sainteté. Quelles sont vos périphéries?
En catéchèse, je suis souvent proche des périphéries. Auprès de personnes qui demandent le sacrement de confirmation, notamment, pour un mariage ou pour suivre le souhait de leur conjoint. Les raisons ne sont pas toujours les plus opportunes. Mais ce n’est pas grave. Cela n’empêche en rien de faire un petit bout de chemin ensemble. J’ai souvent l’occasion de m’émerveiller devant la présence du Christ dans le cœur des personnes que je rencontre et qui se confient sur leurs expériences de Dieu, de foi, de spiritualité. Parfois un sourire ou une parole suffisent pour faire un petit pas de plus. Parfois une fausse image de Dieu s’est dressé comme un obstacle sur leur route. Dans ce cas, il s’agit «d’enlever les gravas», pour reprendre le mot d’Etty Hillesum. Souvent, nous pensions qu’ils étaient dehors de l’Eglise et nous dedans. Pour Dieu, c’est peut-être l’inverse. Reste que les mots de ceux qui sont dedans sont devenus incompréhensibles pour ceux qui se croient dehors. Il faudrait se mettre davantage à leur place et désirer vraiment les écouter parler de leurs expériences. Non pas plus bas que nous, mais à notre hauteur, sans condescendance. Un peu comme on s’assoirait sur un banc avec un compagnon pour discuter d’égal à égal. En ami. (cath.ch/pp)