Benjamin Roduit s'engage pour la liberté religieuse dans le monde | © B. Hallet
Suisse

Benjamin Roduit: «Je crois aux clins d’œil divins»

Le Valaisan Benjamin Roduit pensait avoir tourné la page de la politique. Il se retrouve, contre toute attente, sur le devant de la scène parlementaire et prête serment le 26 février 2018 devant le Conseil national pour occuper le siège laissé vacant par Yannick Buttet. Il revient pour cath.ch sur un revirement dans lequel il a vu un «clin d’œil divin».

Après une année sabbatique, l’habitant de Saillon, avait pourtant tourné la page de la politique. Il avait démissionné de la vice-présidence du Parti démocrate chrétien (PDC) du Valais romand mi-novembre 2017. Il se disait alors «ouvert à ce qui se présente» et repensait éventuellement à sa carrière politique, mais pas avant 2019. Les événements en ont décidé autrement. Benjamin Roduit occupe désormais le siège qu’il avait brigué en 2015.

A la veille de sa prestation de serment, cath.ch a rencontré celui que l’on a présenté comme le «gardien des traditions». Benjamin Roduit se dit ouvertement conservateur et plutôt libéral. Il assume sa foi chrétienne et défend les valeurs sur lesquelles il ne transigera pas.

La politique vous a donc rattrapé…
A la suite de notre ‘année différente’ avec Anne, mon épouse, nous nous étions posé beaucoup de questions sur un engagement différent. Je songeais à un engagement social et spirituel plus fort. J’ai démissionné du comité du PDC Valais Romand (PDC VR) le 15 novembre 2017, quelques jours avant le début de l’affaire Buttet.  Deux semaines plus tard j’ai été sollicité pour ce siège de conseiller national, que Yannick Buttet abandonnait.

Sachant que vous aviez renoncé à la chose publique, quelle a été votre réaction?
Je crois assez aux clins d’œil divins. La vie ou, si on est croyant, Dieu m’appelait peut-être à prendre une autre direction. J’ai senti que cela ne dépendait pas de moi et qu’il fallait y aller. Mes enfants m’ont rassuré sur mes doutes quant à ma capacité à assumer ce mandat et à supporter une telle charge. Un de mes fils, séminariste, a évoqué tous ceux qui, dans la Bible, sont appelés et qui refusent à priori avant de finalement accepter. Alors pourquoi pas moi?

«Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire»

Qu’est-ce qui a fait pencher la balance?
J’ai eu énormément de soutiens et de messages d’encouragement. On m’a dit que le train ne passait qu’une fois. Ce ne fut cependant pas l’argument prépondérant puisque j’étais dans une phase de détachement. Mais je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire.

Y voyez-vous aussi un effet de l’année ‘différente’ que vous avez vécu avec votre femme dans des engagements humanitaires en Haïti et en Afrique?
J’ai appris le détachement et le lâcher-prise. J’ai pris du recul. Si je repense aux premiers contacts avec les parlementaires, une conseillère fédérale, des personnes à la tête d’organisations ou d’associations nationales qui représentent des intérêts considérables, et bien je suis plutôt détaché. Je vais tenter de garder ce recul le plus longtemps possible.

Vous sautez dans la piscine, comment allez-vous surnager?
J’ai eu une séance de travail avec le groupe parlementaire sur les objets qui seront débattus dès lundi. J’ai pu voir quels sont les objets les plus importants. Je ne pense pas avoir plus ou moins de compétences que d’autres parlementaires. Je vais essayer d’apprendre très vite. Le train est en marche, je n’ai pas le temps de me disperser. Dans tous les cas, je prends cela comme un message de confiance.

Vous allez donc voter dès lundi après-midi?
Je suis déjà dans le bain avec le vote de la loi sur l’analyse de la génétique humaine. L’amendement que je vais voter, et que j’ai soutenu au sein du groupe, précise que les analyses prénatales ne sont possibles que si elles touchent directement et gravement la santé de l’embryon. J’insiste sur «et gravement» qu’on ne trouve pas dans la loi. Cela a été proposé par une minorité de la commission. J’estime cet amendement nécessaire, pour mieux protéger la vie.

Comment vous situez-vous politiquement?
Sur le plan économique, j’ai toujours soutenu qu’il fallait produire la richesse avant de la partager. Je suis au centre-droit. Mes expériences humanitaires et de sensibilisation à la cause des plus démunis sur les autres continents me laissent persuadé qu’on doit avoir une économie forte et saine pour pouvoir en faire bénéficier le maximum de citoyens.

«J’ai des valeurs très solides d’inspiration chrétienne»

Sur le plan sociétal on vous classe comme conservateur…
Je le suis. J’ai des valeurs très solides d’inspiration chrétienne. Je n’entrerai pas en matière sur les sujets tels que les manipulations génétiques, l’euthanasie active ou l’aide au suicide. Mes positions sur ces thèmes sont claires et franches.

Le PDC se veut le parti de la famille. On imagine que vous préoccuperez particulièrement de cette thématique…
Je vais vous surprendre… mais ce ne sera pas ma préoccupation principale. Parce que la question de la famille est présente dans tous les thèmes. Il est vrai que j’aurai ce filtre: ce que je fais est-il bon pour la famille?  Mais je m’intéresserai tout autant à la mobilité, à l’énergie et à l’aménagement du territoire.

Comptez-vous aussi agir pour les familles recomposées ou monoparentales, différentes de la famille traditionnelle?
Arrêtons d’opposer un modèle à un autre. Il n’est pas antinomique de défendre la famille traditionnelle, que je ne suis pas prêt à abandonner, et de soutenir en même temps ceux qui ne vivent pas ce type d’organisation, que ce soit par choix ou par obligation. Il est hors de question de laisser de côté ces nouvelles structures familiales. Ces personnes dans leur dignité, leurs difficultés et leurs idéaux ont droit au respect et à une défense de leurs intérêts.

Vous dites que vous défendrez les valeurs du PDC romand, quelles sont-elles selon vous?
C’est un parti du centre, plutôt à droite, en Valais, ce qui signifie en économie une attitude libérale et sociale. Le PDC VR défend des valeurs d’inspiration chrétienne, de respect de la famille, comme noyau central de la société. A travers la famille, on touche l’ensemble des thèmes. De ce point de vue, je me trouve en parfaite adéquation avec le parti, d’autant plus que j’ai été l’un des co-auteurs du nouveau programme présenté en 2016.

Lorsque vous avez été élu à la vice-présidence du PDC VR, on vous a présenté comme le «gardien des traditions». Cela vous gêne-t-il?
Non, mais cela reste une étiquette. Je n’ai pas la prétention de préserver la vérité comme un trésor dans un temple. Mon engagement politique repose sur ce fond chrétien que je tiens à préserver. J’analyserai tous les objets en fonction de cette inspiration. Si je dois y trouver des contradictions fondamentales, je contrerai l’objet. Si je me trouve minorisé, je m’abstiendrai car je tiens à rester solidaire du groupe auquel j’appartiens. Mais si les enjeux sont prépondérants j’irai au combat. Cela dit, je ne veux en aucun cas mélanger mon activité politique avec des aspects de foi qui relèvent d’une vie intérieure. Je ne veux pas mêler non plus la religion à toutes les causes politiques.

«Dieu n’est ni de gauche, ni de droite»

Pour un conseiller national, comment politique et religion sont-elles compatibles?
Je ne vais pas refaire toute l’histoire des hommes politiques qui se sont posés cette question. Saint Louis, roi de France au XIIIe siècle, s’est demandé s’il pouvait être saint et roi. Puis-je faire de la politique et m’occuper des affaires des hommes, et en même temps répondre à cet appel de Dieu? Oui. Dieu n’est ni de gauche, ni de droite.  »Rendez à César, ce qui est à César», dit aussi Jésus.

Où situez-vous l’Eglise par rapport à la société?
L’Eglise est dans le monde. Elle est constituée d’un ensemble de fidèles, qui sont aussi des citoyens, sur le plan politique. Elle est donc intéressée par tout ce qui passe dans la société. Elle y a sa place et son mot à dire, de façon respectueuse. Parfois elle doit aussi laisser la société agir sans elle, mais pas contre elle. (cath.ch/bh)


La constituante: «une grosse machine qui va coûter beaucoup d’argent»

Les Valaisans diront lors de la votation du 4 mars 2018 s’ils veulent une Constituante pour réviser leur Constitution. Selon Benjamin Roduit, une Constituante serait inutile et coûteuse. Il estime les députés du Grand Conseil et leurs suppléants tout à fait aptes à accomplir le travail.

Dans le cadre de la révision de la Constitution du Valais, allez-vous voter pour la Constituante?
On risque de mettre en route une grosse machine qui va coûter beaucoup d’énergie, d’argent et de temps pour finalement pas grand-chose. Il a été dit que la Constituante représenterait l’occasion rêvée de penser au présent et à l’avenir. Qu’elle était l’occasion rêvée d’avoir un vrai débat démocratique, et qu’elle offrait la possibilité à la société civile de donner son opinion. Ne sommes-nous pas en train de rêver de ce que nous avons déjà? En somme, si je comprends bien, les députés ne représenteraient pas la société civile. C’est faux. D’ailleurs, nous n’avons pas 130 députés mais 260, avec les députés suppléants. Le débat démocratique a toujours existé en Valais, que ce soit dans la société civile ou dans des débats médiatisés, à la foire du Valais ou lors de combats de reines.

Si la question sous-tend le fameux préambule, la réponse est simple: lundi je vais répondre ‘je jure’ à la phrase suivante: «Je jure devant Dieu tout puissant d’observer la Constitution et les lois et de remplir en conscience les devoirs de ma charge». Le fait de dire que je jure devant Dieu tout puissant ne va pas m’empêcher d’agir en toute conscience ni d’être efficace avec les objets. (cath.ch/bh)

Benjamin Roduit s'engage pour la liberté religieuse dans le monde | © B. Hallet
26 février 2018 | 14:31
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 7  min.
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