Mgr Pontier: «Le pape François ne laisse pas les élus français indifférents»
Mgr Georges Pontier, président de la conférence des évêques de France, a livré à l’agence I.MEDIA et à l’hebdomadaire Famille chrétienne sa conception de la laïcité ‘à la française’. Le pape François recevra en audience le 12 mars 2018 près de 300 élus du sud de la France.
Une vingtaine de députés et de sénateurs de différents partis politiques – des communistes à la Ligue du Sud, en passant par les Républicains et La République en marche – une centaine de maires et de conseillers départementaux et régionaux sont attendus pour un «voyage d’études» au Vatican. Ils seront accompagnés par neuf évêques, dont Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille.
Il y a beaucoup d’étiquettes politiques différentes dans votre délégation. Cela pose-t-il des problèmes de cohabitation?
La personnalité du pape François ne laisse personne indifférent et surtout pas les élus. Ses interventions attirent car elles touchent souvent à des questions de société. Rassembler depuis tous les horizons, c’est la caractéristique du pape François. Il plaît car il ne commence pas avec des grands principes. Mais il a ce don de pointer du doigt les contradictions de notre monde en s’appuyant sur le concret de la vie des gens.
Le pape a dénoncé à plusieurs reprises le laïcisme français et les dérives des Lumières. N’est-ce pas un sujet de friction pour les élus?
La laïcité, c’est en effet un débat un peu serré dans nos pays occidentaux. Je fais remarquer qu’il n’existe pas une totale égalité de vue sur ce sujet entre les Français. Chacun a sa manière de voir la place de l’expression des convictions religieuses dans notre société. Il faut garder en tête que la loi de 1905 a été établie pour séparer le spirituel et le temporel, ce qui revient à l’Etat et ce qui concerne les citoyens croyants. Cette loi 1905 est faite pour protéger la liberté de conscience, l’exercice de la liberté religieuse, quelle que soit la religion. L’Etat ne reconnaît plus une seule religion, mais il promet à tous les citoyens d’être respectés tant qu’ils ne portent pas atteinte à l’ordre public.
Cette conception est-elle en phase avec celle du président Macron qui doit prochainement rencontrer le pape?
Notre président a de fait, sur cette question, un positionnement intéressant. Il reconnaît la place des croyants dans notre société française et il favorise l’écoute des croyants. Il ne demande pas de taire nos convictions mais de les exprimer dans le cadre d’un débat. Ce qui suppose d’accepter que nos positions soient confrontées à d’autres. En ce sens, la présidence Macron constitue une étape intéressante pour notre pays si nous arrivons à nous imprégner de cette vision-là. Il nous faut vraiment apprendre le dialogue dans une société qui devient de plus en plus plurielle. Je crois que c’est le seul chemin pour exister, sinon on se fera la guerre.
Cette sagesse est-elle possible dans une France où l’islam vient complètement bousculer le paysage?
C’est évident que les musulmans de France ont à se positionner par rapport à cette séparation entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux. C’est un des points d’évolution dans les années qui viennent. Cela conditionne l’inscription de l’islam à l’intérieur de cette philosophie politique qui est la nôtre.
En quel sens?
J’insiste sur ce point. Ce qui est spécifique dans notre pays c’est cette séparation entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux. En dernier ressort, s’agissant des choses de ce monde, c’est le pouvoir civil qui a le dernier mot. Etant sauf la liberté de conscience, étant sauf aussi l’objection de conscience si nécessité. Mais ce qui est demandé aujourd’hui aux Français dans leur diversité, aux catholiques, aux Juifs, aux musulmans, aux bouddhistes, aux agnostiques, c’est juste d’adhérer à ce principe de séparation. Le dernier mot revient au législateur et à l’exécutif et non pas à une composante de la société. Ce principe ne pose pas de problème pour le catholicisme qui a toujours été présent dans notre culture française. (cath.ch/imedia/fc/ap/ck/rz)