Congo: le premier «curé des pygmées» raconte son apostolat peu banal
Le Père Franck Bango est curé de la toute première paroisse pygmée de la République du Congo. Un apostolat hors du commun auprès des plus petits hommes du monde.
«Ils pensaient que le Christ n’était pas compatible avec leurs traditions, mais j’ai découvert qu’ils vivaient déjà certaines valeurs évangéliques sans même le savoir», relève le Père Bango dans une interview donnée fin février 2018 à l’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en détresse (AED).
Une paroisse crée à leur demande
Le prêtre est arrivé dans cette région reculée du diocèse d’Ouesso, au nord du Congo-Brazzaville en 2014. Il y existait déjà des pygmées catholiques depuis quelques années, grâce au travail de fond initié par les spiritains dans les années 1960-1970, puis par les Sœurs franciscaines missionnaires de Marie. Ils fréquentaient les paroisses proches de leur village. La vraie nouveauté, pour le Père Bango, a été de créer une paroisse dans leur localité, tenue par eux-mêmes et commencée à leur demande.
Ainsi, tout le fonctionnement de la communauté leur incombe- sauf ce que fait le prêtre. Ils s’occupent eux-mêmes du catéchisme, tiennent la trésorerie, font le programme des célébrations liturgiques, forment la chorale et les servants de messe. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils se replient sur eux-mêmes. Dans leur paroisse, tout fidèle est le bienvenu, qu’il soit ou non pygmée, assure le Père Bango.
Mariages et baptêmes
Le prêtre explique qu’à son arrivée, les indigènes étaient un peu réticents. Il ne venait en effet ni donner de l’argent, ni dispenser des services humanitaires, comme le font les sœurs, toujours présentes aujourd’hui pour les soins de santé et les écoles. «Deux ans ont été nécessaires pour qu’ils m’acceptent. J’ai vécu avec eux, je suis allé à la pêche avec eux…»
Mais le Père Bango a ensuite été confronté à la résistance des pygmées, qui craignaient que les principes du christianisme n’interfèrent dans leurs traditions. Le prêtre a pourtant observé que nombre de leurs pratiques étaient proches de l’enseignement catholique. Les pygmées se marient par exemple pour la vie et n’acceptent pas le divorce, ni la polygamie. Ils rejettent en outre le matérialisme et sont très attachés aux valeurs familiales ainsi qu’à la vérité. «Quand je leur ai expliqué leur proximité avec la doctrine de l’Eglise, les choses ont commencé à changer», explique le Père Bango. «Ils m’ont écouté et, comme ils sont dotés d’une mémoire hors norme, ils retenaient tout». En juin 2016, les deux premiers mariages catholiques avec baptêmes ont ainsi été célébrés. En 2017, les mêmes ont été confirmés. Deux autres mariages sont prévus en 2018.
Alcool et sorcellerie
Malgré ces succès, le Père Bango a rencontré un certain nombre de problèmes. Au début, les hommes de la tribu manquaient souvent la messe. Lorsqu’une fête traditionnelle de la circoncision avait lieu, ils buvaient tellement le samedi qu’ils étaient trop saouls pour assister à la cérémonie du dimanche. Le prêtre s’est efforcé de leur faire comprendre que l’état d’ébriété diminuait le respect que leurs femmes et enfants leur portaient. Aujourd’hui, les hommes boivent toujours mais modérément, pour pouvoir aller à la messe le lendemain.
Le «curé des pygmées» assure que la foi catholique agit de façon positive sur leur vie quotidienne. Il leur enseigne entre autres à ne pas prendre ce qui ne leur appartient pas. Car ils n’ont pas la culture de la propriété, ni des économies, ce qui les expose à la précarité.
Les pygmées voient également d’un bon œil que l’Eglise tente de les éloigner de leurs pratiques de fétichisme, qui consistent à jeter des sorts et qui provoquent des dissensions internes. «Je leur explique que quand tu fais du mal à l’autre, tu fais du mal à Dieu», souligne le Père Bango. Pour cette même raison, les pygmées ne sont pas tellement attirés par les «Eglises du réveil» qui fleurissent un peu partout dans le pays. Ces Eglises font aussi souvent la part belle à la sorcellerie, ce qui avait pour effet de diviser les familles. Cette dernière étant sacrée chez les pygmées, ces Eglises ne les ont pas convaincus.
Le Père Bango assure finalement que le succès de sa paroisse vient de ses efforts de patience et d’amour envers ce «petit» peuple. (cath.ch/aed/rz)